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Le vol d'lcare

Publié le 19/03/2015

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pouvoir les effacer en se jouant des bornes, survolées puis dépassées. Le progrès, tendu vers son idéal, ne peut mécon­naître sa dimension propre, et ses conditions. L'exigence de liberté porte l'homme au-delà de sa condition présente, mais celle-ci ne peut être oubliée, en sa consistance, par le mouve­ment qui la transcende. La vraie conscience assume jusqu'au bout les conditions matérielles de l'envol.

 

L'oubli tragique des conditions et des médiations n'atteste aucune infirmité de l'idéal, mais la seule façon qu'il a d'exister pour avoir valeur émancipatrice. Celle d'une exigence qui se sait telle, et qui ne confond jamais la propension même de l'espoir à voir le monde réel à son image avec un programme d'action. Le rêve n'est que rêve, ce qui est déjà beaucoup pour agir, mais encore trop peu pour réussir.

« 32 L'invention de l'homme l'homme s'inscrivait, il franchit les bornes, indifférent aux limites de son corps et oublieux de l'artifice qui les a surmon­ tées.

Et la montée vers le ciel se poursuit.

Nos yeux furent premiers à voir les nuages plus bas que nous, et l'alouette à nos genoux (Aragon).

Le risque alors est de confondre les limites, fixées en soi par la nature ou la façon dont on accroît pour un temps son pou­ voir, et les bornes, semblables aux lignes d'horizon d'un pay­ sage où l'on serait tenu immobile.

Confusion mortelle.

Icare monte toujours plus haut, malgré le pressentiment de l'inven­ teur, qui avertit suffisamment.

La faiblesse est oubliée, graduel­ lement, à mesure que fait merveille l'artifice.

L'homme-oiseau la croit transcendée.

Il poursuit sa montée folle et douce dans les sillages indéfinis où le ciel s'offre à lui.

Une force neuve permet de s'élever encore et au-delà ; pourtant, la limite silen­ cieuse et inexorable, qui tient à la nature des choses, ne peut se laisser oublier.

La cire a collé les plumes.

Les ailes d'Icare font corps avec lui, au point qu'il n'y pense plus et bat les airs sans retenue.

Et le soleil, approché de trop près, détruit l'artifice.

Les ailes fon­ dent et les bras nus agités en vain disent la fin brutale de l'illu­ sion.

Par la pensée pourtant, vigilance affranchie des transes du corps exalté, la chose était prévisible.

C'est compter sans la hâte de vivre, qui prend les devants, et transgresse.

Les ailes de la pensée déjouent le piège du bel envol.

Mais les ailes du moment répondent trop au rêve pour freiner l'élan.

Dans la lumière tiède où s'ouvre un beau ciel d'homme, Icare s'élevait porté par sa propre joie, et ne pouvait imaginer alors la fin du chemin aérien.

Poésie, déliée des ancrages.

L'homme-poète, lui, est maladroit sur terre, ayant battu le grand large venté, et sillonné le monde bleu des nuages.

L'ordre quotidien de l'utile semble interdire l'envol, et les exi­ gences réifiées de la survie terrestre brident l'esquisse lyrique.

L'albatros.« Ses ailes de géant l'empêchent de marcher» (Bau­ delaire).

L'homme-oiseau retombe dans la mer, et ses plumes éparses, bientôt perdues dans les vagues, sont l'épilogue d'un vol contre-nature.

S'approcher du soleil sans franchir les limites.

Ces limites étaient devenues invisibles.

On avait cru. »

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