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A quoi bon discuter ?

Publié le 22/02/2012

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L'analyse 1/ A quoi bon : au sens courant, exprime du dépit : à quoi bon te le répéter, de toute façon tu ne le fais pas = c'est vain, ça ne sert à rien. A quoi bon discuter, cela voudrait dire que ce que l'on vise au travers de la discussion, l'idéal rêvé, n'est pas réalisable, que l'idéal de discussion qu'on s'efforçait de construire n'est pas atteignable. D'où deux questions : quel est cet idéal cherché dans la discussion (à quoi bon, quelle est le bien propre qu'est sensée réaliser la discussion) ? et pourquoi serait-il vain de le chercher ? 2/ Discuter : Il s'agit de la discussion en général, donc on réfléchira sur la discussion en général. Si vous voulez poser le problème particulier de la discussion en politique, vous y consacrez une partie entières (par ex III et IV) comme on avait fait pour croire est-ce renoncer à l'usage de sa raison : d'abord la croyance en général, puis en particulier la religion. 3/ Discuter : ce n'et pas parler, transmettre simplement. Ce n'est pas monologuer ou se disputer. Cela signifie plutôt communiquer ou contester ou échanger. a/ Partager, Communiquer, qu'est-ce que c'est ? Creusez-vous la tête, analysez vos expériences ! On dit souvent « tu vois ce que je veux dire ! » on estime souvent que l'autre devrait voir comme nous que tel homme politique est un imbécile. Ce serait peut-être alors vouloir que les autres voient ce que je vois subjectivement et comme je le vois. b/ Contester, c'est alors ne pas voir les choses comme l'autre et manifester son droit à voir les choses par soi-même.

« discussion dont nous rêvons ne se réalisait jamais.

C'est que nous rêvons d'une discussion où nous pourrionsvraiment partager, et échanger ce que nous pensons et éprouvons, c\'est-à-dire communiquer à autrui notresingularité subjective, obtenir qu'il voit ce que nous vivons, comme nous le vivons.

Or une telle communication estimpossible pour trois raisons nous dit Bergson.Premièrement, le langage fige notre vie intérieure.

Nous utilisons le même mot pour dire « je t'aime » alors que laréalité de notre sentiment est mouvante.

De même qu'on ne se baigne jamais deux fois dans le même fleuve qu'onappelle pourtant à chaque fois d'un même mot (l'Oise), on n'aime jamais avec la même intensité et de la même façon: l'amour n'est pas une fonction monotone, et son eau est faite de « 1000 nuances fugitives » que nousreprésentons pourtant d'un seul mot : « je t'aime ».

La réalité de l'amour est dans le changement, mais le langageen fige le tableau.

Vouloir communiquer notre amour est donc vain, nous dit Bergosn, car les mots mêmes sontinaptes à dire ses 1000 nuances fugitives.

A quoi bon discuter alors, si on ne peut communiquer ?La discussion est vaine également dans la mesure où elle se sert d'un instrument mal fait pour communiquer notrevie intérieure.

En effet, cet instrument opère des classifications inadéquate : il range dans une même catégorie desréalités distinctes en préjugeant qu'il y a là une réalité identique (on appelle amour l'amour que l'on ressent pour sesparents comme pour son petit copain) là où il y aurait des « nuances » à faire.

De même, il range dans descatégories distinctes des réalités qui ne sont pas en elles mêmes distinctes mais forme une sorte de continuum,comme semblent le prouver les conflits de frontières et la confusion des sentiments lorsqu'on ne sait plus si l'on aimeou si l'on a simplement de l'amitié.

Communiquer la réalité de notre vie intérieure, toute dans la nuance et lacontinuité, à l'aide d'un tel instrument parait donc là encore voué à l'échec.

Et, comme l'ouvrier fatigué de sesmauvais outil, nous pourrions bien nous écrier : à quoi bon discuter !Mais en supposons ces deux premiers obstacles surmontés, la discussion est vaine, nous dit Bergson, dans lamesure où le langage est général, commun à divers individus, tandis que la réalité de leur vie intérieure est toujourssingulière.

Le langage en effet voudrait être le lieu d'une mutualisation, d'une mise en commun de notre subjectivité,la faisant sortir de notre intériorité pour la déposer, comme disent les grecs « au milieu ».

Le mot est, selon l'imagede Mallarmé, comme une pièce de monnaie, une monnaie d'échange, une convention permettant d'échanger desobjets qualitativement différents, selon une commune mesure quantitative.

Par définition même le mot est commun àplusieurs.

Mais par cette même définition, un mot commun ne peut donc communiquer la réalité de ma vie intérieuredans son individualité qui elle est toujours singulière et personnelle.

