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Dissertation sur la tragédie.

Publié le 18/09/2010

Extrait du document

 

Jean Anouilh fait partie de ces auteurs du XXème siècle qui ont revisité les tragédies antiques pour en proposer des réécritures modernes. Il a ainsi écrit sa version du mythe d’Antigone où il transforme le chœur antique en personnage qui propose à un moment une définition insolite de la tragédie : « (…) c’est reposant, la tragédie ; parce qu’on sait qu’il n’y a plus d’espoir, le sale espoir ; qu’on est pris, qu’on est enfin pris comme un rat, avec le ciel sur son dos, et qu’on n’a plus qu’à crier — pas à gémir, pas à se plaindre , — à gueuler à pleine voix ce qu’on avait à dire, qu’on n’ avait jamais dit et qu’on ne savait peut-être même pas encore « ? Ce propos définit la tragédie comme un genre qui procurerait calme et réconfort  car elle représente  des personnages privés d’espoir, réduits à n’exister et  s’affirmer que par la parole. Celle-ci, née du sentiment d’impuissance, fait jaillir paradoxalement une vérité inouïe. Mais qui est ce « on « répété dans la citation ? S’agit-il du spectateur ou des protagonistes ? Car si seul le public connaît l’issue fatale, seuls les héros sont « pris comme des rats « et proclament leur malheur. Et qui éprouve  le prétendu apaisement ? Les personnages ou le public ? Cette ambiguïté du « on « nous amènera à envisager les deux possibilités. Dès lors il s’agit de se demander :  dans quelle mesure l’abolition de tout espoir engendre-t-il chez les héros un nouveau rapport à la parole devenue instrument de libération et de révélation ? Et en quoi cet  aspect de la tragédie en fait un « genre reposant « tant pour les héros que pour le public ? 

La tragédie montre indéniablement un univers sans espoir dont le fonctionnement est bien connu du public. Le poids écrasant de la fatalité  laisse en effet une place centrale à la parole tragique. Mais n’est-elle que fureur et colère ? Et cette explosion de la parole est-elle compatible avec la thèse d’un genre reposant ? Nous verrons que  la tragédie vise bien plutôt à ébranler et déranger. 

 

I Comme l’affirme le chœur d’Antigone, la tragédie met en scène un univers sans espoir, des personnages confrontés à leur impuissance, enfermés dans un piège existentiel. 

A) Dès l’origine, la tragédie montre le pouvoir de la fatalité incarnée diversement selon les époques. Dérivée du « fatum « ( ce qui a été prononcé, fixé à l’avance), la fatalité est extérieure et d’essence religieuse dans la tragédie grecque. Les tragédies du XVIIème siècle soit christianisent le pouvoir divin soit sécularisent la fatalité en l’assimilant aux forces intérieures de la passion amoureuse ou en la confondant avec les impératifs sociaux ou politiques. Mais quel que soit la forme de fatalité, le personnage tragique apparaît toujours comme la victime de forces qui le dépassent et face auxquelles il ne peut lutter. 

Ex : La  toute puissance de la fatalité : 

divine :  Phèdre, Oedipe –roi, Iphigénie

politique :  Iphigénie, Bérénice

amoureuse (fatalité intérieure) : Phèdre, Andromaque, Médée 

La tragédie est bien  « une machine infernale «(Cocteau) qui broie les héros. Le « piège à rats « dans la tragédie prend deux formes privilégiées : le dilemme et  l’ironie tragique

