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Montrez Le Rôle De La Modernité Scientifique Dans L'Avènement D'Un Nouveau Fantastique Dans Le Horla De Maupassant Et L'Étrange Cas Du Docteur Jekyll Et De Mr Hyde De Stevenson.

Publié le 18/10/2010

Extrait du document

scientifique

 

La fin du XIXème siècle, à l’époque où Maupassant écrit Le Horla et Stevenson son Strange Case of Dr_. Jekyll and Mr. Hyde, _est marquée par d’importants progrès et découvertes majoritairement scientifiques. Le courant philosophique positiviste est alors en plein essor, ainsi que l’idéologie scientiste, selon laquelle la connaissance scientifique permettrait d’échapper à l’ignorance dans tous les domaines. De fait, la science est de plus en plus vulgarisée et se pare d’un prestige nouveau. 

 Dans un tel contexte, de nombreux changement s’opèrent dans divers domaines, dont la littérature et plus précisément le genre fantastique. En effet, sous la poussée des rationalismes, les anciens systèmes de représentation empirique et symbolique du monde sont subvertis. Un nouveau genre se colle sur l’ancien et l’occulte : appuyé sur la raison, il nie le vécu. Ainsi, le fantastique jusqu’alors basé sur le surnaturel folklorique tend à se transformer vers un genre plus rationnel. Et Maupassant de dire : « Le surnaturel baisse comme un lac qu’un canal épuise, la science à tous moments recule les limites du merveilleux. «. 

 Ce dernier s’est beaucoup intéressé aux progrès scientifique de son temps, tout comme son contemporain Stevenson, ce qui transparait de leurs œuvres respectives. Tout d’abord, force est de constater que l’essor scientifique fournit de nouveaux thèmes de prédilection aux auteurs fantastiques de l’époque. En outre, l’importante présence d’arrières plans scientifiques entraine la naissance d’un nouveau genre littéraire, la science-fiction. Et enfin, malgré l’apparente fin du surnaturel et la nostalgie qui l’accompagne, ce dernier n’a toutefois pas définitivement disparu et est encore bien utile au genre fantastique. 

   L’essor de la science entraine donc, à la fin du XIXème siècle, la naissance de nouveaux thèmes fantastiques. Parmi ces derniers figurent entre autres le dédoublement de la personnalité, l’apprenti-sorcier, ou encore le phénomène d’emprise. 

 Tout d’abord, le thème du double qui est la base même des deux œuvres au programme, est fortement lié à la science. En effet, c’est de l’essor de la psychiatrie moderne et de la psychologie freudienne que s’est développé l’intérêt pour le dédoublement de la personnalité, les recherches sur l’hypnose ayant auparavant commencé à traiter le sujet. Dès lors, le thème des troubles de l’identité a fréquemment été employé à des fins littéraires par des auteurs, comme Maupassant, qui souffraient parfois eux même de ce genre de pathologies. Beaucoup se sont par ailleurs interrogé sur la part autobiographique dans Le Horla dont le narrateur est aux prises avec son double, le fameux Horla. Chez Stevenson le thème du double est encore plus exploité puisque outre le double du Dr Jekyll qu’est Hyde, l’auteur lui-même est divisé entre un rêveur nocturne et un vigile diurne, son histoire ayant en partie pris forme lors de cauchemars. 

 Enfin le nouveau genre fantastique lié aux progrès scientifique use également du phénomène d’emprise. Ce dernier, lié à la thématique du double, consiste à mettre en scène une victime devenue la proie d’un être mystérieux, lequel la possède et exerce un pouvoir impérieux sur elle, annihilant en elle toute volonté. Là encore, ceci se retrouve aussi bien dans la nouvelle de Maupassant que dans le roman de Stevenson, puisque le Horla exerce une emprise totale sur le narrateur maupassantien, tout comme Mr Hyde sur le Dr Jekyll. De plus, Jekyll subit tellement cette emprise qu’il en vient à ne plus pouvoir se passer de Hyde. L’on pourrait alors penser au phénomène d’assuétude de la part du toxicomane, ce qui était particulièrement d’actualité à l’époque de Stevenson. Une dimension symbolique est cependant à noter : « ce que l’on croyait dominer, en dernière analyse, vous domine. « puisque le Horla et Mr Hyde entrainent tous deux au final la fin de leurs doubles respectifs. Cette morale est très générale, et pourrait également s’appliquer, pourquoi pas, à la science elle-même. 

 Ainsi force est de constater que les découvertes et le progrès scientifique ont une grande influence dans le choix des thématiques prédominantes du nouveau fantastique réaliste et classique. 

     Pour aller plus loin, le contexte scientifique de l’époque a conduit Stevenson et Maupassant à mettre en place dans leurs œuvres un véritable arrière plan scientifique. Ce dernier contribue à la création d’une dimension fantastique, fantastique qui tend parfois à se rapprocher d’un nouveau genre de l’époque : la science-fiction. 