L'amour, terme général n'existe pas, il n'y a quedes amours toujours singuliers et propres à chacun, c\'est-à-dire des manières d'aimer qui expriment l'individualité dechacun.

Tout amour est fait de « mille résonances profondes » c\'est-à-dire n'est jamais isolable de toutes lesautres expressions de ma personnalité et entre en résonance avec tout le reste de ma vie.

Ainsi Proust comprend-ilau début de Du coté de chez Swann que sa jalousie angoissée à l'égard des femmes est analogue à l'angoisse qu'ilressentait petit au moment de devoir quitter sa mère pour aller dormir.

Mais dès lors, si chaque individu vit l'amour àsa manière, de quoi parle le mot amour ? Il n'offre de l'amour qu'un substitue, qu'une représentation inadéquateparce que commune, à laquelle rien de correspond en réalité.

Celui-ci ne saurait donc communiquer ma réalitéintérieure.

A quoi bon discuter et chercher à communiquer une intériorité avec des mots qui sont ceux de tout lemonte et sont communs ? Soit elle ne peut être mise en commun, soit ce qui l'est ce n'est pas elle.

Il est donc vainde discuter.Certes, discuter sert à socialiser.

Mais si socialiser consiste à partager notre intériorité, à parler à l'autre de ce quel'on a vécu, alors toute discussion est le lieu d'une illusion, et Bergson nous permet de dire qu'il est vain de discuter.Comment se rendre compte en effet qu'on ne parle pas de la même chose si l'on emploie le même mot ? Pour deschoses globalement différentes la distinction est faisable (si par exemple derrière le mot vache mon ami met l'idée debateau, je finirai par m'en rendre lorsqu'il dira que la vache a coulé !), mais pour des choses « à peu près les mêmesdans les mêmes circonstances », la distinction est plus difficilement faisable.

Comment alors me rendre compte quederrière le mot amour, je ne parle de la même chose que mon camarade ? En toute rigueur, la discussion est undialogue de sourds, puisqu'elle consiste à parler de choses différentes (mon sentiment particulier) en s'imaginant quel'on parle de la même chose, sans nous rendre compte que ce n'est pas le cas ! Or un « dialogue de sourd » pardéfinition, ce n'est pas un dialogue : la communication est illusoire.

Et puisque le mot est commun, mais que rien necorrespond en réalité à cette généralité (le réel étant fait de singularités non répétables), en parlant de l'amour,nous ne parlons de rien de réel.

Une telle discussion est donc en plus vide d'objet.

A quoi bon discuter dans cesconditions ? Le mot nous enlève jusqu'à la possibilité de nous poser cette question entretenant l'illusion que nousdiscutons vraiment.Pire, la discussion, déjà sans intérêt s'avère de surcroît nuisible et va, en vertu de ces mêmes principes, nous rendreétranger à nous même si l'on suit Bergson.

En effet, la discussion étant faite de mots communs, elle nous amène àcroire en la réalité de ces symboles et à nous imaginer que nous sommes intérieurement comme le langage nousreprésente.

Se construit donc pour pouvoir discuter un tableau de nous même auquel aucune réalité ne correspond.Nous nous imaginons être comme le langage nous dit, réduisant la richesse de notre vie intérieure aux catégories denotre langue, à sa monotonie et à ses généralités.

Ressentir de l'amour, de l'angoisse, c'est « reconnaître » que telleémotion est ce que l'on appelle amour ou angoisse.

Mais cette reconnaissance m'amène dès lors à méconnaître cesémotions dans leur fugitivité, leur nuances, ainsi que la personnalité qui s'y exprime, émotions que j'entrevoieseulement telles qu'elles sont, la première fois que je les ressens, lorsque je ne sais pas encore les nommer.

Ainsi lelangage forge la représentation que j'ai de moi-même et m'amène à me perdre de vue.

Se construit par le langage,pour un rêve illusoire de communication, un moi factice, banalisé et commun, un moi social, tableau factice auquelrien ne correspond et qui recouvre le vrai moi et condamne ma vie intérieure à l'anonymat.

Ce que je peuxcommuniquer de moi, ce n'est pas moi.

Aussi suis-je prêt à me perdre pour discuter.Total renversement, la discussion inapte à communiquer la singularité de mon moi, génère donc au contraire un fauxmoi, le moi tel que le dit le langage et auquel nous finissons par croire.

Renversement pathétique car tout ce à quoila discussion est bonne, c'est à nous donner l'illusion que nous communiquons.

L'homme par besoin de sortir de sasubjectivité, de discuter et de partager, ne trouve qu'un plaisir illusoire dans des discussions qui ne sont en vérité. »

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