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Chanson française ET MUSIC-HALL

Publié le 17/12/2018

Extrait du document

Le krach de 1929 entraîne un véritable effondrement du marché du disque: le phonographe était devenu, dans les années vingt, le premier objet mécanique de consommation courante, avant l’automobile et l'aspirateur... Il est donc normal que le phonogramme soit le premier touché par la crise : entre 1928 et 1932, la production américaine tombe de 104 millions à 6 millions d'unités et elle ne retrouvera son niveau antérieur qu'en 1945. En France, la catastrophe est différée ou même tempérée (pas de statistiques précises) par le retard technologique. C'est autour de 1930 que la chanson y adopte vraiment le rythme du 78 tours, et aussi sa durée (maximum trois minutes 30 secondes). Le music-hall ne sera jamais plus qu'un banc d’essai au même titre que le cabaret, et symboliquement le premier Grand Prix du disque (1931) est attribué ex-aequo à la dernière grande vedette produite par le music-hall, Joséphine Baker (Suppose), et à la nouvelle muse du cabaret, Lucienne Boyer (Parlez-moi d'amour). Et si Paris reste capitale pour la consécration des vedettes, leur voix atteint désormais les hameaux les plus perdus grâce à la TSF. En outre, c’est vraiment leur voix, et non plus un vilain crachouillis que l’on entend, car le microphone vient de remplacer le pavillon acoustique dans les studios et il trônera bientôt sur scène : à Paris c’est Jean Sablon qui, dans son récital de Bobino en décembre 1936, ose le premier planter devant lui cet efficace instrument qu'il vient de ramener des Etats-Unis. Mais les millionnaires du disque sont encore des chanteurs à voix, «chanteurs de genre», dont le propre est justement de n’en privilégier aucun, grand air lyrique ou rengaine des rues, berceuse rurale ou slow-fox hollywoodien: Fred Gouin, Marjal, Jean Sorbier, Adrien Lamy, Robert Burnier, Jean Lumière, André Pasdoc (vainqueur du premier «radio-crochet» à la française), Réda Caire, Guy Berry... Bien que leurs cires s’empilent aujourd’hui encore sur les marchés aux puces, leurs noms n’ont pas laissé de souvenir plus vivace que celui de l’énigmatique «Chanteur sans nom», un enfant de l’Assistance surtout doué pour la publicité !

 

Le cinéma chantant

 

Dès 1930, en France, le son et surtout la chanson crèvent l'écran, et c’est ainsi que le cinéma sonne le glas du music-hall : il n’est pas surprenant que le premier «parlant» commercial soit un film «chantant» d’Amérique (le Chanteur de jazz, avec Al Jolson), puisque le cinéma populaire, jusque dans les années quarante, sera envahi par la romance. Les comédies musicales allemandes — le Chemin du paradis, Le congrès s’amuse — internationalisent le succès de Lilian Harvey et d’Henri Garat. Et dès 1930-1931, les salles obscures reprennent en chœur les airs d’Albert Préjean dans Sous les toits de Paris de René Clair et, dans la version française de l'Opéra de quat’sous de G.W. Pabst, de Marlène Dictrich dans l'Ange bleu ou de Bing Crosby dans le Roi du jazz. Critique le plus clairvoyant de l’époque, Philippe Soupault comprend déjà que «le cinéma, dans le domaine de l’opérette et du music-hall, semble être un dangereux concurrent pour le théâtre». Il ne croit pas si bien dire, puisque avant 1935, sur une cinquantaine de music-halls parisiens, trois ferment leurs portes et vingt-sept sont reconvertis en cinémas. Certains de ces derniers (Rex, Moulin-Rouge, Paramount) gardent une programmation mixte qui fait précéder la projection d’un prologue, petite revue en rapport avec le film. L’opérette — le Pays du sourire — et la chanson — Chantons sous la pluie du film Hollywood Revue of 1929 — sont ainsi mises en conserve, et même le cinéma d’auteur trouve dans la chanson un alibi commercial : ainsi l'Atalante de Jean Vigo sort sous le titre du Chaland qui passe, la chanson emblématique de Lys Gauty. Et peu d’acteurs de la nouvelle génération se refuseront à pousser la chansonnette, de Jean Gabin à Michel Simon en passant par Lucien Baroux. Quant à Maurice Chevalier, il devient à Hollywood le jeune premier fétiche d’Ernst Lubitsch, tirant son canotier dans Parade d'amour (1930) et Une heure avec vous (1932), ou roulant des airs viennois dans le Lieutenant souriant (1931, d’après Rêve de valse) et la Veuve joyeuse (1934). Ludwig Berger réussit cependant à le débaucher pour le Petit Café (1930, d’après Tristan Bernard) et Mamoulian pour Aimez-moi ce soir (1932). Ainsi, face à l’écran triomphant, où Georges Milton, alias Bouboule, proclame que la crise n’est «qu’une crise d’hilarité», et où Danielle Darrieux réplique à Albert Préjean qu’elle est finie, la rampe du music-hall jette ses derniers feux, et rien n’est alors trop extravagant pour éblouir un public vite 