 Chacune des deux œuvres qui nous intéressent ici est marquée par les avancées scientifiques qui leurs sont contemporaines. En effet, le champ lexical scientifique domine tout autant dans Le Horla que dans le Strange Case…, traduisant ainsi le vif intérêt que leurs auteurs portent aux questions scientifiques. En effet, beaucoup noteront déjà que des médecins sont présents autant chez Stevenson avec le docteur Jekyll et le docteur Lanyon, ainsi que dans les trois versions du Horla si l’on considère le docteur Parent et son expérience d’hypnose dans Le Horla II et le docteur Marande dans les deux autres versions, à qui le narrateur écrit. Stevenson traite également d’alchimie, et l’emploi du nom « Case « dans le titre de son œuvre renvoie également à un terme scientifique, et plus particulièrement à un « cas « médical. 

 Ce contexte scientifique dans les deux œuvres contribue ainsi à instaurer une nouvelle dimension fantastique dont le but est de créer frison et angoisse chez le lecteur. Les deux écrivains se servent donc de la science comme d’un instrument fonctionnant de la même façon que les légendes folkloriques utilisées aux mêmes fins auparavant. Dans Le Horla par exemple, l’épisode parisien du docteur Parent est donc avant tout utilisé en tant que matériau « scientifique fantastique «. Ce dernier sert en effet à renforcer la part de mystère qui nait chez le profane de son manque de connaissances scientifiques. 

 Les avancées scientifiques n’ont donc pas transformé le fantastique qu’en surface, puisque dorénavant la plupart des œuvres de ce genre se parent de tout un arrière plan scientifique utilisé à des fins fantastiques. De plus, un nouveau genre au nom scientifico-littéraire voit le jour : la science-fiction. 

     Enfin, arrivé à ce point, beaucoup pensaient que le fantastique au surnaturel folklorique d’antan était voué à disparaitre, ce qui transparait avec une touche de nostalgie dans nos deux œuvres, parallèlement à quoi se détache une peur des progrès scientifiques. Mais pourtant, la fin du surnaturel légendaire n’a pas encore sonné, et c’est en duo avec le fantastique scientifique que ce dernier est dorénavant utilisé. 

 Les scientistes positivistes de l’époque, tout comme le docteur Parent du_ Horla_, jettent un regard condescendant sur les époques passées de superstition que les hommes sont désormais poussés à rejeter. Le fantastique reposait auparavant sur la crédulité de l’être humain. S’étant alors changé en scepticisme, la littérature fantastique devra donc « puiser dans un autre surnaturel, un surnaturel des marges, un insolite flottant entre la part d’inconnu qui nous reste et celle vouée à être éclairée un jour définitivement par la science «. D’après Ivan Tourgueniev : « Lentement, depuis vingt ans, le surnaturel est sorti de nos âmes […] Nous avons rejeté le mystérieux qui n’est plus pour nous que l’inexploré._ «. _Ainsi, pour Maupassant comme pour Stevenson, le genre littéraire fantastique ne peut donc plus être le même qu’hier, du fait de cette entrée dans l’âge de la science. Ceci crée pourtant chez l’écrivain français un certain regret : « Eh bien, malgré moi, malgré mon vouloir et la joie de cette émancipation, tous ces voiles levés m'attristent. […] Quand je sors la nuit, comme je voudrais pouvoir frissonner de cette angoisse […] ! Comme je voudrais croire à ce quelque chose de vague et de terrifiant qu'on s'imaginai_t sentir passer dans l'ombre ! «._ 

 Cependant les progrès scientifiques de l’époque ne font pas que ravir les populations. Ces progrès engendrent en effet une peur ambiante, peur des savants jouant aux apprentis-sorciers comme on l’a précédemment noté, mais également peur de ce que la science pourrait découvrir, et enfin, bien sûr, la peur des profanes qui engendre le nouveau fantastique-scientifique. Cette peur se ressent dans Le Horla, notamment lors de l’expérience du docteur Parent : « Les jeunes femmes, épouvantées, disaient «Assez ! Assez ! Assez !« «. En revanche Stevenson ne parait pas avoir de craintes particulières à ce sujet. 

 Un nouveau fantastique est donc né, puisant à la fois dans le contexte scientifique de l’époque tout en conservant le surnaturel folklorique qui, auparavant, contribuait à lui seul à créer la dimension fantastique des œuvres. De fait, le genre a gagné en subtilité, et les effets qu’il engendre ont une portée bien plus importante. 

   La modernité scientifique a donc eu un rôle majeur dans l’avènement d’un nouveau scientifique, et cela autant par les thèmes qu’elle a engendré que par la nouvelle dimension fantastique scientifique qui a depuis lors été très utilisée. En effet, c’est l’association de ce fantastique scientifique avec le fantastique surnaturel folklorique qui a abouti à l’avènement de ce nouveau genre, le fantastique réaliste puis classique. C’est à ce nouveau genre qu’appartiennent donc, entre bien d’autres, les œuvres de Maupassant et de Stevenson qui ont servis à cette étude. 

 Ainsi, force est de constater l’influence que l’évolution historique a sur différents domaines comme la littérature mais aussi la philosophie, et les arts en général. Cet âge de la science à la fin du XIXème siècle n’est pas le premier à avoir engendré autant de changements. L’évolution est la marche naturelle des choses.

 

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