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Les choses étant ainsi, que l'on juge de ce que le docteur dut éprouver, quand, le 20 août, une dépêche de son agent arriva au Stadthaus par le fil de Malte à Antékirtta.

Publié le 01/11/2013

Extrait du document

Les choses étant ainsi, que l'on juge de ce que le docteur dut éprouver, quand, le 20 août, une dépêche de son agent arriva au Stadthaus par le fil de Malte à Antékirtta. Cette dépêche mentionnait, d'abord, le départ de Silas Toronthal, de Sava et de Sarcany, puis, la disparition de Mme Bathory et de Borik qui venaient de quitter Raguse, sans qu'il eût été possible de retrouver leurs traces. Le docteur n'avait plus à s'attarder. Il fit venir Pierre. Il ne lui cacha rien de ce qu'il venait d'apprendre. Quel coup ce fut pour lui ! Sa mère disparue, Sava, entraînée on ne savait où, par Silas Toronthal, et, il n'en pouvait douter, toujours aux mains de Sarcany ! « Nous partirons dès demain, dit le docteur. - Dès aujourd'hui ! s'écria Pierre. Mais où chercher ma mère ?... Où chercher ?... « Il n'acheva pas sa pensée... Le docteur Antékirtt l'avait interrompu et lui disait : « J'ignore s'il ne faut voir qu'une simple coïncidence entre ces deux faits ! Silas Toronthal et Sarcany sont-ils pour quelque chose dans la disparition de madame Bathory, nous le saurons ! Mais, c'est à ces deux misérables qu'il faut aller d'abord ! - Où les retrouver ?... - En Sicile... peut-être ! « On s'en souvient, dans cette conversation entre Sarcany et Zirone, surpris par le comte Sandorf au donjon de Pisino, Zirone avait parlé de la Sicile comme du théâtre habituel de ses hauts faits, - théâtre sur lequel il proposait à son compagnon de revenir un jour, si les circonstances l'exigeaient. Le docteur avait retenu ce détail, en même temps que ce nom de Zirone. Ce n'était là qu'un faible indice, sans doute, mais à défaut d'autre, il pouvait permettre de relever la piste de Sarcany et de Silas Toronthal. Le départ fut donc immédiatement décidé. Pointe Pescade et Cap Matifou, prévenus qu'ils accompagneraient le docteur, devaient se tenir prêts à le suivre. Pointe Pescade apprit alors ce qu'étaient Silas Toronthal, Sarcany et Carpena. « Trois coquins ! dit-il. Je m'en doutais ! « Puis, à Cap Matifou : « Tu vas entrer en scène, dit-il. - Bientôt ? - Oui, mais attends ta réplique ! « Ce fut le soir même que s'effectua le départ. Le Ferrato, toujours prêt à prendre la mer, ses vivres faits, ses soutes pleines, ses compas réglés, appareilla à huit heures. On compte environ neuf cent cinquante milles depuis le fond de la Grande Syrte jusqu'à la pointe méridionale de la Sicile, à l'ouvert du cap Portio di Palo. Au rapide steam-yacht, dont la vitesse moyenne dépassait dix-huit milles à l'heure, il ne fallait qu'un jour et demi pour franchir cette distance. Le Ferrato, ce croiseur de la marine antékirttienne, était un merveilleux bâtiment. Construit en France dans les chantiers de la Loire, il pouvait développer près de quinze cents chevaux de force effective. Ses chaudières, établies d'après le système Belleville - système dans lequel les tubes contiennent l'eau et non la flamme, - avaient l'avantage de consommer peu de charbon, de produire une vaporisation rapide, d'élever facilement la tension de la vapeur jusqu'à quatorze et quinze kilogrammes, sans aucun danger d'explosion. Cette vapeur, reprise à nouveau par des réchauffeurs, devenait ainsi un agent mécanique d'une puissance prodigieuse, et permettait au steam-yacht, bien qu'il fût moins long que les grands avisos des escadres européennes, de les égaler en vitesse. Il va sans dire que le Ferrato était aménagé avec un confort qui assurait toutes leurs aises à ses passagers. Il portait, en outre, quatre canons d'acier, se chargeant par la culasse et disposés en barbette, deux canons-revolvers Hotchkiss, deux mitrailleuses Gatlings ; de plus, à l'avant, une longue pièce de chasse qui pouvait lancer à six kilomètres un projectile conique de treize centimètres. Pour l'état-major, un capitaine, Dalmate d'origine, nommé Köstrik, un second et deux lieutenants ; pour la machine, un