Devoir de Philosophie

Abra arriva, légèrement essoufflée.

Publié le 30/10/2013

Extrait du document

Abra arriva, légèrement essoufflée. Ses joues étaient roses. Elle était heureuse. « Vous avez vu ? Il y a de la neige sur le mont Toro. - Oui, nous avons vu, dit Adam. Il paraît que c'est la promesse d'une année meilleure. Personne ne s'en plaindra. - J'ai juste grignoté, dit Abra. Je voulais avoir faim ici. « Pendant tout le déjeuner, Lee se plaignit. Il accusa le four à gaz de ne pas chauffer comme un bon vieux four à bois. Il accusa les dindes modernes de ne pas ressembler aux bonnes vieilles dindes de jadis. Puis il rit avec tout le monde lorsque l'on lui dit qu'il se conduisait comme une vieille femme quémandant des compliments. Lorsque le plum-pudding fut sur la table, Adam servit le Champagne. Ils le burent cérémonieusement. Avec des airs mondains, ils lancèrent des toasts ; et chacun but à la santé des autres, et Adam dit un petit compliment à Abra lorsque les verres se tendirent vers elle. Les yeux d'Abra brillaient, et, sous la table, Aron lui tenait la main. Le vin avait émoussé la nervosité de Cal et le cadeau ne lui faisait plus peur. Lorsqu'il eut fini sa tranche de gâteau, Adam déclara : « Ce jour sera notre plus beau souvenir. « Alors Cal fouilla dans sa poche intérieure, en sortit le paquet enrubanné et le posa devant son père. « Qu'est-ce que c'est ? - C'est un cadeau. « Adam était ravi. « Ce n'est pas Noël et on m'offre des cadeaux. Je me demande ce que c'est. - Un mouchoir «, dit Abra. Adam fit glisser le ruban maladroitement noué et déplia le papier de soie. La vue de l'argent le plongea dans une sorte d'hébétude. Abra demanda : « Qu'est-ce que c'est ? « et se leva pour voir. Aron tendit la tête. Lee, de la porte, essaya de masquer son inquiétude et jeta un regard sur Cal qui, illuminé de joie, triomphait. Lentement, Adam passa les doigts sur les billets. Sa voix semblait venir de très loin. « Qu'est-ce que c'est ? Qu'est-ce... « Il n'alla pas plus loin. Cal avala sa salive. « C'est... Je l'ai gagné... pour te le donner... pour remplacer les laitues. « Adam releva lentement la tête : « Tu les as gagnés ? Comment ? - Mr. Hamilton... ensemble... avec des haricots. (Puis son débit s'accéléra) : Nous les avons achetés sur pied cinq cents et quand les prix ont monté... C'est pour toi. Quinze mille dollars. C'est pour toi. « Adam remit les billets en ordre, égalisa les coins, et refit le paquet. Il jeta un regard désespéré à Lee. Cal capta une impression... une menace de calamité, de destruction. Une chape de plomb s'appesantit sur lui. Il entendit son père dire : « Tu vas rendre cet argent. - Le rendre ? À qui ? - À ceux de qui tu le tiens. - Le Bureau d'achat britannique ? Ils ne le reprendront pas. Ils paient douze cents et demi leurs haricots dans tout le pays. - Alors, rends-le aux fermiers que tu as volés. - Volés ? hurla Cal. Mais nous les avons payés deux cents au-dessus du marché. Nous ne les avons pas volés. « Cal se sentait suspendu dans l'espace et les secondes étaient longues. Son père mit longtemps à répondre. On aurait dit qu'il y avait des grands traits d'union entre chacun de ses mots. « J'expédie de jeunes hommes à la guerre. Je signe, et ils partent. Certains mourront, et d'autres y perdront bras ou jambes. Ils reviendront tous déchirés. Crois-tu, fils, que je puisse prendre mon bénéfice là-dessus ? - Je l'ai fait pour toi, dit Cal. Je voulais que tu aies de l'argent pour compenser ta perte. - Je ne veux pas d'argent, Cal. Quant à ces laitues... je n'ai pas agi pour en tirer un bénéfice. C'était un jeu. Je voulais voir si j'arriverais à expédier des laitues là-bas et j'ai perdu. Mais je ne veux pas d'argent. « Cal avait les yeux fixés droit devant lui. Il sentait les regards de Lee, d'Aron et d'Abra qui brûlaient ses joues. Il ne quitta pas des yeux les lèvres de son père. « Je te remercie d'avoir pensé à me faire un cadeau, continua Adam. Ton intention... - Je vais les mettre de côté. Je les garderai pour toi, coupa Cal. - Non. Je n'en voudrai jamais. J'aurais été si heureux si tu avais pu me donner... ce que m'a donné ton frère... la fierté de son travail, la joie de le voir progresser. De l'argent, même honnête, ne vaudra jamais cela. (Il leva légèrement les paupières et il demanda) : Es-tu vexé ? Ne le sois pas. Si tu veux me faire un cadeau, offre-moi une belle vie. Voilà à quoi j'accorde de la valeur. « Cal sentit qu'il étouffait. La sueur coulait sur son front et il avait un goût de sel sur la langue. Il se leva si violemment que sa chaise bascula derrière lui. Il se précipita hors de la pièce, la respiration coupée. Adam lui cria : « Ne m'en veuille pas. « Ils le laissèrent en paix. Il s'assit à son bureau, pensant qu'il allait pleurer, mais les larmes ne vinrent pas. Elles s'évaporaient au contact du brasier qui emplissait sa tête. Au bout d'un moment, sa respiration se fit plus régulière et il se sentit en état de penser plus calmement. Il lutta contre la haine qui l'habitait, il essaya de la repousser, mais il faiblit bientôt et la haine, distillée, passa dans ses veines, empoisonnant chaque nerf. Il se sentait perdre le contrôle. Vint le moment où il n'y eut plus ni lutte ni peur, mais un sentiment de triomphe douloureux. Sa main s'empara d'un crayon et commença de dessiner des petites spirales sur son buvard. Lorsque Lee entra, une heure plus tard, une centaine de spirales étaient tracées et elles allaient en rapetissant. Cal ne leva pas la tête. Lee ferma la porte sans faire de bruit. « Je t'ai apporté du café, dit-il. - Je n'en veux pas... Après tout, si. Merci, Lee. C'est gentil d'y avoir pensé. « Lee dit : « Arrête. Arrête, je te le demande ! - Qu'y a-t-il à arrêter ? « Lee était embarrassé. « Je te l'ai dit une fois lorsque tu me l'as demandé : c'est en toi. Tes actes dépendent de toi. - Je ne vois pas ce dont tu parles. « Lee dit : « Ne m'entends-tu pas ? Crois-tu que je ne devine pas ? Cal, ne sais-tu vraiment pas de quoi je parle ? - Je t'écoute, Lee. Que veux-tu dire ? - Il ne pouvait pas faire autrement, Cal. C'est sa nature. Un seul chemin lui est ouvert. Il n'avait pas le choix. Toi, tu l'as, tu m'entends ? Tu as le choix. « Les spirales étaient devenues si petites que les traits se joignaient et ne formaient plus que de minces bâtonnets. Cal dit froidement : « Tu accordes beaucoup d'importance à une chose qui n'en a pas. Tu dois te tromper. À t'entendre, on dirait que j'ai tué quelqu'un. Va-t'en, Lee. Va-t'en. «

