Devoir de Philosophie

ACTE IV, SCENE V - Polyeucte de Corneille

Publié le 05/07/2011

Extrait du document

corneille

PAULINE.

Brisons là; je crains de trop entendre, Et que cette chaleur, qui sent vos premiers feux, Ne pousse quelque suite indigne de tous deux. Sévère, connaissez Pauline tout entière. Mon Polyeucte touche à son heure dernière ; Pour achever de vivre il n'a plus qu'un moment: Vous en êtes la cause encor qu'innocemment. Je ne sais si votre âme, à vos désirs ouverte, Aurait osé former quelque espoir sur sa perte ; Mais sachez qu'il n'est point de si cruel trépas Où d'un front assuré je ne porte mes pas, Qu'il n'est point aux enfers d'horreurs que je n'endure. Plutôt que de souiller une gloire si pure, Que d'épouser un homme, après son triste sort, Qui de quelque façon soit cause de sa mort ; Et si vous me croyiez d'une âme si peu saine, L'amour que j'eus pour vous tournerait tout en haine. Vous êtes généreux, soyez-le jusqu'au bout. Mon père est en état de vous accorder tout, Il vous craint, et j'avance encor cette parole Que s'il perd mon époux, c'est à vous qu'il l'immole. Sauvez ce malheureux, employez-vous pour lui. Faites-vous un effort pour lui servir d'appui. Je sais que c'est beaucoup que ce que je demande; Mais plus l'effort est grand, plus la gloire en est grande : Conserver un rival dont vous êtes jaloux, C'est un trait de vertu qui n'appartient qu'à vous; Et si ce n'est assez de votre renommée, C'est beaucoup qu'une femme autrefois tant aimée, Et dont l'amour peut-être encor vous peut toucher, Doive à votre grand cœur ce qu'elle a de plus cher; Souvenez-vous enfin que vous êtes Sévère. Adieu. Résolvez seul ce que vous devez faire. Si vous n'êtes pas tel que je l'ose espérer, Pour vous priser encor, je le veux ignorer.

L'ensemble. — Ce passage marque un des « sommets « de la pièce : Pauline demande à Sévère de sauver son rival. Par là, elle lui prouve qu'elle estime son caractère et qu'elle lui permet de lui donner cet ultime et héroïque témoignage d'amour. Elle exprime aussi, à cet endroit, sa passion réelle pour Polyeucte, son attachement que rien ne saurait rompre. L'évolution, la « crise « de sou amour est achevée : il est allé de Sévère à Polyeucte, du héros au saint, par une progression toute naturelle de son intelligence et de son cœur.

Liens utiles