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Art poétique. TROISIÈME CHANT. BOILEAU

Publié le 12/07/2011

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boileau

Que dans tous vos discours la passion émue Aille chercher le cœur, l'échauffé et le remue. Si d'un beau mouvement l'agréable fureur Souvent ne nous remplit d'une douce terreur, Ou n'excite en notre âme une pitié charmante, En vain vous étalez une scène savante : Vos froids raisonnements ne feront qu'attiédir Un spectateur toujours paresseux d'applaudir, Et qui, des vains efforts de votre rhétorique Justement fatigué, s'endort, ou vous critique. Le secret est d'abord de plaire et de toucher: Inventez des ressorts qui puissent m'attacher. Que dès les premiers vers l'action préparée Sans peine du sujet aplanisse l'entrée. Je me ris d'un acteur qui, lent à s'exprimer, De ce qu'il veut, d'abord, ne sait pas m'informer; Et qui, débrouillant mal une pénible intrigue. D'un divertissement me fait une fatigue. J'aimerais mieux encor qu'il déclinât son nom, Et dît: "Je suis Oreste, ou bien Agamemnon", Que d'aller, par un tas de confuses merveilles, Sans rien dire à l'esprit, étourdir les oreilles: Le sujet n'est jamais assez tôt expliqué. Que le lieu de la scène y soit fixe et marqué. Un rimeur, sans péril, delà les Pyrénées, Sur la scène en un jour renferme des années: Là souvent le héros d'un spectacle grossier, Enfant au premier acte, est barbon au dernier. Mais nous, que la raison à ses règles engage, Nous voulons qu'avec art l'action se ménage; Qu'en un lieu, qu'en un jour, un seul fait accompli Tienne jusqu'à la fin le théâtre rempli. Jamais au spectateur n'offrez rien d'incroyable! Le vrai peut quelquefois n'être pas vraisemblable. Une merveille absurde est pour moi sans appas: L'esprit n'est point ému de ce qu'il ne croit pas. Ce qu'on ne doit point voir, qu'un récit nous l'expose: Les yeux en le voyant saisiraient mieux la chose; Mais il est des objets que l'art judicieux Doit offrir à l'oreille et reculer des yeux.

L'ensemble. — Ces divers fragments de l'Art poétique nous permettent de nous rendre compte du jugement admirable de Boileau et de sa parfaite compréhension de la beauté littéraire. Il demande d'abord que l'œuvre poétique fasse naître l'émotion. C'est la qualité primordiale. Puis il montre que la composition, la clarté et la précision sont essentielles pour faire naître et retenir l'intérêt, et les fameuses règles des « trois unités «, exposées ici, ne sont qu'un moyen pour nous attacher davantage à l'action. Enfin, Boileau affirme que la vérité reste la base de toute œuvre d'art, vérité qui ne doit pas tomber dans la brutalité, mais rester conforme au naturel, c'est-à-dire au vraisemblable. C'est là le grand principe de l'art classique, et celui qui le rend surtout immortel.

Le style. — Chez Boileau, le style est ferme, précis, parfaitement clair, mais sans envolée ni poésie. Le vers, très régulier, a surtout les qualités de la prose et convient au genre didactique auquel Boileau s'est consacré. Il se montre critique littéraire et non poète.  

La nature, féconde, en bizarres portraits, Dans chaque âme est marquée à de différents traits; Un geste la découvre, un rien la fait paraître. Mais tout esprit n'a pas des yeux pour la connaître. Le temps, qui change tout, change aussi nos humeurs, Chaque âge a ses plaisirs, son esprit et ses mœurs; Un jeune homme, toujours bouillant dans ses caprices, Est prompt à recevoir l'impression des vices; Est vain dans ses discours, volage en ses désirs, Rétif à la censure, et fou dans les plaisirs. L'âge viril, plus mûr, inspire un air plus sage, Se pousse auprès des grands, s'intrigue, se ménage, Contre les coups du sort songe à se maintenir, Et loin dans le présent regarde l'avenir. La vieillesse chagrine incessamment amasse ; Garde, non pas pour soi, les trésors qu'elle entasse. Marche en tous ses desseins d'un pas lent et glacé; Toujours plaint le présent et vante le passé; Inhabile aux plaisirs dont la jeunesse abuse, Blâme en eux les douceurs que l'âge lui refuse. Ne faites point parler vos acteurs au hasard, Un vieillard en jeune homme, un jeune homme en vieillard. Etudiez la cour et connaissez la ville; L'une et l'autre est toujours en modèles fertile. C'est par là que Molière, illustrant ses écrits, Peut-être de son art eût remporté le prix, Si, moins ami du peuple, en ses doctes peintures Il n'eût point fait souvent grimacer ses figures; Quitté, pour le bouffon, l'agréable et le fin, Et sans honte à Térence allié Tabarin. Dans ce sac ridicule où Scapin s'enveloppe, Je ne reconnais plus l'auteur du Misanthrope.

L'ensemble. — Quittant les préceptes généraux, Boileau donne ici les règles de la comédie, ou plutôt les avis dictés par l'expérience pour plaire au public. Il recommande d'observer les caractères et les âges, afin de fonder le théâtre comique sur une exacte science des mœurs et une profonde connaissance psychologique. A ce propos, il émet un jugement sur Molière, qui a été souvent discuté : Molière a, évidemment, possédé cette science de la nature humaine, mais, selon Boileau, son style manque de mesure et de distinction. 11 est trop souvent tombé dans le comique de farce, il a été « trop ami du peuple « et n'a pas assez cherché à développer toujours davantage l'étude des caractères comme dans le Misanthrope. Boileau, il est vrai, a rendu beaucoup plus justice à Molière dans l'Epître sur l'utilité des Ennemis.

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« Blâme en eux les douceurs que l'âge lui refuse.Ne faites point parler vos acteurs au hasard,Un vieillard en jeune homme, un jeune homme en vieillard.Etudiez la cour et connaissez la ville;L'une et l'autre est toujours en modèles fertile.C'est par là que Molière, illustrant ses écrits,Peut-être de son art eût remporté le prix,Si, moins ami du peuple, en ses doctes peinturesIl n'eût point fait souvent grimacer ses figures;Quitté, pour le bouffon, l'agréable et le fin,Et sans honte à Térence allié Tabarin.Dans ce sac ridicule où Scapin s'enveloppe,Je ne reconnais plus l'auteur du Misanthrope. L'ensemble.

— Quittant les préceptes généraux, Boileau donne ici les règles de la comédie, ou plutôt les avis dictés par l'expérience pour plaire au public.

Il recommande d'observer les caractères et les âges, afin de fonderle théâtre comique sur une exacte science des mœurs et une profonde connaissance psychologique.

A ce propos, il émet un jugement sur Molière, qui a été souvent discuté : Molière a, évidemment, possédé cette sciencede la nature humaine, mais, selon Boileau, son style manque de mesure et de distinction.

11 est trop souvent tombé dans le comique de farce, il a été « trop ami du peuple » et n'a pas assez cherché à développer toujoursdavantage l'étude des caractères comme dans le Misanthrope.

Boileau, il est vrai, a rendu beaucoup plus justice à Molière dans l'Epître sur l'utilité des Ennemis.. »

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