Devoir de Philosophie

Weimar, République de

Publié le 21/02/2013

Extrait du document

1   PRÉSENTATION

Weimar, République de, nom donné à la République que l'Allemagne a connue de 1919 à 1933, jusqu'à ce que le dirigeant du Parti national-socialiste, Adolf Hitler, suspende la Constitution et s'empare du pouvoir.

2   UNE NAISSANCE PROBLÉMATIQUE
2.1   Une république née de la révolution

À l'automne 1918, l'Empire allemand se trouve dans une situation critique. Sur le plan militaire, l'échec des grandes offensives du printemps a convaincu l'état-major allemand que la guerre est inéluctablement perdue. Aussi, préférant ne pas en endosser la responsabilité devant l'opinion, il laisse le gouvernement civil, dirigé par le prince Max de Bade, se charger de demander l'armistice auprès du président américain Wilson. Dans le même temps, les revers militaires, les privations au cours des cinq années de conflit et l'agitation menée par l'aile gauche du Parti social-démocrate allemand (Sozialdemokratische Partei Deutschlands, SPD) provoquent un mouvement de révolte qui débute à Kiel, le 3 novembre 1918, avec le soulèvement des marins. Rapidement, l'insurrection se propage dans la plupart des grandes villes où se constituent des comités de soldats et d'ouvriers qui réclament la fin de la guerre et l'instauration de la République.

Le 9 novembre, l'empereur Guillaume II abdique et la République est proclamée par le ministre Scheidemann à la tribune du Reichstag, tandis que le prince Max de Bade démissionne et que le social-démocrate Friedrich Ebert lui succède. Le 11 novembre, l'armistice est signé.

2.2   L'écrasement de la révolution

La situation est alors des plus confuses. Friedrich Ebert se retrouve en effet à la tête d'un Conseil des commissaires du peuple qui regroupe toutes les tendances du socialisme allemand. Très vite la désunion apparaît entre les différentes forces de gauche. D'un côté se trouvent les socialistes indépendants et surtout les spartakistes, dirigés par Karl Liebknecht et Rosa Luxemburg, qui veulent instaurer un régime sur le modèle de celui né en Russie avec la révolution bolchevique. De l'autre côté, les sociaux-démocrates modérés de Friedrich Ebert, qui songent en priorité à préserver l'existence de l'État allemand, seul garant de l'ordre et de l'unité de la nation, même au prix d'une alliance avec les forces les plus réactionnaires et avec l'armée. Lorsque, dans la nuit du 9 au 10 novembre 1918, Ebert conclut un accord secret avec l'état-major pour mettre fin au danger bolchevique, les spartakistes engagent une grève générale à Berlin le 5 janvier 1919. Elle est écrasée par les troupes gouvernementales au cours de la « semaine sanglante « (11-15 janvier) qui voit notamment l'assassinat de Karl Liebknecht et de Rosa Luxemburg. Avec l'appui des corps francs, formés de soldats démobilisés, le gouvernement écrase l'agitation révolutionnaire dans le reste de l'Allemagne au cours des mois suivants, comme à Munich où la République des Conseils est renversée dans le sang en avril 1919.

2.3   L'avenir hypothéqué

L'agitation révolutionnaire de novembre 1918 conduit à l'instauration de la République et à l'écrasement des forces d'extrême gauche qui constituent deux phénomènes majeurs qui vont peser très lourdement sur l'évolution ultérieure du régime.

En effet, les militaires et les nationalistes au cours des années suivantes vont faire de la révolution de 1918 la principale cause de la défaite militaire. Selon eux, c'est la révolution, perçue comme une véritable trahison, qui a entraîné l'Allemagne à signer l'armistice, alors que l'armée allemande était demeurée invaincue sur le plan militaire. Sans ce « coup de poignard dans le dos «, la poursuite de la guerre était possible. Ce thème va servir de propagande à l'ensemble de la droite nationaliste tout au long des années vingt et jeter sur la République de Weimar, issue de cette révolution, un véritable discrédit dont les dirigeants ne parviendront pas à disculper le régime.

D'autre part, l'écrasement des forces révolutionnaires prive le régime d'un appui face aux partis hostiles à la République, notamment les monarchistes encore très nombreux et les extrémistes de droite, dont l'audience ne cesse de se renforcer. Surtout, en s'alliant avec l'état-major et la droite réactionnaire, les socialistes contribuent à renforcer grandement le poids des forces militaristes et nationalistes.

2.4   La nouvelle Constitution

Tandis que la conférence de paix commence à Versailles, une assemblée nationale constituante se réunit à Weimar, en Thuringe, en février 1919. Dominée par les sociaux-démocrates du SPD, les catholiques modérés du Zentrum (« Centre catholique «) et les démocrates du DDP, l'assemblée élabore une Constitution qui fait de l'Allemagne une république fédérale et parlementaire, mais accorde de larges pouvoirs au président de la République, élu au suffrage universel. Celui-ci dispose, grâce à l'article 48, de la possibilité de suspendre les droits fondamentaux et d'autoriser le chancelier à gouverner à coups de décrets. Le pouvoir législatif est partagé entre deux assemblées, le Reichstag et le Reichsrat, qui est formé des représentants des différents Länder d'Allemagne. Friedrich Ebert est élu par l'assemblée président de la nouvelle République.

2.5   Le « diktat « de Versailles

Quasiment dès sa naissance, le régime de Weimar est mal accepté par une partie du peuple allemand qui lui reproche son acceptation du traité de Versailles, signé le 28 juin 1919, qui a officiellement mis fin à la guerre. Outre une amputation et un morcellement de l'Allemagne, le traité prévoit le désarmement de la Reichswehr et le paiement d'importantes réparations aux Alliés, dont le montant est fixé par la conférence de Spa, en juillet 1920. En hypothéquant ainsi l'avenir économique et politique de la République de Weimar, le traité favorise l'émergence de mouvements nationalistes extrémistes hostiles au régime.

3   LES ANNÉES DIFFICILES (1919-1923)

Les conséquences de la Première Guerre mondiale et du traité de Versailles laissent l'Allemagne avec de nombreux problèmes économiques, politiques et sociaux. Ainsi la dévaluation du mark s'aggrave dès 1920, tandis que le chômage touche les ouvriers des grandes villes, favorisant la résurgence des mouvements armés insurrectionnels. Le régime est ainsi confronté à plusieurs tentatives de putsch tel que celui de Kapp et Lüttwitz, s'appuyant sur les corps francs en 1920 et celui d'Hitler en 1923. Le gouvernement de la coalition de Weimar (sociaux-démocrates, catholiques et démocrates) mène également une violente répression contre l'agitation communiste, notamment dans la Ruhr. Dans le même temps se multiplient les attentats politiques perpétrés par l'extrême droite contre certains personnages politiques de premier plan comme Matthias Erzberger, qui avait conduit la délégation allemande lors de la conférence de paix, ou encore Walther Rathenau, le ministre des Affaires étrangères.

Cependant la crise la plus forte survient en janvier 1923, lorsque des troupes françaises et belges occupent la principale région industrielle allemande, la Ruhr, parce que l'Allemagne n'a pu honorer ses dettes. Cette occupation, à laquelle le gouvernement allemand décide de s'opposer par une résistance passive, entraîne une inflation démesurée et galopante entre juin et octobre 1923 qui ruine une partie de la classe moyenne et plonge dans la misère les milieux ouvriers et agricoles. Cette période de crise économique profonde voit s'accélérer la concentration industrielle et se constituer des fortunes colossales. En effet, les industriels rachètent à bas prix, grâce à l'inflation galopante, les entreprises victimes de la crise. Cette situation facilite également l'exportation des produits allemands vers l'étranger et permet notamment aux grands patrons de se libérer d'un seul coup de leurs dettes.

4   UNE CONSOLIDATION FRAGILE (1924-1929)
4.1   Le redressement économique

Le gouvernement de Gustav Stresemann (août-novembre 1923) marque la fin de la résistance passive et le début de la stabilisation de l'économie. Grâce à l'action de Hjalmar Schacht, la situation monétaire s'assainit rapidement, par la création du Rentenmark, gagé sur les biens productifs de l'Allemagne. Le succès du Rentenmark et le blocage du crédit amènent les industriels à rapatrier leurs capitaux tandis que la confiance revient. En 1924, le plan Dawes, établi par les Alliés, fixe de façon plus réaliste le montant des réparations ainsi qu'un calendrier des paiements un peu plus supportable pour l'Allemagne. Dès août 1924, le Rentenmark est remplacé par le Reichsmark, égal au mark d'avant 1914 et fondé sur l'or. Un contrôle monétaire plus rigoureux se met également en place. Une impressionnante reprise économique commence alors, facilitée par l'afflux de capitaux étrangers, surtout américains.

4.2   Les succès diplomatiques

À la tête du ministère des Affaires étrangères de 1924 à 1929, Stresemann permet à l'Allemagne de progressivement réintégrer le concert des nations. Avec la signature du traité de Rapallo avec l'URSS, l'Allemagne fait sa rentrée diplomatique qui se poursuit et se renforce en octobre 1925 par la signature des accords de Locarno, marqués par une reconnaissance des frontières occidentales de l'Allemagne. Peu après, les Alliés retirent leurs troupes d'occupation et l'année suivante, en 1926, l'Allemagne est admise à la Société des Nations (SDN). La politique de Stresemann visant à une progressive et pacifique révision du traité de Versailles connaît un nouveau succès avec l'adoption du plan Young qui réduit encore le montant des réparations, met fin aux contrôles et aux sanctions et entraîne l'évacuation totale des troupes françaises d'Allemagne.

4.3   La consolidation politique du régime

Le régime connaît une accalmie sur le plan politique malgré une certaine instabilité ministérielle et l'importance d'une droite nationaliste hostile au régime, comme le Casque d'Acier (Stahlhelm), formation paramilitaire puissante, concurrencée à l'extrême droite par le Parti national-socialiste allemand des travailleurs (Nationalsozialistische Deutsche Arbeiterpartei, NSDAP) d'Adolf Hitler.

En avril 1925, l'élection à la présidence de la République du maréchal Hindenburg, longtemps opposé au régime républicain, témoigne d'une relative intégration d'une partie de la droite monarchiste tandis que le succès du SPD aux législatives de 1928, et le recul de la droite et plus encore de l'extrême droite, marque l'essor d'un attachement de l'opinion allemande à une république qui lui apporte stabilité, prospérité et réussites extérieures.

4.4   L'effervescence culturelle et intellectuelle

L'écroulement de l'Empire allemand et l'ébranlement né de la défaite favorisent une certaine libération culturelle et l'émergence d'une avant-garde artistique et intellectuelle, parmi les plus importantes d'Europe. La nouvelle école architecturale, le Bauhaus, fondée au début des années vingt par Walter Gropius, l'essor de l’expressionnisme tant en peinture avec notamment Otto Dix, George Grosz, Max Beckmann, Emil Nolde et August Macke, qu'au cinéma (F. W. Murnau, Fritz Lang, Robert Wiene et le Cabinet du Docteur Caligari) ou en littérature (Alfred Döblin, Ernst Toller, et Georg Kaiser), témoignent du remarquable bouillonnement culturel que connaît la République de Weimar. Voir expressionnisme (art) ; expressionnisme (littérature et cinéma).

Surtout, critiquant la civilisation mécaniste qui s'épanouit alors en Allemagne, comme Hermann Keyserling, Oswald Spengler ou Thomas Mann, ou glorifiant les vertus allemandes comme l'obéissance, le service et le sacrifice tel Ernst Jünger, ou bien encore prônant un théâtre révolutionnaire à vocation populaire comme le défendent Erwin Piscator et Bertolt Brecht, nombreux sont les écrivains et les artistes s'engageant dans les combats politiques et idéologiques qui agitent leur époque.

De même, la physique avec Max Born et Werner Heisenberg, la chimie avec Hans Fisher, la psychologie avec Hermann Rorschach et la philosophie avec Edmund Husserl, Martin Heidegger, Ernst Cassirer, Max Horkheimer et Theodor Adorno, connaissent une activité très intense.

5   L'EFFONDREMENT (1930-1933)

Malgré le retour de la prospérité, l'économie allemande reste dépendante des emprunts étrangers, les dépenses du gouvernement sont dangereusement élevées, l'industrie ne bénéficie pas d'une grande marge de profit et le chômage n'est pas résorbé. L'endettement vis-à-vis de l'étranger met le pays à la merci de la moindre crise économique, comme celle qui débute en 1929 à la suite du krach boursier de Wall Street, à New York, le 24 octobre 1929. La forte dépendance de l'économie allemande vis-à-vis des États-Unis plonge la République dans la crise consécutivement à la chute des exportations tandis que les financiers américains rapatrient leurs capitaux. Cette paralysie de l'économie allemande fait passer le nombre de chômeurs de 2 millions au début de 1929 à 6 millions fin 1931.

En mars 1930, le chancelier Heinrich Brüning accède au gouvernement, aidé par les pouvoirs extraordinaires dont bénéficie le président. Brüning réduit les dépenses budgétaires et obtient un accord à Lausanne (Suisse), qui met fin au paiement des réparations. Mais la politique déflationniste de Brüning, imposée par la procédure des décrets d'urgence, est très impopulaire et, en 1932, il est obligé de démissionner. Certains partis politiques tirent profit du désordre causé par la crise économique de 1929 et des dissolutions successives du Reichstag (1928, 1930, 1932, 1933) aboutissant à la disparition du contrôle législatif et, par là même, à la suppression définitive du régime de Weimar.

Les grands bénéficiaires de cette crise généralisée sont les partis extrémistes, en particulier le Parti national-socialiste des travailleurs allemands d'Adolf Hitler, qui est profondément nationaliste et antisémite. Celui-ci a mis sur pied une formidable organisation paramilitaire, les S.A., qui mène une guerre civile contre les formations de gauche. Les élections au Reichstag de septembre 1930 font des nazis le deuxième parti politique d'Allemagne, et le nombre de leurs partisans augmente à mesure que la crise s'intensifie. Aux élections de juillet 1932, les nazis deviennent le plus important parti politique du Reichstag. Les politiciens conservateurs, qui pensent pouvoir contrôler Hitler au sein d'un gouvernement de coalition, persuadent Hindenburg d'appeler Hitler au gouvernement.

Le 30 janvier 1933, Hindenburg nomme Hitler chancelier. Il abolit très vite la fonction de président et il se déclare Führer (le Guide) du IIIe Reich, ce qui met fin à la République de Weimar.

Liens utiles