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GIDE: LES FAUX-MONNAYEURS (Analyse)

Publié le 18/11/2010

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«Ainsi l'auteur imprévoyant s'arrête un instant, reprend souffle, et se demande avec inquiétude où va le mener son récit. [...] Profitons de ce temps d'été qui disperse nos personnages, pour les examiner à loisir. J'aurais dû me méfier d'un geste aussi excessif que celui de Bernard au début de son histoire.«

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« est présentée dès les premières pages grâce à Bernard, le fils aîné, qui découvre par indiscrétion sa situation d'enfant illégitime ; sa bâtardise devient lacondition première de sa liberté ; il quitte la maison et devient secrétaire d'Édouard, qu'il suit tout au long du roman. Édouard est apparenté à la famille Molinier, car il est le demi-frère de Pauline, épouse d'un magistrat, Molinier, etmère de trois garçons : Vincent, médecin, Olivier, l'ami de Bernard Profitendieu et Georges, lycéen.

Édouard estamoureux de son neveu Olivier ; mais un malentendu se glisse entre eux jusqu'à la fin du roman, où leurs relationss'éclaircissent. La famille Vedel-Azaïs tient une pension que fréquentent les jeunes gens du roman.

C'est une famille de pasteurs, ony respire «une odeur puritaine très spéciale».

Rachel et Laura, filles douces et résignées, s'opposent aux enfantsdépravés que sont Sarah et Armand. La famille Passavant est réduite aux deux fils d'âge et de caractère très différents : Robert, romancier à succès, al'âge d'Édouard et se présente comme son double maléfique, animé des mêmes goûts pour les jeunes gens.

Gontran,lui, est un lycéen sérieux et effacé. D'autres personnages interviennent, en particulier le vieux professeur La Pérouse, qui, grâce à Édouard, retrouveson petit-fils Boris soigné en Suisse.

L'action se situe à Paris, seule une incursion à Saas-Fee nous en éloigne. 2.

DES PROCÉDÉS NARRATIFS NOVATEURS Le titre du roman prend plusieurs sens : titre du roman d'Édouard, roman dans le roman, c'est aussi le thème d'uneintrigue secondaire, un trafic de fausse monnaie, mêlé à une affaire de moeurs dans laquelle sont impliqués les plusjeunes des adolescents.

Mais le thème de la fausse monnaie a aussi une valeur symbolique ; pour Édouard, les faux-monnayeurs sont ses confrères en littérature, complaisants envers l'opinion comme Passavant.

De façon plusgénérale, les faux-monnayeurs sont tous ceux qui s'aveuglent, qui se paient de mots ou d'illusions, qui pratiquentl'art de l'hypocrisie, comme le pasteur Vedel ou le magistrat Molinier.

C'est Bernard qui défend la probité dans ceslignes : «Je voudrais, tout au long de ma vie, au moindre choc, rendre un son pur, probe, authentique.

Presque tous lesgens que j'ai connus sonnent faux.» Cette affirmation de valeurs positives ne doit pas être entendue comme une leçon de morale ; la phrase finale duroman, prononcée par Édouard, est une provocation : «Je suis bien curieux de connaître Caloub».

Il s'agit du jeunefrère de Bernard ; l'intrigue pourrait encore se poursuivre. L'utilisation systématique du journal intime surprend dans ce roman ; Gide est coutumier de ce procédé littéraire,mais le journal d'Édouard occupe ici le tiers du roman.

Ce sont les notes d'un écrivain à propos du roman qu'il a leprojet d'écrire; c'est dire qu'Édouard est le reflet de Gide.

Ce roman dans le roman illustre le procédé de la «mise enabyme» par lequel le processus créateur est inscrit au cœur même du roman.

Déjà, dans Paludes, le personnage de Tityre est un écrivain aux prises avec un texte intitulé «Paludes». Au journal d'Édouard s'ajoute le discours à la première personne d'un narrateur qui intervient dans le récit,s'adressant au lecteur, souvent de façon ironique, bri-sant l'illusion romanesque, s'interrogeant sur le devenir de sespersonnages : «Ainsi l'auteur imprévoyant s'arrête un instant, reprend souffle, et se demande avec inquiétude où va le mener sonrécit.

[...] Profitons de ce temps d'été qui disperse nos personnages, pour les examiner à loisir.

J'aurais dû me méfierd'un geste aussi excessif que celui de Bernard au début de son histoire.» La multiplication des points de vue se fait par d'autres procédés, tels que les monologues de Bernard, souventmarqués d'enthousiasme et de lyrisme, ou l'insertion de lettres adressées à Édouard.

L'expression directe despersonnages prend ainsi le relais de la narration.

La transcription de nombreux dialogues joue également ce rôle ;Gide fait parler ses personnages et ne les décrit pas.

Le dialogue est pour lui un moyen de caractérisation autantque de narration. Les idées de Gide sont ainsi véhiculées par des personnages secondaires : sa méfiance à l'égard des religions estreprésentée par le vieux La Pérouse ; ses dispositions à «l'immoralisme» sont défendues par Lilian Griffith.

Gide segarde bien des «exécrables romans à thèses», mais les idées sont là, habilement présentées par les techniquesnarratives.

L'emploi presque constant du présent de l'indicatif procède également de ce mode de narration. 3.

UNE RÉFLEXION SUR L'ART DU ROMAN Les Faux-Monnayeurs développe une réflexion sur la création romanesque à travers divers personnages d'écrivains présents dans le récit. C'est d'abord Édouard, romancier de fiction, double de Gide, qui déclare ne pas vouloir «se cramponner à la réalité»et qui, pourtant, veut «tout y faire entrer, dans ce roman», qui serait «comme L'Art de la fugue» de Bach : une composition artificielle et complexe, savante et stylisée.

Gide rend hommage à Roger Martin du Gard, qui l'a conseillé. »

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