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Il n'y a pas de vérités premières: il n'y a que des erreurs premières disait Bachelard. Qu'en pensez-vous ?

Publié le 07/07/2004

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Le fait de dévoiler sous le monde macro-physique une réalité micro-physique, ou de déchirer le voile de l'astronomie pour y déceler un monde astro-physique qui n'est plus régi par les mêmes lois, sont autant de scandales pour la science moderne. La découverte de phénomènes comme celui de la radioactivité, des infra-sons, des ultra-sons, ou celle d'une chimie où les acides seraient des bases camouflées (comme on est en train de le prouver à l'heure actuelle : voir Revue Générale des Sciences) sont à l'origine d'un nouvel esprit scientifique qui se traduit par une philosophie du non. La chimie est maintenant non-lavoisienne, la physique non-newtonienne, la géométrie non-euclidienne, la mécanique non-cartésienne, etc. Rien ne tient plus. 3. D'où le véritable désarroi de la pensée scientifique actuelle. « Ces flottements, ce désarroi du raisonnement dans la science regardée comme la plus sûre de toutes, nous montre sur le vif la fragilité de nos certitudes les plus fortes «, note avec nostalgie M. Armand Denjoy dans son ouvrage sur les Grands Courants de la Pensée Mathématique. On a pu - M. Georges Bouligand - écrire tout un livre sur le Déclin des Absolus mathématico-logiques.

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« INTRODUCTION.

— L'homme a soif d'absolu : il aspire à une explication des choses qui soit irrécusable, apodictique.

Mais s'il se trouve devant unsystème ou une affirmation qui prétendent réaliser cet idéal, la mêmeexigence d'absolu suscite un esprit critique qui lui fait rejeter ce qu'on luiprésente comme certain.

C'est ainsi que les philosophes appuient leurconception sur ce qu'ils appellent des « vérités premières ».

Mais d'autres,après avoir soumis à l'épreuve la solidité de ce fondement, estiment que cetitre de « vérités premières » ne se justifie pas.

On est même allé jusqu'à dire: « Il n'y a pas de vérités premières; il n'y a que des erreurs premières ».Paradoxe, sans doute, mais qui ne doit pas être totalement faux.

Avant d'enjuger, nous commencerons par déterminer le sens qu'on peut donner à cetteétrange affirmation. I.

— EXPLICATION A.

— Ce qu'il faut entendre par « vérités premières ». Le pluriel du terme dont nous avons à préciser le sens suffit à nous en avertir: il n'est pas question ici de la vérité dans l'acception abstraite du mot, c'est-à-dire du caractère de ce qui est vrai.

Les vérités dont il s'agit sont despropositions comme « deux et deux font quatre », je « pense », « il pleut », « ce qui est, est », etc.

Cette notion de vérité est suffisamment claire; il n'en est pas de même de l'adjectif« première ». 1.

L'acception la plus simple est l'acception chronologique : est dit « premier » ce qui précède temporellement toutle reste : nous parlons du premier homme, des premières civilisations, du premier jour de l'année, du mois ou de lasemaine...

Si nous prenons « premier » en ce sens, les « vérités premières » consisteront dans les propositions ouconnaissances qui précèdent toutes les autres.

Nous avons là une priorité de fait. 2.

Au lieu du fait, c'est plus souvent le droit que l'on considère.

On a alors l'acception logique.

Dans ce sens estpremier ce qui précède logiquement, et non plus chronologiquement, c'est-à-dire ce qui ne peut pas être déduit,mais doit être situé au départ de la chaîne déductive; ce qui ne peut pas être expliqué, mais entre dans l'explicationdu reste.

C'est ainsi qu'on parle de notions premières : ces notions, comme celle d'être, de plaisir ou de douleur,sont indéfinissables parce qu'il n'y a pas de notion plus générale auxquelles on puisse les ramener.

De même lesnombres premiers ne peuvent pas être réduits à un multiple d'un autre nombre.

Ou encore les propositionsconstituant une axiomatique peuvent être dites premières.

Sont donc premières dans ce sens les vérités ou lespropositions qui ne sont pas déduites mais présupposées explicitement ou implicitement dans une opérationdéductive.

Ces vérités premières sont appelées aussi «principes»; c'est ainsi que les définitions, les axiomes et lespostulats peuvent être considérés comme les principes des mathématiques. 3.

Mais ou parle surtout des « principes premiers » qui constituent les « vérités premières » par excellence.

«Premier » est pris alors dans son acception critique : en effet, c'est principalement la valeur de ces principes quediscutait KANT dans sa Critique de la raison pure.Il y a une différence essentielle entre les « principes premiers » dont parlent les philosophes et les principesconstitutifs d'une axiomatique.

Ceux-ci, le mathématicien ne les donne pas comme vrais, c'est-à-dire commeconformes au réel; du réel il fait abstraction et ne s'occupe que de l'univers mental créé par son axiomatique.

Lephilosophe, au contraire, vise à la connaissance du réel.

Aussi n'admet-il comme « vérités premières » ou « principespremiers » que des propositions vraies se distinguant des autres en ce que ce sont des propositions mises hors detoute discussion parce que évidentes par elles-mêmes et servant de garantie ou de fondement à d'autrespropositions obtenues déductivement grâce à elles.

Ainsi, nous disons ironiquement de certains personnagesinfatués d'eux-mêmes : c'est pour eux une vérité première qu'il ne se trompent pas ou qu'ils ont toutes lessupériorités.Les vérités premières ainsi comprises sont plus communément appelées principes premiers.

Il est classique de lesréduire à deux : le principe d'identité et le principe de raison suffisante.

Ils se présentent comme universels etnécessaires.

De là certains philosophes ont conclu qu'ils ne pouvaient pas venir de l'expérience qui est toujoursparticulière et contingente et que, par conséquent, ils étaient à priori, c'est-à-dire antérieurs à toute expérience.Nous aurions là les vérités premières par excellence : d'abord parce qu'elles précéderaient en un certain sensl'entrée en jeu des fonctions cognitives; ensuite parce que, conditionnant tout exercice de la pensée, ellesbénéficieraient d'une primauté sans égale. B.

— Les erreurs premières. On pourrait croire que, ayant expliqué ce qu'on pouvait entendre par « vérités premières » nous savons par le faitmême ce que signifie le terme de « erreurs premières ».

Il n'en est rien.. »

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