B) En effet,  tôt ou tard, le personnage soit perd sa liberté soit croit l’exercer alors qu’il précipite son malheur.  Lorsque la souricière se concrétise dans un dilemme, le héros est sommé de choisir entre deux solutions aussi funestes ou mauvaises l’une que l’autre. C’est ainsi que Rodrigue dans le Cid de Corneille doit choisir entre  perdre l’honneur de sa famille ou perdre le droit d’ épouser Chimène, qu’ Andromaque dans la pièce éponyme de Racine est écartelée entre trahir son époux Hector en épousant Pyrrhus pour sauver son fils ou sacrifier son fils à sa fidélité conjugale. Agamemnon dans Iphigénie de Racine est déchiré entre sacrifier sa fille pour permettre de départ de la flotte grecque vers Troie ou privilégier l’amour paternel, Antigone entre laisser Polynice sans sépulture ou désobéir aux lois de la cité. Ces quelques exemples montrent que le dilemme n’offre qu’un simulacre de liberté à ces héros, jouets d’un destin qui semble se plaire à les éprouver. Ils vérifient l’idée que la tragédie est le spectacle de la méchanceté des dieux qui s’amusent avec les hommes. La malveillance divine se manifeste au plus haut point dans ce que l’on nomme l’ironie tragique dont la pièce de Sophocle, Œdipe-roi, offre le meilleur exemple. Alors qu’Œdipe espère échapper à l’oracle d’Apollon, il quitte  Corinthe pour Thèbes et dès lors tout ce qu’il entreprend se retourne contre lui,  jusqu’à ce qu’il découvre la vérité sur ses origines et sa destinée. Ainsi, l’espoir ne peut être que « sale « dans la tragédie, dans la mesure  où il contribue à faire agir le héros dans le sens de  sa perte. Les signes positifs se renversent en signes négatifs et destructeurs . Il faut néanmoins distinguer ce que sait d’avance le spectateur et ce qu’ignore le héros. C’est d’abord pour le spectateur que la tragédie est un genre théâtral prévisible et sans surprise tant par la connaissance des règles du genre que celle des « fables « qui nourrissent les intrigues. 

 

C) En effet, si certaines tragédies laissent une certaine marge d’espoir aux protagonistes, le spectateur lui sait que le héros est piégé dans une souricière. L’absence d’espoir est d’ailleurs symbolisée par l’enfermement spatial et temporel du héros  « pris comme un rat «.  Le classement d’une pièce sous l’étiquette de « tragédie « crée chez le récepteur un horizon d’attente précis dont les composantes sont héritées de La poétique d’Aristote et de l’art poétique d’Horace. Il sait que s’il assiste à une tragédie grecque ou classique, les héros vont être précipités du bonheur au malheur, chute d’autant plus impressionnante que les personnages appartiennent à des familles illustres et d’un rang social élevé. Il sait aussi que la crise tragique (l’unité d’action) se concentre en un seul lieu qui matérialise l’enfermement spatial des héros, (ce que Barthes nomme dans Sur Racine « l’antichambre « racinienne) et en une seule journée, sorte d’ enfermement temporel. Lucien Goldmann dans Racine  écrit : « Les jeux sont faits, l’avenir est décidé depuis longtemps et le passé est une menace actuelle et imminente. Les trois dimensions de la temporalité se trouvent ainsi contractées dans un présent atemporel «. Ce jugement sur l’avenir fermé et les trois unités de la tragédie s’applique à la perception du spectateur dont le savoir est renforcé par la familiarité qu’il entretient avec les fables tragiques : il connaît en général les épisodes mythiques, historiques ou légendaires qui alimentent l’action tragique. Les Atrides, les Labdacides, le cycle mythique de Thésée, de Jason, la geste de Rodrigue, l’histoire romaine (Cinna, Britannicus…) appartiennent à un patrimoine culturel commun. En cas d’oubli,  l’acte d’exposition vient lui rappeler les données essentielles. C’est pour toutes ces raisons que la tragédie apporte un certain « repos « intellectuel et esthétique au lecteur /spectateur qui sait à quoi s’attendre. Dès lors, il convient de se demander en quoi consiste l’intérêt de voir des acteurs jouer une histoire connue d’avance. Le chœur répond en partie à cette question : le spectateur vient observer et écouter les conséquences et les effets du piège tragique sur les protagonistes. 

D) Paragraphe de Bilan/Transition : En effet, cette vision de l’homme privé d’espoir car écrasé par une fatalité qui le dépasse , soumis à  des forces intérieures ou extérieures qui le conduisent à sa perte n’aboutit pas paradoxalement à la négation totale de sa liberté. Les propos du chœur nous conduisent à voir en quoi la perte d’espoir libère paradoxalement le personnage tragique en le faisant  accéder à la vérité. 

 

II Prisonnier d’une situation paroxystique, le personnage tragique « n’a plus qu’à crier- pas à gémir, pas à se plaindre, - à gueuler à pleine voix ce qu’on avait à dire, qu’on n’avait jamais dit et qu’on ne savait peut-être même pas encore «. En d’autres termes, il  clame sa colère, sa souffrance, sa révolte mais aussi se révèle aux autres et à lui-même. Selon  Anouilh , la  parole serait  à la fois le lieu d’une libération et d’ une révélation, 

 

A) Il semble en effet qu’Anouilh, à travers les verbes « crier « et le verbe vulgaire « gueuler « veut nous rendre sensible à la violence véhiculée par la parole des personnages, à ce que l’on nomme « la fureur tragique «.  Le raffinement du style tragique écrit en vers aussi bien chez les Grecs qu’au XVIIème siècle tend à masquer ou atténuer l’intensité du déchaînement pulsionnel provoqué par la souffrance et le sentiment d’impuissance des personnages. Pensons aux imprécations de Camille dans Horace de Corneille, à celles de Médée chez Sénèque, la fureur d’Hermione dans Andromaque, à la folie d’Oreste dans cette même pièce. Si le respect des bienséances au XVII ème siècle interdit toute violence sur scène, celle-ci est déplacée et transfigurée par le vers. A l’époque grecque, quand le héros atteint un sommet  de souffrance, il en vient à chanter avec le chœur dans une forme spécifique appelée kommos. Celui d’Oedipe et d’Antigone chez Sophocle sont les modèles du genre. Ainsi le cri tragique, sauf à être poussé physiquement par les acteurs dans leur jeu scénique, est-il sublimé et esthétisé dans des formes littéraires codées. Il n’en reste pas moins clameur  qui ne vise pas seulement à extérioriser la révolte ou le sentiment d’impuissance mais à faire résonner une vérité inédite . 

 

B) En effet, pris dans l’étau tragique, le héros vit une transformation intérieure qui selon les personnages le grandit ou au contraire met au jour ses faiblesses, voire sa  bassesse.   Parmi les situations de parole, l’agone est une forme privilégiée où  les personnages s’affrontent dans des duels verbaux qui les amènent à se dévoiler, à « dire ce qu’on avait à dire, qu’on n’avait jamais dit «. Un des plus beaux exemples est justement fourni par Antigone de Jean Anouilh dans la longue scène d’affrontement de la jeune fille avec son oncle. Alors qu’au début de la scène, elle justifie sa détermination inébranlable à enterrer son frère par des raisons familiales et religieuses, elle en vient peu à peu à découvrir ce qu’elle ignorait d’elle : qu’elle fait partie de ceux qui disent « non « comme son père et qu’elle ne veut pas vieillir ni connaître l’usure des sentiments. Elle refuse le bonheur conformiste que lui vante son oncle. D’autres types de dialogues font advenir le courage, voire l’audace des protagonistes pourtant désespérés: pensons à la jeune Iphigénie qui puise en elle des forces inconnues pour essayer de dissuader son père de la donner en sacrifice tout en étant prête à lui obéir ou à Chimène qui demande jusqu’au bout la mort de Rodrigue tout en ayant reconnu en privé qu’elle l’aimait ou encore Aricie qui trouve le cran d’affronter Thésée qui la tient prisonnière (Phèdre de Racine)  A côté de ses dialogues souvent agonistiques, le monologue est aussi propice à la révélation de soi : dans Cinna,  le spectateur assiste à la mutation intérieure d’Auguste qui pris dans le dilemme de faire tuer ou non son favori Cinna va découvrir de monologue en monologue qu’il veut rompre avec son passé sanguinaire et vengeur. A l’opposé de ces moments de courage et de dépassement de soi, on a le cheminement inverse de Néron dans Britannicus , «  monstre naissant « comme le nomme Racine dans sa préface. Son échec amoureux auprès de Junie réveille sa noirceur et lui fait imaginer les pires situations : il se cache pour épier Junie obligée de repousser Britannicus, il feint de se réconcilier avec son rival amoureux pour l’empoisonner. Hermione dans Andromaque entreprend aussi dans la même spirale cruelle de faire tuer l’homme qu’elle aime. Ainsi, l’impasse tragique dévoile -t-elle des facettes inconnues des personnages qu’ils ignoraient eux-mêmes. Mais qu’il se révolte, fasse exploser sa douleur, son indignation ou sa haine, le héros tragique s’affirme avant tout par la parole.  Comme le dit Roland Barthes, « la tragédie est un échec qui se parle «. 

