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Andreï Makine Le Testament français - Sujet non corrigé

Publié le 21/01/2020

Extrait du document

Andreï Makine

Le Testament français

Mercure de France, 1995

L’action du roman d'Andreï Makine se déroule en Russie. Andreïparle le russe mais également le français, car sa grand-mère, Charlotte, française émigrée en Russie, lui lit et lui fait lire des œuvres littéraires en français.

Un jour, Andreï fait à son ami Pachka, jeune paysan et cancre de la classe, le récit suivant, contenu dans un poème de Victor Hugo que sa grand-mère lui a raconté : pendant la Commune de Paris (mars à mai 1871), le peuple se révolte ; un enfant de douze ans est arrêté sur les barricades et va être fusillé. Il demande l'autorisation de rapporter une montre à sa mère ; les soldats voient là un piège pour échapper à la mort mais donnent leur accord.

L'enfant revient aussitôt et dit : « Me voilà I ». L'officier décide de lui faire grâce.

Mais lorsque j’en fus arrivé à la dernière scène - l’enfant revient, le visage pâle et grave, et se fige devant les soldats - oui, quand j’eus prononcé sa dernière parole : « Me voilà ! », Pachka tressaillit, se redressa... Et l’incroyable se produisit. Il enjamba le bord de la barque et, pieds nus, se mit à marcher dans la neige. J’entendis une sorte de gémissement étouffé que le vent humide dissipa rapidement au-dessus de la plaine blanche.

Il fit quelques pas, puis s’arrêta, enlisé jusqu’aux genoux dans une congère1. Interdit, je restai un moment sans bouger, en regardant, de la barque, ce grand gars vêtu d’un pull étiré que le vent gonflait telle une courte robe de laine. Les oreillettes de sa chapka2 ondoyaient lentement dans ce souffle froid. Ses jambes nues enfoncées dans la neige me fascinaient. Ne comprenant plus rien, je sautai par-dessus bord et j’allai le rejoindre. En entendant le crissement de mes pas, il se retourna brusque-ment. Une grimace douloureuse crispait son visage. Les flammes de notre feu de bois se reflétaient dans ses yeux avec une fluidité inhabituelle. Il se hâta d’essuyer ces reflets avec sa manche. « Ah, cette fumée ! » bougonna-t-il en clignant des paupières et, sans me regarder, il regagna la barque.

C’est là, en poussant ses pieds frigorifiés vers la braise, qu’il me

20 demanda avec une insistance coléreuse :

— Et après ? Ils l’ont tué, ce gars, c’est ça ?

Pris de court et ne trouvant dans ma mémoire aucun éclaircissement sur ce point, j’émis un balbutiement hésitant :

— Euh... C’est que je.ne sais pas au juste...

25 — Comment, tu ne sais pas ? Mais tu m’as tout raconté !

— Non, mais, tu vois,, dans le poème...

— On s’en fout du poème ! Dans la vie, on l’a tué ou pas ?

Son regard qui me fixaitpar-dessus les flammes brillait d’un éclat un peu . fou. Sa voix se faisait à la fois rude et implorante. Je soupirai, comme si je 30 voulais demander pardonà Hugo et, d’un.ton ferme et net, je déclarai :

- Non, on ne l’a.pas fusillé. Un vieux sergent qui était là s’est souvenu de son propre fils resté dans son village. Et il a crié : « Celui qui touche à ce gosse aura affaire à-moi ! » Et l’officier a dû le relâcher... [...]

Nous nous, taisions aussi en retournant, à la nuit tombante, à la ville.

35 J’étais encore, sous l’impression de la magie qui venait de se produire. Le miracle qui m’avait démontré la toute-puissance de la parole poétique. Je devinais qu’il ne. s’agissait même pas d’artifices verbaux ni d’un savant assemblage de mots. Non ! Car ceux de Hugo avaient été d’abord déformés dans le récit lointain de Charlotte,- puis au cours de mon résumé.

Donc doublement trahis...- Et pourtant, l’écho de cette histoire en fait si simple, racontée à des-milliers de kilomètres du lieu de sa naissance, avait réussi à arracher des larmes à un jeune barbare et le pousser nu dans la neige ! Secrètement, je m’enorgueillissais3 d’avoir fait briller une étincelle de ce rayonnement qu’irradiait la patrie de Charlotte.

1. Congère : amas de neige entassé par le vent.

2. Chapka : coiffure de fourrure à rabats pour les oreilles.

3. S’enorgueillir : se glorifier.

■ Questions (15 points)

1. UN SOUVENIR D’ADOLESCENCE 4,5 POINTS

► 1. a) Qui est le narrateur ? Est-il interne, externe ? Justifiez votre réponse. (0,5 point)

b) En vous appuyant sur des. indices précis du texte et du paratexte, dites à quel type de roman cet extrait appartient. (1 point)

« AUTOBIOGRAPHIE • SUJET C'est là, en poussant ses pieds frigorifiés vers la braise, qu'il me 20 demanda avec une insistance coléreuse : ·~ Et après ? Ils l'ont tué, ce gars, c'est ça ? Pris de court et ne trouvant dans ma mémoire aucun éclaircissement sur ce point, j'émis un balbutiement hésitant: .,--Euh ...

C'est que je.ne sais pas au juste ...

25 -Comment, tu ne sais pas? Mais tu m'as tout raconté! -Non, mais, tu vois, ..

dans le poème ...

-On s'en fout du poème ! Dans la vie, on l'a tué ou pas ? Son regard qui me fixait par-dessus les flammes brillait d'un éclat un peu fou.

Sa voix se:faisait à la fois rude et implorante.

Je soupirai, comme si je 30 voulais demander pardon:à Hugo et, d'un ton ferme et net, je déclarai: -Non, on ne l'a.pas fusillé.

Un vieux sergent qui était là s'est souvenu de son propre fils resté dans son village.

Et il a crié : « Celui qui touche à ce gosse aura affaire à.moi!» Et l'officier a dû le relâcher ...

[ ...

] Nous nous:taisions aussi en retournant, à la nuit tombante, à la ville .

.

35 J'étais encore sous l'impression de la magie qui venait de se produire.

Le miracle qui m'avait démontré la toute-puissance de la parole poétique.Je devinais qu'il ne.

s'agissait même .pas d'artifices verbaux ni d'un savant assemblage de mots.

Non! Car ceux de Hugo avaient été d'abord défor­ ·més dans le récit lointain de Charlotte,· puis au cours de mon résumé.

·40 Donc doublement trahis ..

: Et pourtant, l'écho de cette histoire en fait si simple, racontée à des-milliers de kilomètres du lieu de sa naissance, avait réussi à arracher des larmes à un jeune barbare et le pousser nu dans la neige ! Secrètement, je m' enorgueillissais3 d'avoir fait briller une étincelle de ce rayonnement qu'irradiait la patrie de Charlotte.

1.

Congère : amas de neige entassé par le vent.

2.

Chapka : coiffure de fourrure à rabats pour les oreilles.

3.

S'enorgueillir : se glorifier.

• Questions (15 points) .

1:·uN SOUVENIR D'ADOLESCENCE 4,5 POINTS ~ 1.

a) Qui est le narrateur ? Est-il interne, externe ? Justifiez votre réponse.

(0,5 point) b)·En vous appuyant sur des indices précis du texte et du paratexte, dites à quel type de roman cet extrait appartient.

(1 point) 50. »

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