« JE SUIS SWING/ CHANSON FRANÇAISE ..

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Mananne Oswald, qui a fu i o'e nazisme dès 1932, s'impose .;omme une pasiona ria de la chanson française.

Ci-dessus: la chanteuse.

À sa droi:e, Max Jacob.

© Roger · Viol/et célébrer les accords de Munich; Johnny Hess transformera le Za-zu­ za de Cab Calloway en Zazou Yeah et proclamera Je suis swing, fournissant les mots de passe de toute une génération de Paname.

À cette américanisation, il faut ajouter l'engouement très vif pour les rythmes antillais: la biguine créole des Petites Antilles fran­ çaises, découverte avec ravissement par le public de l'Exposition colo­ niale de 193!, et qui trouvera asile permanent au Bal nègre de la rue Blomet; la rumba cubaine internationalisée en 1931 par un disque vendu à des millions d'exemplaires -El Manicero (ou Peanut Vendor) - qui avec ses cousines (conga, son, guaracha) est bien représentée en France par les Lecuona Cuban Boys.

Enfin, dès 1932, l'hémorragie culturelle causée par la mon­ tée du nazisme amène à Paris -souvent en transit plus ou moins prolongé vers les États-Unis -un grand nombre de compositeurs d'Allemagne puis d'Europe centrale: Kurt Weill, Joseph Kosma, Hanns Eisler, qui injectent à la variété un certain expressionnisme; et aussi des compositeurs d'opérettes comme Oskar Straus, Emmrich Kalman, Ralph Bénatzky -l'Auberge du Cheval-Blanc, Deux Sous d e fleurs -et Werner Richard Heymann qui écrit pendant deux ou trois ans presque tous les scores des comédies musicales européennes -le Chemin du paradis, 1930-et collabore avec Sacha Guitry pour Floresran /", prù1C1' de Monaco, où Henri Garat chante Amusez-vous, fowez-vous de row! et enfin Frantz Wachsmann qui •hollywoodisera» son nom en Waxman pour monopoliser les génériques de I'Universal, de la MGM et de la Wamer.

On n'hésitera pas à ranger dans cette rubrique «exotique» l'entrée en scène -au Casino de Paris en 1934 -de Tino Rossi déguisé en berger corse et roucoulant Vieni, vieni.

Il est sans doute le premier chanteur français à s'accompagner à la guitare, et le réper­ toire de ses débuts est on ne peut plus éclectique: bostons et fox-trots écrits par Harry Warren pour les «musicals» de la Warner, chansons napolitaines, airs de Schubert ou de Massenet...

Il prendra même le relais de Carlos Gardel, enregistrant de nombreux tangos après la mort tragique de l'Argentin de Toulouse Uuin 1935): le genre est d'ailleurs en vogue au moins autant que le jazz, avec lequel il cohabite dans l'éphémère journal Jau-Tango.

Jean Sablon, comme Tino, s'adonnera plus tard à la chan­ son sirupeuse; mais en 1933, son répertoire est tonique (Mireille et Jean Nohain, Jean Tranchant, Charles et Johnny) et ses accompagne­ ments pimentés de «blue note» (Clément Doucet ou Garland Wilson au piano, arrangements de Wal-Berg, Django ou Grappelli en «guest stars»).