premier mécanicien, un second mécanicien, quatre chauffeurs et deux soutiers ; pour équipage, trente marins, dont un maître et deux quartiers-maîtres ; pour le service des chambres et de la cuisine, deux chefs et trois saïs faisant office de domestiques, - en tout quatre officiers et quarante-trois hommes, tel était le personnel du bord. Pendant ces premières heures, la sortie du golfe de la Sidre s'accomplit dans d'assez bonnes conditions. Bien que le vent fût contraire - une brise de nord-ouest assez fraîche - le capitaine pût imprimer au Ferrato une remarquable vitesse ; mais il lui fût impossible d'utiliser sa voilure, focs, trinquettes, voiles carrées du mât de misaine, voiles auriques du grand mât et de l'artimon. Durant la nuit, le docteur et Pierre, dans les deux chambres contiguës qu'ils occupaient à bord, Pointe Pescade et Cap Matifou, dans leurs cabines de l'avant, purent reposer, sans s'inquiéter des mouvements du steam-yacht, qui roulait passablement comme tous les bons marcheurs. Pour être véridique, il faut dire que, si le sommeil ne manqua point aux deux amis, le docteur et Pierre, en proie aux plus vives inquiétudes, prirent à peine quelque repos. Le lendemain, lorsque les passagers montèrent sur le pont, plus de cent vingt milles avaient été enlevés en ces douze heures depuis le départ d'Antékirtta. La brise venait de la même direction avec une tendance à fraîchir. Le soleil s'était levé sur un horizon orageux, et l'atmosphère, déjà lourde, laissait présager une lutte prochaine des éléments. Pointe Pescade et Cap Matifou souhaitèrent le bonjour au docteur et à Pierre Bathory. « Merci, mes amis, répondit le docteur. Avez-vous bien dormi dans vos couchettes ? - Comme des loirs qui auraient la conscience tranquille ! répliqua gaiement Pointe Pescade. - Et Cap Matifou a-t-il fait son premier déjeuner ? - Oui, monsieur le docteur, une soupière de café noir avec deux kilos de biscuit de mer ! - Hum !... Un peu dur, ce biscuit ! - Bah ! pour un homme qui, jadis, mangeait des cailloux... entre ses repas ! « Cap Matifou remuait doucement sa grosse tête - manière à lui d'approuver les réponses de son camarade. Cependant le Ferrato, par l'ordre exprès du docteur, marchait à toute vitesse, en faisant jaillir deux écumantes colonnes d'eau sous le tranchant de son étrave. Se hâter d'ailleurs n'était que prudent. Déjà même, le capitaine Köstrik, après en avoir causé avec le docteur, se demandait s'il n'y aurait pas lieu de venir en relâche à Malte, dont on pourrait voir les feux vers huit heures du soir. En effet, l'état de l'atmosphère était de plus en plus menaçant. Malgré la brise d'ouest qui fraîchissait avec l'abaissement du soleil, les nuages montaient toujours du levant et s'étendaient alors sur les trois quarts du ciel. Au ras de la mer, c'était une bande d'un gris livide, d'une matité profonde, qui devenait d'un noir d'encre lorsqu'un rayon solaire se glissait à travers ses déchirures. Déjà quelques éclairs silencieux déchiraient cette large nuée électrique, dont la lisière supérieure s'arrondissait en pesantes volutes aux contours durement arrêtés. En même temps, comme s'il y avait lutte entre les vents de l'ouest et ceux de l'est qu'on ne sentait pas encore, mais dont la mer déséquilibrée éprouvait le contre-coup, les lames grossissaient contre la houle de fond, s'échevelaient et commençaient à déferler sur le pont du yacht. Puis, vers six heures, tout devint obscur sous cette voûte d'épaisses nues, qui couvraient l'espace. Le tonnerre grondait, et de vifs éclairs illuminaient ces lourdes ténèbres. « Liberté de manoeuvre ! dit le docteur au capitaine. - Oui ! Il le faut, monsieur le docteur, répondit le capitaine Köstrik. Sur la Méditerranée, c'est tout l'un ou tout l'autre ! L'est et l'ouest luttent à qui l'emportera, et l'orage aidant, je crains que l'avantage ne reste au premier. La mer va devenir très très dure au-delà de Gozzo ou de Malte, et il est possible que nous soyons gênés. Je ne vous propose pas d'aller relâcher à La Vallette, mais de chercher un abri jusqu'au jour sous la côte occidentale de l'une ou de l'autre île.

