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BENJAMIN CONSTANT: ANTHOLOGIE

Publié le 25/01/2012

Extrait du document

constant

Adolphe.

Je ne savais pas que, même avec son fils, mon père était timide,

et que souvent, après avoir longtemps attendu de moi quelques

témoignages d'affection que sa froideur apparente semblait rn 'interdire,

il me quittait les yeux mouillés de larmes, et se plaignait

à d'autres de ce que je ne l'aimais pas.

Ma contrainte avec lui eut une grande influence sur mon caractère.

Aussi timide que lui, mais plu~ agité, parce que j'étais plus

jeune, je m'accoutumai à renfermer en moi-même tout ce que

j'éprouvais, à ne former que des plans solitaires, à ne compter

que sur moi pour leur exécution, à considérer les avis, ....

 

BENJAMIN CONSTANT (1767-1830). - Né à Lausanne, mais reprend la nationalité française comme descendant d'une famille de réfugiés protestants. Homme politique pendant le Consulat, les Cent-Jours, la Restauration. Ecrit Adolphe et des ounages sur le rôle psychologique et social de la religion.

constant

« présent, l'effet de cette disposition d'âme, que, dans les circons­ tances les moins importantes, ·quand je dois choisir entre deux partis, la figure humaine me trouble, et mon mouvement naturel est de la fuir pour délibérer en paix.

Je n'avais point cependant la profondeur d'égoïsme qu'un tel caractère paraît annoncer: tout en ne rn 'intéressant qu'à moi, je m'intéressais faiblement à moi-même.

Je portais au fond de mon cœur un besoin de sensi­ bilité dont je ne m'apercevais pas, mais qui, ne trouvant point à se satisfaire; me détachait successivement de tous les objets qui tour à tour attiraient ma curiosité.

Cette ·indifférence sur tout s'était encore fortifiée par l'idée de la mort, idée qui m'avait frappé très jeune, et sur laquelle je n'ai jamais conçu que les hommes s'étourdissent si facilement.

J'avais, ft l'âge de dix-sept ans, vu mourir une femme âgée, dont l'esprit, d'une tournure remarquable et bizarre, avait commencé à développer le mien.

Cette femme, comme tant d'autres, s'était, à l'entrée de sa car­ rière, lancée vers le monde, qu'elle ne connaissait pas, avec le sentiment d'une grande force d'âme et de facultés vraiment puis­ santes.

Comme Jant d'autres, faute de s'être pliée à des conve­ nances factices, mais nécessaires, elle avait vu_ ses espérances trompées, sa jeunesse passer sans plaisir; et la vieillesse enfin l'avait atteinte sans la soumettre.

Elle vivait dans un château voisin d'une de nos terres, mécontente et retirée, n'ayant que son esprit pour ressource, et analysant tout,avec son esprit.

Pen­ dant près d'un an, dans nos conversations inépuisables, nous avions envisagé la vie sous toutes ses faces, et la mort toujours pour terme de tout; et après avoir tant causé de la mort avec elle, j'avais vu la mort la frapper à mes yeux.

Cet événement m'avait rempli d'un sentiment d'incertitude sur la destinée, et d'une rêverie vague qùi ne m'abandonnait pas.

Je lisais de préférence dans les poètes ce qui rappelait la brièveté de la vie humaine.

Je trouvais qu'aucun but ne valait la peine d'aucun effort.

Il est assez singulier que cette impression se soit affaiblie précisément à mesure que les années se sont accumulées sur moi.

Serait-ce parce qu'il y a dans l'espérance quelque chose de douteux, et que, lorsqu'elle se retire de la car­ rière de l'homme, cette carrière prend un caractère plus sévère, mais plus positif? Serait-ce que la vie semble d'autant plus réelle, que toutes les illusions disparaissent, comme la cime des rochers se dessine mieux dans 1 'horizon lorsque les nuages se dissipent? L'ensemble.

- Benjamin Constant.

dans ·son roman d'Adolphe s'est rattaché, par la forme autobiographique et par la confidenc~ sentimentale, au roman romantique, mais il s'en écarte par la froide luci~ité de l'o~ervation, la séchere~se, du c~ur et le manque de .

passton.

On volt dans ce passage, sttue au debut du livre, combien ~ ' t 1 l ~ 1 i .

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