Sablon, qui écoute Bing Crosby, Gene Austin et Jack «Whis­ pering» Smith, est, avec les duettistes Pills et Tabet ou les Collégiens espiègles de Ray Venlura, celui qui va son «petit chemin», détaillant les charmes d'une nouvelle chanson française certes mâtinée d'améri­ canisme, mais où surtout l'esprit acide du Bœuf sur le toit a remplacé CHANSON FRANÇAISE ...

Les airs chantés par A Ibm Prijeon dans le film de Reni Clair.

Sous les to it s de Paris, connaissent w1 grand succès.

© Collection Cint'-lmagu CHANSON FRANÇAISE ...

Johnny Hess parricipe de l'américanisme en vogue à Pari.r, en •balançant• Je suis s�ing.

© Collection Fi/dier les coups de griffes du Chat noir.

Au son de cette voix nonchalante et gentille -Couc h és dans le foin, 1931 -,les jeunes découvrent la vie active, la semaine anglaise -Fermé jusqu 'à lun di, 1935 -et les dépits amoureux -Vous qui passez sans me vo ir (1936), qui deviendra pour toujours l'indicatif sablonneux, est signé Charles (Trenet) et Johnny (Hess).

· Peu après, ce tandem du swing se dissocie et Charles Trenet apporte Y' a d'la joie à Chevalier qui chante aussi Quand un vicomre de Mireille et Jean Nohain; aussitôt, en trois coups -Y'a d'la joie, Je chaille et Boum -,Trenet plante son Jardin extraordinaire, déjà bêché par Mireille, Nohain et Tranchant.

L'irruption du «fou chantant» dans ce paysage tranquille, c'est lui-même qui la chante le mieux: «Miracle sans nom, à la station Javel, on voit le métro qui sort du tunnel!» L A CHANSON POST-RÉALISTE C'est sur la même scène de l'ABC -le nouveau music-hall qui dispute à Bobino la palme de la modernité -qu'un an plus tôt (le 26 mars 1937) la môme Edith Piaf a connu son premier triomphe.

Elle a derrière elle un lourd héritage: Yvonne George, Damia, Fréhel, les plus grandes chanteuses «réalistes».

Mais elle n'a pas que cet en­ seignement-là.

Ses chansons, passées au révélateur de sa voix, sont les plus saisissants instantanés d'un monde résigné aux frontières de la vic, de la ville et de la zone, de l'amour et de la mort, très loin des fraîcheurs de la «nouvelle chanson française».

Avec elle, on «entend» les photos de Doisneau ou les toiles de Soutine.

Elle fréquentait/a rue Pigalle, c'est toute la misère de la vie quand elle est misérable.

Avec Berthe Sylva, en revanche, le même cliché accuse un irrémédiable jaunissement: elle n'évite jamais le populisme, le miséra­ bilisme et le mélodrame le plus outré.

La surenchère lui tient lieu de talent et sa sincérité s'en trouve compromise.

La goualeuse aux Ro se s blanches a pourtant un auditoire fanatique: en 1935, à Marseille, son public casse les fauteuils, et la vente de ses nombreux disques laisse loin derrière elle Damia ou Fréhel, dont presque chaque face enregis­ trée est un petit chef.{!'œuvre vitriolé.

Et il faut dire que la chanson française n'a toujours pas souvent l'esprit littéraire ct,novateur.

On se délecte encore vers 1935 des évocations de la Belle Epoque; c'est la mode rétro 1 900, propice aux tourlourous et comiques troupiers: Ouvra rd fils - J'ai la rare qui s'di/are -et surtout Fernandel qui hisse à un certain niveau surréaliste la parodie de chanson réaliste -Redis-le me le, la Fille du teimurier.

Marcelle Bordas va déterrer la chanson faubourienne -la Femme à b arb e - ou revancharde des premiers temps de la Ill".

Rina Ketty débute dans les cabarets montmartrois et ressuscite Esther Le kain, tout comme Jane Aubert el Élyane Célis perpétuent la tradition de la divette à la voix haut perchée.

And rex cite souvent Mayol, Darce lys et. »

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