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Le Genre Littéraire Est-Il Nécessaire À L'Argumentation?

Publié le 28/09/2010

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Bien que le genre littéraire soit utile à l’argumentation, il n’est pas pour autant décisif. En effet, présentés sous une forme différente, de mêmes arguments peuvent tout de même produire le même impact. De plus la forme doit être adaptée aux époques et aux goûts car elle peut également nuire à la réflexion critique.

 En 1759, Voltaire écrit Candide ou l’Optimisme qui outre sa critique de la philosophie de l’optimise avancée par Leibnitz, dénonce aussi de façon sporadique les mœurs de son époque, l’inutilité et la barbarie de la guerre etc. Toutes ces attaques sont présentées à travers les yeux de Candide de façon ironique, accentuée par la naïveté du personnage. Dans le chapitre 3 de l’ouvrage, il relate une scène de guerre. Voltaire a su écrire son texte de façon à ce qu’on ai le point de vue de Candide et le grincement de l’auteur. Voltaire s’arrange pour dénoncer la guerre en deux temps, une désinvolture qui imite avec moquerie la vision optimiste du monde et l’aggravation de la guerre par son coté le plus réaliste et cru : il fait réfléchir le lecteur en accumulant les horreurs qui suivent les deux armées. Comme dans tout apologue, l’auteur transmet une idée, un  point de vue de façon distrayante. En 1764, il reprend sa critique de la guerre dans Article « Guerre « publié dans le Dictionnaire philosophique. A l’inverse du comte, l’auteur présente une conviction qui cherche à emporter l’adhésion du lecteur par la persuasion. Il peut utiliser l’ironie présente dans l’antithèse « le merveilleux de cette entreprise infernale « mais l’article reste encré dans le registre polémique puisqu’il emploi des termes forts comme « hypocrisie «, « discrimination «, des apostrophes « Misérables médecins des âmes «, « Philosophes moralistes « etc. La particularité de Article « Guerre « est qu’il utilise un paragraphe de persuasion après 5 paragraphes sollicitant la raison ; en faisant appel aux émotions du lecteur, Voltaire renforce son argumentation et emporte plus facilement l’adhésion du lecteur.

 Bien que deux formes argumentatives différentes puissent créer le même impact sur le lecteur, toutes les formes, en fonction des époques et des goûts, ne servent pas l’argumentation. C’est pourquoi le genre littéraire doit s’adapter au public.

 Jean de la Fontaine vit sous le règne de Louis 14. Il vient d’un milieu aisé et a pour protecteur Fouquet. Son titre de fabuliste lui permet d’éviter la censure, en effet il dit vouloir corriger les mœurs sans pensée révolutionnaire. La tradition de l’apologue, poésie porteuse d’un enseignement, a une visée didactique et distrayante. Son premier recueil, en 1668, est dédié au dauphin, le second est dédié à Mme de Montespan, favorite du roi. La Fontaine se sert de l’entourage du roi pour critiquer le fonctionnement de la monarchie, de la cours etc. Il n’hésite pas dans ces apologues, à critiquer les mœurs de son époque de façon voilée : « Je me sers d’animaux pour instruire les hommes «. Cependant, bien que prisées par la cours de Louis 14, les fables peuvent maintenant paraitre un peu légères à une époque où toute accusation est directe et brute ! En effet, atteindre rapidement un large public, parfois au détriment même de l’argumentation, à l’opposé d’Emmanuel Kant qui, dans son article Qu’est-ce que les Lumières ? publié en 1784 cherche l’attention d’un public restreint par un effort de style et une richesse du vocabulaire qui passe ici par l’emploi du latin : « Sapere aude «, « naturaliter maiorennes « etc. pour expliquer la spécificité du mouvement des Lumières. Les messages passent aussi maintenant par les médias comme la télévision, la radio et ont également un impact sur nous, différent selon la forme utilisé. Dans un autre registre, les guignols de l’info ou certains humoristes font passer des messages tout aussi percutants comme Coluche qui dans son sketch « les discours en disent long « critique les hommes politiques de l’époque. A l’instar de l’apologue, les humoristes cherchent également à divertir le lecteur tout en instruisant. (La Guerre de Troie n’aura pas lieu de Jean Giraudoux  présente les mêmes difficultés à attirer l’attention du lecteur. L’auteur attaque la notion d’héroïsme et prétend qu’aucune cause ne vaut la mort d’un soldat. Ce n’est ni le principe de pièce de théâtre, ni les registres pathétiques et polémiques mais la forme et la longueur que prennent les arguments qui freine la compréhension et l’attention du lecteur.) (L’incipit de Candide de Voltaire présente les personnages et le lieu où débute l’action du comte. Le but principal de l’œuvre est d’offrir un contre-exemple à la philosophie de l’optimisme qui soutient que le mal a une finalité, que rien n’est sans raison, que Dieu choisit toujours le meilleur et qu’il existe une harmonie préétablie. En tant que philosophe des Lumières qui prône le progrès, Voltaire ne peut accepter les principes de la raison suffisante et du « tout est au mieux « prôné par Leibnitz. Candide est donc un outil de dérision du philosophe optimiste et de sa philosophie. L’auteur immisce également une critique de la noblesse par la présentation ironique des personnages du royaume de Thunder-ten-tronckh présentés par leur propriété, leurs sujets. Mais la philosophie de l’optimisme et la noblesse occupent aujourd’hui une place minime dans les problèmes de la société actuelle : désuète puisque ni l’un ni l’autre n’existe plus.)

 La forme doit donc s’adapter au public pour que les arguments conservent leur impact, autrement dit, elle pourrait nuire à la réflexion critique si le genre littéraire est mal choisi.

 C’est le cas de Le Dormeur du val d’Arthur Rimbaud qu’il écrit en 1870. Le sonnet a pour but de dénoncer la guerre. L’auteur fait une description neutre de la scène, employant le registre pathétique. Mais la forme de sonnet est très restrictive pour l’argumentation, en particulier par sa longueur puisqu’il ne comporte que 14 vers. Il est donc difficile de présenter des arguments où de susciter la compassion. Tout le travail de ce poème réside dans sa chute : un jeune soldat est étendu dans l’herbe, parmi les fleurs et le dernier vers nous apprend qu’il est mort. Mais cette exposition n’offre aucune perspective. Rimbaud déclare que le soldat « a deux trous rouges au coté droit «…avec une certaine fatalité. L’article du Monde écrit par Caroline Fourest à propos de l’adoption par un couple homosexuel est également présentée sous une forme nuisible à son argumentation car trop libre. En effet, l’auteur peut facilement dévier de son sujet et ici, dans un registre polémique, critiquer la « droite conservatrice « qui marque son opinion politique, donc qui met en doute son objectivité. Il en est de même pour la Lettre Philosophique n°10 de Voltaire où les faits sont exposés avec trop de manichéisme ; en effet le commerce développé par les anglais est plus que bénéfique et enrichissant alors que l’entêtement de la noblesse française à s’enliser dans leurs titres et leurs propriétés et le refus catégorique qu’ils portent au développement du commerce est strictement négatif. Il décrit chaque pays comme la bonne ou la mauvaise solution, axant sans beaucoup d’arguments et d’exemple la réflexion du lecteur.

 La forme que prend une argumentation est certes utile car elle correspond souvent à un public choisi qui est déjà acquis à la réflexion intellectuelle […] ou s’appuient sur l’émotion brute. On constate malgré tout que les messages qui comptent véritablement on quand même une forme particulière. Certains discours ont traversé les décennies par ce que la forme adaptée était percutante, adaptée à la problématique du moment. : Je vous ai compris, I have a dream, J’accuse.

 

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