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Publié le 22/09/2018

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Aujourd’hui, maman est morte. Ou peut-être hier, je ne sais pas. J’ai reçu un télégramme de l’asile : « Mère décédée. Enterrement demain. Sentiments distingués. » Cela ne veut rien dire. C’était peut-être hier.

 

L’asile de vieillards est à Marengo, à quatre-vingts kilomètres d’Alger. Je prendrai l’autobus à deux heures et j’arriverai dans l’après midi. Ainsi, je pourrai veiller et je rentrerai demain soir. J’ai demandé deux jours de congé à mon patron et il ne pouvait pas me les refuser avec une excuse pareille. Mais il n’avait pas l’air content. Je lui ai même dit : « Ce n’est pas de ma faute. » Il n’a pas répondu. J’ai pensé alors que je n’aurais pas dû lui dire cela. En somme, je n’avais pas à m’excuser. C’était plutôt à lui de me présenter ses condoléances. Mais il le fera sans doute après-demain, quand il me verra en deuil. Pour le moment, c’est un peu comme si maman n’était pas morte. Après l’enterrement, au contraire, ce sera une affaire classée et tout aura revêtu une allure plus officielle.

 

J’ai pris l’autobus à deux heures. Il faisait très chaud. J’ai mangé au restaurant, chez Céleste, comme d’habitude. Ils avaient tous beaucoup de peine pour moi et Céleste m’a dit : « On n’a qu’une mère. » Quand je suis parti, ils m’ont accompagné à la porte. J’étais un peu étourdi parce qu’il a fallu que je monte chez Emmanuel pour lui emprunter une cravate noire et un brassard. Il a perdu son oncle, il y a quelques mois.

 

INTRODUCTION

 

Ce texte qui figure au début de L'Étranger offre une importance particulière : il nous introduit dans le roman, nous présente le personnage principal dont il nous révèle la psychologie et le genre de vie en même temps qu’il évoque le milieu humain où se passe son existence. Il nous donne aussi sur l’écrivain, sur son art et sur sa philosophie des indications essentielles.

D’emblée nous faisons connaissance avec le personnage principal qui nous communique ses impressions à l’occasion d’un événement particulièrement tragique de son existence : la mort de sa mère. C’est à travers ces impressions que nous nous faisons une idée de l’homme. A vrai dire, le premier trait qui frappe chez lui c’est son insensibilité. La triste nouvelle qui vient de lui parvenir sous la forme sèche, impersonnelle et laconique d’un télégramme ne provoque en lui autant dire aucune émotion. Il semble enregistrer avec une morne passivité et une étrange indifférence le malheur qui le frappe. On s’attendrait au moins à un choc de douloureuse stupéfaction. Or il n’en est rien. Et l’on ne peut même pas imaginer, à sa décharge, un mouvement de pudeur instinctive qui l’amènerait à nous taire certains de ses sentiments : la douce familiarité d’un souvenir d’enfance par exemple qui pourrait prendre une valeur poignante dans la mesure où s’y trouverait associée la disparue.

 

Car dans la transcription fidèle qu’il nous fait de ses impressions, il ne cherche pas à nous dissimuler quoi que ce soit de ce qu’il éprouve. La meilleure preuve sans doute nous en est donnée par un détail inattendu. Ce qui le préoccupe en somme, ce n’est pas l’événement pénible annoncé mais un élément tout à fait extérieur et accessoire : la date exacte du décès de sa mère sur laquelle le télégramme ne lui apporte aucune précision. Il y revient à deux reprises : avant de donner le contenu du message qu’il a reçu et après l’avoir communiqué. Cela constitue chez lui un peu comme une hantise, et l’ignorance où il est tenu de ce détail sans importance visiblement le préoccupe et 1 ’agace. Son insensibilité s’accompagne donc de futilité.

 

Et cette futilité est elle-même révélatrice de son manque de bon sens. Il ne voit pas l’importance des choses à leur véritable niveau. Il n’a pas une vision dominée des faits. Sans doute tout cela ne l’empêche pas de prendre sur-le-champ les dispositions qui s’imposent. Il a tôt fait d’envisager et de décider l’heure de son départ, le mode de transport qu’il empruntera et l’heure aussi de son retour, après la cérémonie. Mais cet homme à vrai dire ne semble pas s’apprêter à rendre à sa mère un dernier et pieux devoir. Il s’acquitte simplement avec correction d’un rite que les conventions sociales lui imposent et c’est pour la même raison qu’il emprunte à un ami la cravate noire et le brassard dont il a besoin pour le jour de l’enterrement. La tenue de deuil — même réduite à sa plus simple expression fait partie, pour

camus

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LE PERSONNAGE PRINCIP AL D' em blée nous faisons connaissan ce avec le personnage prin­ cipal qui nous communique ses impressions à l'o ccas ion d'un événement particulièrement tragique de son existence : la mort de sa mère .

C' est à travers ces impres sions que nous nous faisons une idée de 1 'ho mme .

A vrai dire, le premier trait qui frappe chez lui c'est son insensibilité.

La triste nouvelle qui vient de lui parvenir sous la forme sèche, im personnelle et laconique d'un télégramme ne provoque en lui autant dire aucune émotion.

Il semble enregistr er avec une morne passivité et une étrang e ind ifférence le malheur qui le frappe .

On s'attendrait au moins à un choc de doulo ureuse stupéfaction.

Or il n'en est rien.

Et l'on ne peut même pas imaginer, à sa décharge, un de pudeur instinctive qui l'am ènerait à nous taire certains de ses sentiments : la douce familiarité d'un souvenir d'enfance par exemple qui pourrait prendre une valeur poignante dans la mesure où s'y trouv erait associ ée la disparue.

Car dans la transcription fidèle qu'il nous fait de ses impres­ sions, il ne cherche pas à nous dissim uler quoi que ce soit de ce qu'il éprouve .

La meilleure preuve sans doute nous en est donn ée par un détail inattendu.

Ce qui le préoccup e en somme, ce n'est pas l'événement pénible annoncé mais un élément tout à fait extérieur et accessoire : la date exacte du décès de sa mère sur laquelle le télégramm e ne lui apporte aucune précision.

Il y revient à deux reprises : avant de donner le contenu du messag e qu'il a reçu et après l'avoir communi qué.

Cela constitue chez lui un peu comme une hantise, et l'ignorance où il est tenu de ce détail sans importan ce visib lement le préoccupe et 1 'ag ace.

Son insensibi lité s'acco mpagn e donc de futilité.

Et cette futilit é est elle-même révélatrice de son manque de bon sens.

Il ne voit pas l'importance des choses à leur véritable niv eau.

Il n'a pas une vision dominée des faits.

Sans doute tout cela ne 1 'e mpêche pas de prendr e su r-le-champ les dispositions qui s'imposent.

Il a tôt fait d'en visag er et de décider l'heure de son départ, le mode de transport qu'il empruntera et l'heure aussi de son retour, après la cér émonie.

Mais cet homme à vrai dire ne semble pas s'apprêter à rendr e à sa mère un dernier et pieux devoir.

Il s'acquitte simplement avec correction d'un rite que les conventions sociales lui imposent et c'est pour la même raison qu'il emprunte à un ami la cravate noire et le brassard dont il a be soin pour le jour de 1 'e nterrem ent.

La tenue de deuil � même réduite à sa plus simple expression fait partie, pour. »

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