« et deux soutiers ; pouréquipage, trentemarins, dontunmaître etdeux quartiers-maîtres ; pour le service deschambres etde lacuisine, deuxchefs ettrois saïsfaisant officededomestiques, – en tout quatre officiers etquarante-trois hommes,telétait lepersonnel dubord. Pendant cespremières heures,lasortie dugolfe delaSidre s’accomplit dansd’assez bonnes conditions.

Bienquelevent fûtcontraire –une brise denord-ouest assezfraîche –le capitaine pût imprimer au Ferrato une remarquable vitesse ;maisillui fût impossible d’utilisersa voilure, focs,trinquettes, voilescarrées dumât demisaine, voilesauriques dugrand mâtetde l’artimon.

Durant lanuit, ledocteur etPierre, danslesdeux chambres contiguësqu’ilsoccupaient àbord, Pointe Pescade etCap Matifou, dansleurs cabines del’avant, purentreposer, sanss’inquiéter des mouvements dusteam-yacht, quiroulait passablement commetouslesbons marcheurs. Pour êtrevéridique, ilfaut direque, sile sommeil nemanqua pointauxdeux amis, ledocteur et Pierre, enproie auxplus vives inquiétudes, prirentàpeine quelque repos. Le lendemain, lorsquelespassagers montèrent surlepont, plusdecent vingt milles avaient été enlevés ences douze heures depuisledépart d’Antékirtta.

Labrise venait delamême direction avec unetendance àfraîchir.

Lesoleil s’était levésurunhorizon orageux, etl’atmosphère, déjà lourde, laissaitprésager unelutte prochaine deséléments. Pointe Pescade etCap Matifou souhaitèrent lebonjour audocteur etàPierre Bathory. « Merci, mesamis, répondit ledocteur.

Avez-vous biendormi dansvoscouchettes ? – Comme desloirs quiauraient laconscience tranquille ! répliquagaiement PointePescade. – Et CapMatifou a-t-ilfaitson premier déjeuner ? – Oui, monsieur ledocteur, unesoupière decafé noiravec deux kilosdebiscuit demer ! – Hum !… Unpeu dur, cebiscuit ! – Bah ! pourunhomme qui,jadis, mangeait descailloux… entresesrepas ! » Cap Matifou remuaitdoucement sagrosse tête–manière àlui d’approuver lesréponses deson camarade.

Cependant le Ferrato, par l’ordre exprèsdudocteur, marchait àtoute vitesse, enfaisant jaillir deux écumantes colonnesd’eausousletranchant deson étrave. Se hâter d’ailleurs n’étaitqueprudent.

Déjàmême, lecapitaine Köstrik,aprèsenavoir causé avec ledocteur, sedemandait s’iln’y aurait paslieu devenir enrelâche àMalte, donton pourrait voirlesfeux vershuitheures dusoir. En effet, l’étatdel’atmosphère étaitdeplus enplus menaçant.

Malgrélabrise d’ouest qui fraîchissait avecl’abaissement dusoleil, lesnuages montaient toujoursdulevant et s’étendaient alorssurlestrois quarts duciel.

Auras delamer, c’était unebande d’ungrislivide, d’une matité profonde, quidevenait d’unnoird’encre lorsqu’un rayonsolaire seglissait à travers sesdéchirures.

Déjàquelques éclairssilencieux déchiraient cettelargenuée électrique, dont lalisière supérieure s’arrondissait enpesantes volutesauxcontours durement arrêtés.En même temps, comme s’ilyavait lutteentre lesvents del’ouest etceux del’est qu’on nesentait pas encore, maisdont lamer déséquilibrée éprouvaitlecontre-coup, leslames grossissaient contre lahoule defond, s’échevelaient etcommençaient àdéferler surlepont duyacht.

Puis, vers sixheures, toutdevint obscur souscette voûte d’épaisses nues,quicouvraient l’espace.Le tonnerre grondait, etde vifs éclairs illuminaient ceslourdes ténèbres. « Liberté demanœuvre ! ditledocteur aucapitaine. – Oui ! Ille faut, monsieur ledocteur, répondit lecapitaine Köstrik.SurlaMéditerranée, c’est tout l’unoutout l’autre ! L’estetl’ouest luttent àqui l’emportera, etl’orage aidant, jecrains que l’avantage nereste aupremier.

Lamer vadevenir trèstrèsdure au-delà deGozzo oude Malte, etilest possible quenous soyons gênés.Jene vous propose pasd’aller relâcher àLa Vallette, maisdechercher unabri jusqu’au joursous lacôte occidentale del’une oudel’autre île.. »

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