B) Les phrases du chœur mettent en effet bien en évidence le rôle vital et majeur de la parole dans la tragédie. En effet, le spectateur ne voit jamais les personnages agir mais parler.   La parole y obéit à de multiples fonctions : une sorte de fonction maïeutique lorsque le héros grâce au confident accouche de ses sentiments les plus intimes. Dans l’acte I de Phèdre, la jeune reine dit à sa nourrice Oenone :« J’ai dit ce que jamais on ne devait entendre «. De même, Hippolyte a honte de l‘amour qu’il ressent pour Aricie  et qu’il a avoué à Théramène, son précepteur. La parole est dotée aussi d’une fonction révélatrice : c’est le cas des stances de Rodrigue(le Cid) où ce dernier, après avoir libéré sa douleur et même envisagé le suicide, trouve en lui, même après avoir compris que de toutes façons Chimène est perdue,  l’énergie d’agir pour sauver l’honneur familial. C’est dans cette plongée au cœur de sa souffrance que naît un nouvel homme qui sera baptisé un peu plus tard dans la pièce, « le Cid «. Si Corneille ne montre pas le duel avec le Comte, ce n’est pas seulement à cause des bienséances mais parce que ce qui l’intéresse, c’est précisément ce parcours intérieur du héros. Or au théâtre, tout doit être  visible par le jeu des acteurs ou tout doit être dit. La parole du héros est donc une sorte de miroir où se reflète son malheur et sa vérité. C’est pourquoi la tragédie accorde la première place à la parole car elle attire l’attention sur la réaction des héros face à la crise tragique. 

C) Bilan/transition : 

Le chœur de Jean Anouilh touche donc au plus juste du paradoxe de la tragédie qui donne à voir des grands de ce monde  écrasés par une fatalité extérieure ou intérieure mais néanmoins capables de mettre en mots le flot de leurs sentiments, voire de l’analyser lucidement tout en le subissant de plein fouet. Mais là où se pose une difficulté, c’est bien dans la confusion que le chœur installe entre l’expérience représentée des personnages (et jouée par les acteurs) et celle vécue par le spectateur.

 

III En effet, si le spectateur bien calé dans son fauteuil peut assister calmement à la tragédie, il est difficile de voir dans les épreuves subies par les protagonistes des faits « reposants «. Certes, le calme s’installe dans la fable mais ce n’est qu’à la fin, après ce qu’Aristote nomme « la catastrophe «,  dont Racine rappelle d’ailleurs dans sa préface de Bérénice qu’elle ne fait pas intervenir forcément la mort mais « la tristesse majestueuse «, marque de la fin irrémédiable du bonheur. De surcroît, même pour le spectateur, peut-on vraiment parler d’un genre « reposant « ? 