« entre chacun deses mots. « J’expédie dejeunes hommes àla guerre.

Jesigne, etils partent.

Certains mourront, et d’autres yperdront brasoujambes.

Ilsreviendront tousdéchirés.

Crois-tu,fils,que je puisse prendre monbénéfice là-dessus ? – Je l’aifait pour toi,ditCal.

Jevoulais quetuaies del’argent pourcompenser taperte. – Je neveux pasd’argent, Cal.Quant àces laitues… jen’ai pasagipour entirer un bénéfice.

C’étaitunjeu.

Jevoulais voirsij’arriverais àexpédier deslaitues là-basetj’ai perdu.

Maisjene veux pasd’argent. » Cal avait lesyeux fixésdroit devant lui.Ilsentait lesregards deLee, d’Aron etd’Abra qui brûlaient sesjoues.

Ilne quitta pasdesyeux leslèvres deson père. « Je teremercie d’avoirpenséàme faire uncadeau, continua Adam.Tonintention… – Je vaislesmettre decôté.

Jeles garderai pourtoi,coupa Cal. – Non.

Jen’en voudrai jamais.J’aurais étésiheureux situ avais pume donner… ceque m’a donné tonfrère… lafierté deson travail, lajoie delevoir progresser.

Del’argent, même honnête, nevaudra jamaiscela.(Illeva légèrement lespaupières etildemanda) : Es-tu vexé ? Nelesois pas.

Situ veux mefaire uncadeau, offre-moi unebelle vie.Voilà à quoi j’accorde delavaleur. » Cal sentit qu’ilétouffait.

Lasueur coulait surson front etilavait ungoût desel sur la langue.

Ilse leva siviolemment quesachaise bascula derrière lui.Ilse précipita horsde la pièce, larespiration coupée. Adam luicria : « Ne m’en veuille pas. » Ils lelaissèrent enpaix.

Ils’assit àson bureau, pensant qu’ilallait pleurer, maisles larmes nevinrent pas.Elles s’évaporaient aucontact dubrasier quiemplissait satête. Au bout d’unmoment, sarespiration sefit plus régulière etilse sentit enétat depenser plus calmement.

Illutta contre lahaine quil’habitait, ilessaya delarepousser, maisil faiblit bientôt etlahaine, distillée, passadanssesveines, empoisonnant chaquenerf.Il se sentait perdrelecontrôle. Vint lemoment oùiln’y eut plus nilutte nipeur, maisunsentiment detriomphe douloureux.

Samain s’empara d’uncrayon etcommença dedessiner despetites spirales sur son buvard.

Lorsque Leeentra, uneheure plustard, unecentaine despirales étaient tracées etelles allaient enrapetissant.

Calneleva paslatête. Lee ferma laporte sansfaire debruit. « Je t’aiapporté ducafé, dit-il. – Je n’en veux pas… Après tout,si.Merci, Lee.C’est gentil d’yavoir pensé. » Lee dit : « Arrête.

Arrête,jete ledemande ! – Qu’y a-t-ilàarrêter ? » Lee était embarrassé. « Je tel’ai ditune foislorsque tume l’as demandé : c’estentoi.

Tes actes dépendent de toi.

– Je nevois pascedont tuparles. » Lee dit : « Ne m’entends-tu pas ?Crois-tu quejene devine pas ?Cal,nesais-tu vraiment pasde quoi jeparle ? – Je t’écoute, Lee.Queveux-tu dire ? – Il nepouvait pasfaire autrement, Cal.C’est sanature.

Unseul chemin luiest ouvert.

Il n’avait paslechoix.

Toi,tul’as, tum’entends ? Tuaslechoix. » Les spirales étaientdevenues sipetites quelestraits sejoignaient etne formaient plus que deminces bâtonnets. Cal ditfroidement : « Tu accordes beaucoup d’importance àune chose quin’en apas.

Tudois tetromper.

À t’entendre, ondirait quej’aitué quelqu’un.

Va-t’en,Lee.Va-t’en. ». »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles