critique littéraire - littérature.
Publié le 28/04/2013
Extrait du document
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Le premier courant s’attache à rendre compte de l’« univers imaginaire » propre à un auteur.
L’épistémologue Gaston Bachelard ancre la poésie dans la sensation : la littérature est une rêverie à partir de la conscience immédiate du monde avant la
« coupure épistémologique » qui fonde son étude scientifique — de l’Eau et les Rêves (1942) à la Poétique de la rêverie (1960).
Il est suivi dans cette voie par Jean-Pierre Richard ( l’Univers imaginaire de Mallarmé, 1961 ; Poésie et Profondeur, 1955).
Georges Poulet explore les différentes modalités de la conscience de la temporalité ( Études sur le temps humain, 1950-1968).
Jean Starobinski médite sur le regard, celui du critique ( l’Œil vivant, 1961) et celui de l’auteur : l’œuvre de Rousseau
s’avère ainsi pour lui une dialectique de la transparence heureuse et de l’opacité inévitable.
L’approche plutôt thématique de ces derniers critiques peut être complétée par une approche plus stylistique mais poursuivant les mêmes objectifs, celle de
l’Allemand Spitzer, déjà pratiquée par Proust (dans son étude sur l’imparfait chez Flaubert).
Citons également ici le nom de l’écrivain Maurice Blanchot, qui travaille à la recherche du « lieu » où la littérature s’origine ( l’Espace littéraire, 1955 ; le Livre
à venir, 1959).
Mais de la « vision du monde » ainsi dégagée, on peut — contre Proust — essayer de retrouver, derrière l’œuvre, l’homme ou la société.
La critique littéraire s’appuie alors sur une philosophie ou une science humaine.
Critique psychanalytique : après Freud, on lit l’œuvre comme on le ferait d’un rêve ou d’un phantasme (Rank, Dom Juan, 1932 ; Marie Bonaparte, Edgar Poe, 1933 ; Marthe Robert, Roman des origines et Origines du roman, 1972).
La
« psychocritique » de Charles Mauron tente de passer des « métaphores obsédantes » au « mythe personnel ».
La critique sociologique ou marxiste, illustrée par Lukács — de la Théorie du roman (1920) à la Signification présente du réalisme critique
(1958) —, inspire de nombreux travaux : Köhler, Auerbach, Hauser et, en France, Bénichou ( Morales du Grand Siècle, 1948), Goldmann ( le Dieu caché, 1959), Barbéris ( Balzac, une mythologie réaliste, 1973).
La notion de l’œuvre comme « reflet »
posant problème, Goldmann, par exemple, essaie de dégager d’abord des textes de Racine et de Pascal l’expression d’un tragique particulier avant de les lire comme la mise en forme du malaise social qu’il croit sentir dans la noblesse de robe au
XVII e siècle.
Critique existentialiste : Sartre raconte les aventures de la liberté face au regard d’autrui dans des biographies (Baudelaire, Mallarmé, Genet, Flaubert), après avoir soulevé le problème du rapport entre l’écrivain et son public ( Qu’est-ce que la
littérature ?, 1947).
L’autre courant, qu’on peut mettre sous le signe de Valéry ou de T.
S.
Eliot, a révolutionné la critique anglo-saxonne entre les deux guerres sous le nom de New Criticism (Richard, Empson, Lewis, etc.).
En France, il prend son essor à la fin des années
soixante sur des bases tout à fait différentes avec le structuralisme, inspiré de la linguistique structurale (Saussure) et des formalistes russes (Chklovski, Eichenbaum, Tynianov), diffusés par Jakobson, Lévi-Strauss ( « les Chats » de Baudelaire, 1962)
et par Todorov.
En rupture avec la critique littéraire au sens propre, il s’agit de fonder une science ou théorie générale du texte (définition de la littérarité, réflexion sur la notion de genre), voire de tous les systèmes de signes (sémiologie).
Sont
particulièrement importants les travaux des structuralistes sur la poésie (Ruwet, Riffaterre) et sur le récit (Barthes, Todorov, Genette, Brémond), dont Propp, avec la Morphologie du conte (1928), est l’inspirateur.
Les textes singuliers de Barthes sont
parmi les plus représentatifs et les plus importants de ce mouvement.
Là encore, on passe vite d’une étude formaliste à une étude qui reprend en compte l’auteur à travers la psychanalyse (« sémiotique » de Kristeva, « textanalyse » de Bellemin-Noël), la sociologie ou l’histoire (Genette, Compagnon, Lejeune, Zumthor,
H.
R.
Jauss).
Les nouvelles tendances de la philosophie (herméneutique), de la linguistique (pragmatique) et de la logique ravivent le mouvement.
La réflexion sur l’énonciation permet à Dupont d’opposer la culture orale de l’événement à la culture
« morte » du livre ( l’Invention de la littérature, 1994).
La philosophie de déconstruction de Derrida alimente les théories de l’école de Yale : le texte mine sa propre signification dans le déplacement infini du sens (de Man, Allégorie de la lecture,
1989).
La sociologie de Bourdieu ( les Règles de l’art, 1992) résout le problème de l’œuvre comme « reflet » : l’œuvre reflète moins le « champ social » que le « champ littéraire », ce système construit par la « lutte des places » (les luttes pour le
profit social et / ou symbolique), surtout à partir du moment (fin XIX e siècle) où ce champ acquiert une certaine autonomie (sociopoétique de Vialla).
La critique universitaire d’aujourd’hui intègre des courants fort divers ; c’est pourquoi un travail comme celui de Fumaroli ( l’Âge de l’éloquence : rhétorique et res litteraria de la Renaissance au seuil de l’époque classique, 1980) trouve son sujet dans
le renouveau formaliste du goût pour la rhétorique tout en s’inscrivant dans la tradition érudite.
Cette critique s’est cependant fermée à la critique politique, qui existe encore dans les marges de l’université anglo-saxonne (marxisme anglais de Terry,
études noires, féministes, homosexuelles aux États-Unis), alors même que celle-ci puise aux sources de l’Europe continentale (Benjamin et l’école de Francfort) et même de la France (Foucault, Cixous).
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