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Les faits devraient-ils etre établis ?

Publié le 11/11/2005

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Ce qui est donné, c'est l'impression sensible; si je perçois l'arbre qui est devant ma fenêtre, c'est bien parce que j'éprouve certaines sensations, mais je n'éprouve pas «la sensation d'un arbre ». Percevoir, c'est penser un objet ou un fait, c'est-à-dire me servir de concepts. Le concept est ce qui « donne forme » au donné sensible. Aussi bien un fait n'existe que parce que je puis l'énoncer, l'exprimer par la parole :« Une voiture est passée dans la rue », « L'horloge a sonné six coups »,« Voici le facteur », « L'hiver approche ». Le fait est présent dans un discours qui a un sens, et il a un sens parce qu'il est formé de concepts. Que je me trompe ou non en décrivant un fait, je ne puis décrire un fait qu'au moyen de concepts. Or, les concepts sont des instruments de pensée dont je dispose, que je forge moi-même selon mes besoins et mes moyens, dont je choisis, selon les circonstances, l'un ou l'autre. Par exemple, pour énoncer le même fait, je puis dire : « La lampe s'allume» ou : «Le courant passe ». De là naît l'idée qu'il y a une différence entre le fait scientifique et ce qu'on a appelé « le fait brut », à tort d'ailleurs, puisque le fait brut est lui aussi la mise en forme d'un donné par un concept, seulement par un concept différent des concepts scientifiques. S'agit-il là, à proprement parler, de« l'établissement » des faits ?

« remarquable, car il s'agit ici véritablement de la constitution, de la construction d'un fait.

Un fait est caractérisé parsa structure; cette structure lui est conférée par une opération de l'entendement, et, encore une fois, uneopération dans laquelle l'entendement dispose d'une liberté de choix.

Pour prendre un exemple simple, des arbresplantés en quinconce, on peut les voir comme des alignements longitudinaux, ou des alignements transversaux, oudes alignements obliques soit vers la gauche, soit vers la droite. 4° L'analyse des différentes structures peut nous conduire, notamment, à distinguer le « fait scientifique » et le «fait historique », qu'il serait intéressant d'étudier en détail.Le fait scientifique est l'énoncé d'une loi.

C'est un fait que les corps s'attirent en raison directe du produit de leursmasses et en raison inverse du carré de leur distance; or, c'est là la loi de la gravitation.

L'eau bout à 100° à lapression ordinaire; le phosphore fond à 44°; le rapport du sinus de l'angle de réfraction au sinus de l'angled'incidence est constant, ce sont là des faits, et ce sont des lois.

Or ces lois sont des relations abstraites entre lesconcepts abstraits que sont la masse, la force, l'angle, le sinus de l'angle, l'eau (H2O), le phosphore, etc.

Et cesconcepts sont ou ne sont pas utilisés selon qu'on a décidé de se référer à telle théorie scientifique ou à telle autre.Selon qu'on admet la théorie corpusculaire de la lumière ou la théorie ondulatoire, on rend compte des mêmesapparences visuelles au moyen de concepts et de lois différentes.

Mais les formules dont on se sert constituenttoujours des énoncés de faits.

La gravitation est un fait, mais un fait que l'on constate chaque fois qu'un voit uncorps tomber, ou que l'on observe le mouvement de la Lune et des Planètes; c'est pourtant un fait bien différent decelui que représente un enfant qui traverse une rue, ou une balle qui est renvoyée par une raquette, ou une feuillemorte qui tombe de la branche; on dira que c'est un «fait général », « un fait qui se répète »; en réalité ce qui estgénéral (et que nous répétons) c'est l'énoncé de la loi de la chute des corps, ou des lois de la balistique; on diraencore « fait théorique », le « fait pratique » étant justement l'événement singulier de la chute de cette feuille deplatane.

De quelque nom qu'on le désigne, il reste que c'est sans contestation possible un fait, et qu'on est amené àconcevoir l'existence de cette classe de faits parce que l'entendement humain est ainsi fait qu'il saisit le donné parle concept, le concret par l'abstrait.5° Les faits historiques ont une autre structure; ils sont toujours, si mesquins ou si vastes soient-ils, singuliers,c'est-à-dire datés et localisés.

L'assassinat de Henri IV par Ravaillac est un fait historique, la guerre de Cent Ans enest un autre, ou les Croisades, ou la Révolution de 89.

Or, la Révolution de 89, par exemple, bien que constituant unfait hist9rique contient, ou domine, une infinité de faits historiques : la réunion des États-Généraux, le serment duJeu de Paume, la fuite du roi, la levée en masse, l'émigration, etc.

Et chacun de ces faits, à son tour, contient oudomine une infinité d'autres faits; et pourtant on ne peut concevoir qu'un « fait d'ensemble » — appelons-le ainsi —soit simplement la succession et la somme de plusieurs faits de détail.

A chaque échelle, nous sommes en présencede faits dont chacun a son unité et sa structure; et la structure propre à une certaine échelle n'est pas l'analogue,l'homothétique de celle d'une autre échelle.

C - Ordonnance de la dissertation. Une introduction s'offre d'elle-même : l'expression « établir un fait » (« l'établissement des faits ») fait figure deparadoxe, car un fait existe indépendamment de moi, il m'est toujours imposé, opposé, ou tout au moins « donné ».Je n'ai qu'à l'enregistrer; qu'ai-je besoin alors de l'établir, c'est-à-dire de contribuer en quelque sorte à sonexistence même ? L'expression « établir un fait » pose donc un problème, et c'est ce problème que nous avons àrésoudre.

Voici alors comment nous pouvons utiliser l'analyse qui précède pour construire la dissertation.Notre analyse a procédé en deux temps : 1° Il y a des faits que l'on constate et des faits que l'on reconstitue.

Ces derniers sont des faits passés qu'on abesoin de connaître comme si on les percevait; on a recours pour cela à un raisonnement fondé sur l'examen dedocuments que l'on a sous les yeux.

A vrai dire ce n'est pas là tout à fait « établir » un fait, car cette opérationsuppose qu'un fait en principe n'a pas à être établi, mais seulement constaté, et que l'on peut, dans le cas où le faitéchappe à toute constatation, le reconstituer, c'est-à-dire finalement le raconter comme le raconterait un témoinoculaire. 2° Tout fait doit être établi, parce qu'un fait n'est jamais donné, mais toujours construit.

Cela est vrai aussi bienpour les faits appelés parfois les « faits bruts » que pour les faits élaborés qui sont les faits scientifiques.

C'est là levrai sens de l'expression que nous avons à examiner.Tout fait est un énoncé unique qui rend compte d'une multitude d'observations ou d'expériences.

Exemples : LaTerre tourne autour du Soleil.

— La Révolution de 1789 s'est faite au profit de la bourgeoisie. Nous pouvons alors distinguer (ces deux exemples nous y invitent) deux catégories de faits, ou deux acceptions dumot fait : a) Les faits singuliers, qui ne se produisent qu'une fois, qui sont des faits datés.

Quoique toujours singuliers en cesens, ces faits ne sont pas nécessairement des faits « ponctuels ».

La Révolution française est un fait singulier,mais qui constitue l'unité d'un ensemble prodigieux de gestes ou de paroles humaines.

D'ailleurs, des faits commel'assassinat de Henri IV ou le mariage de Louis XIV, bien qu'ils n'intéressent en un sens qu'un individu, n'ontd'existence historique que parce qu'ils ont une extension infinie.

Il n'y a pas de faits ponctuels, il n'y a que des faitsd'ensemble.

Dans tous ces cas néanmoins, le mot fait a le sens d'événement (fait historique).b) Les faits généraux (faits scientifiques) appelés proprement phénomènes : on dit le phénomène de la réfraction,. »

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