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COMMENT L'IDÉE SE RÉALISE DANS L’HISTOIRE ?

Publié le 19/08/2013

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histoire

 

La première remarque à faire, c'est que ce que nous avons appelé principe, fin dernière, destination — autrement dit ce que l'esprit est en soi, sa nature, son concept — n'est qu'un élément universel et abstrait. Un principe, comme une maxime, une loi, est quelque chose d'universel, d'intérieur et, en tant que tel, si vrai qu'il soit en lui-même, n'est pas entièrement réel. Des fins, des principes, etc., n'exis¬tent d'abord que dans nos pensées, dans nos intentions ou dans les livres, mais pas encore dans la réalité. Autrement dit, ce qui est seulement en soi est une possibilité, une virtualité, mais ne s'est pas encore extériorisé pour passer à l'existence. Pour acquérir la réalité, il faut qu'un second moment s'y ajoute : c'est la mise en acte, la réalisation, dont le principe est la volonté et, d'une manière générale, l'activité des hommes dans le monde. Ce n'est que par cette activité que ces concepts, ces déterminations, qui ne sont qu'en soi, sont réalisés en fait.

 

Les lois, les principes ne vivent pas, n'ont pas d'efficacité immédiatement par eux-mêmes. L'activité qui les met en oeuvre et les fait passer à l'existence, c'est le besoin de l'homme, sa tendance et ensuite son inclination et sa passion. Pour que je fasse passer une chose dans les actes et dans l'existence, il faut que j'y trouve ma part ; il faut que je sois dans le jeu, je veux être satisfait par ce qui s'accomplit — il faut, en un mot, que cela m'intéresse. Interesse veut dire « être dans, auprès «. Une fin pour laquelle je dois agir doit nécessairement, d'une façon ou de l'autre, être aussi « ma fin « ; il faut que je satisfasse en même temps ma fin personnelle, même si la fin pour laquelle j'agis a encore beaucoup d'autres aspects sous l'angle desquels elle m'est indifférente. C'est le droit absolu du sujet, le second moment essentiel de la liberté, de trouver sa propre satisfaction dans une activité, un travail. Pour que les hommes s'intéressent à une chose, il faut qu'ils puissent y avoir leur part en agissant ; autrement dit ils réclament leur intérêt propre dans un intérêt général, ils veulent s'y retrouver eux-mêmes avec la conscience qu'ils ont de leur propre valeur (...).

En règle générale, rien n'a pu être mené à bonne fin sans qu'entre en jeu l'intérêt de ceux qui y ont collaboré. Si nous donnons à un intérêt le nom de passion dans la mesure où l'individualité tout entière, rejetant au second plan tous les autres intérêts ou buts qu'on a ou peut avoir, se fixe sur un objet avec tous les ressorts de sa volonté, concentre sur cette fin toutes ses aspirations et toutes ses forces, nous devons dire qu'en règle générale rien de grand ne s'est accompli dans le monde sans passion.

Extrait de : La Philosophie de l'histoire, Ed. Masson, pp. 59-60.

LA DIALECTIQUE

Il est de la plus haute importance de bien saisir et de bien reconnaître le moment dialectique. C'est lui qui, d'une manière générale, est le principe de tout mouvement, de toute vie et de toute action efficace dans la réalité. Il est aussi l'âme de toute connaissance vraiment scientifique. Ne pas s'arrêter aux déterminations abstraites de l'entendement, cela paraît n'être à notre conscience ordinaire qu'une simple question d'équité suivant le proverbe : « Vivre et laisser vivre «, si bien qu'on admet l'un et aussi l'autre. Mais, en y regardant de plus près, le fini n'est pas

 

seulement limité du dehors, il se supprime par sa propre nature et par lui-même passe en son contraire. Ainsi on dit que l'homme est mortel et on considère alors le fait de mourir comme quelque chose qui n'a son fondement que dans les circonstances extérieures : d'après cette façon de voir, ce sont deux propriétés particulières (séparées) de l'homme que d'être vivant et aussi d'être mortel. Mais l'interprétation véritable c'est que la vie en tant que telle porte en soi le germe de la mort et que d'une manière générale le fini est en lui-même contradictoire et par là même se supprime

Pour ce qui concerne la présence de la dialectique dans le monde spirituel et plus précisément dans le domaine juridique et moral, il suffit de rappeler ici comment, conformément à l'expérience commune, le degré extrême d'un état ou d'une activité se convertit d'ordinaire en son antithèse : cette dialectique est alors reconnue souvent dans les proverbes. On dit, par exemple, summum jus, summa injuria, ce qui signifie que le droit abstrait poussé à l'extrême aboutit à l'iniquité. On sait de même que, dans le domaine politique, ces extrêmes que sont l'anarchie et le despotisme s'entraînent d'ordinaire l'un l'autre. Le sentiment de la dialectique dans le domaine moral sur le plan individuel, nous le trouvons dans ces proverbes bien con¬nus : « L'orgueil précède la chute «, « Lame trop effilée s'ébrèche «. La sensibilité, aussi bien physique que morale, a aussi sa dialectique. On sait que les degrés extrêmes de la douleur et de la joie se convertissent l'un dans l'autre : le coeur rempli de joie se décharge par des larmes et il arrive que la mélancolie la plus profonde se traduise par un sourire.

Extrait de : Encyclopédie des 3riences philosophiques.

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