 

A) Tout d’abord, le héros loin d’être dans la quiétude vit des moments de doutes, d’hésitations et ne trouve parfois d’issue que dans la mort. Bien loin de sentir un apaisement, le héros tragique est un personnage déchiré et torturé. Pensons aux hésitations et aux déchirements d’Agamemnon quand il apprend le terrible oracle. Pensons au tourment de Thésée qui pressent qu’il a envoyé à la mort  un fils innocent, à Créon que son intransigeance a privé de son fils Hémon. De plus, contrairement à ce que semble suggérer Anouilh, les personnages tragiques  s’abandonnent à la plainte et aux gémissements. N’est-ce pas ce que l’on nomme le registre pathétique, indissociable du registre tragique ? Andromaque et Bérénice de même que Phèdre déplorent leur sort dans une tonalité élégiaque, elles ne sont pas tout le temps dans la fureur. Bérénice a été d’ailleurs souvent été qualifié de poème élégiaque. Qualifier la tragédie de « reposante « sonne à cet égard comme une sorte d’antiphrase ironique ! Certes le calme s’installe dans la tragédie mais après que le malheur a frappé, que les victimes sont mortes physiquement ou symboliquement. Le départ de Bérénice sonne le glas de son amour, l’entrée de Junie chez les Vestales est sa manière de quitter la scène du monde. Il convient donc de nuancer l’idée de « repos « instauré par la tragédie. Reste maintenant à savoir si elle est réellement un genre reposant pour le spectateur. 

B)En effet, peut-on  parler d’expérience apaisante dans la tragédie alors que tout le dispositif est fait pour provoquer un choc émotif qu’Aristote a théorisé sous le terme de catharsis ?  Car le fait que le spectateur connaisse à l’avance les mythes ou les épisodes historiques n’éteint pas ses émotions. En  centrant son intérêt sur la parole, les réactions et les sentiments exprimés par les personnages, son attention, libérée de la préoccupation de l’intrigue s’ouvre aux affects joués et parlés par les acteurs. Sarah Bernhardt, on le sait, faisait pleurer le public de la Comédie Française en incarnant Phèdre. Le public de Racine s’émouvait des larmes de la Champmeslé. Dominique Blanc a joué une Phèdre vibrante et bouleversante dans la mise en scène de Patrice Chéreau en 2001. La plainte d’Œdipe qui vient de se mutiler les yeux, les cris de Médée venant d’assassiner ses enfants, la folie d’Oreste conservent par leur degré paroxystique le pouvoir de nous toucher et nous ébranler. Freud a d’ailleurs montré que la tragédie nous fascine et nous secoue, sans nous reposer aucunement, car elle met en scène des fantasmes refoulés et des pulsions archaïques.   Comment expliquer autrement son pouvoir de « purgation « de la terreur et de la pitié ? Par conséquent, loin d’être un spectacle apaisant, la tragédie est un genre qui donne une vision effrayante et dérangeante de la nature humaine et de sa condition. 

 

C) En effet, la tragédie ne cesse de rappeler  à l’homme son impuissance, ses limites et sa solitude. Cette dimension philosophique de la tragédie est quelque peu négligée par la citation du chœur de Jean Anouilh. En insistant sur le rôle libérateur du fatum tragique, le chœur met trop l’accent sur la psychologie des héros. C’est faire peu de cas de la gravité des  questions  soulevées par le spectacle tragique qui pose entre autres le problème de la responsabilité des hommes dans le mal et de leur marge de liberté. Jean-Pierre Vernant dans mythe et tragédie en Grèce ancienne  rappelle que la tragédie est née en Grèce dans une phase de transition entre une vision exclusivement religieuse du rapport de l’homme au monde et une vision philosophique et politique plus rationnelle. Ainsi, si Oedipe est bien coupable d’avoir tué son père et épousé sa mère, en est-il responsable ? La pièce de Sophocle pose la question sans y répondre. Elle rappelle le contenu des oracles qui nient la liberté du fils de Laïos mais elle montre aussi l ’imprudence et l’orgueil du héros, coupable d’hybris. Elle expose  donc le problème sans le trancher. La même ambiguité se retrouve dans Phèdre de Racine, à ceci près que Racine ne croit pas dans le mythe et que sa tragédie met en garde contre les ravages de la passion amoureuse. Mais tragédie grecque et racinienne se rejoignent pour dresser le portrait des faiblesses et de la fragilité de l’homme. Interrogation de l’homme sur son rapport au divin, sur le mal qu’il commet et subit, la tragédie n’ est donc guère apaisante ni réconfortante.

 

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