Boule de suif nous.
Publié le 11/04/2014
Extrait du document
«
Loiseau, sous prétexte de se dégourdir les jambes, alla placer du vin aux débitants du pays.
Le comte et le
manufacturier se mirent à causer politique.
Ils prévoyaient l'avenir de la France.
L'un croyait aux d'Orléans,
l'autre à un sauveur inconnu, un héros qui se révélerait quand tout serait désespéré : un Du Guesclin, une
Jeanne d'Arc peut-être ? ou un autre Napoléon Ier ? Ah ! si le prince impérial n'était pas si jeune ! Cornudet,
les écoutant, souriait en homme qui sait le mot des destinées.
Sa pipe embaumait la cuisine.
Comme dix heures sonnaient, M.
Follenvie parut.
On l'interrogea bien vite ; mais il ne put que répéter deux
ou trois fois, sans une variante, ces paroles : "L'officier m'a dit comme ça : "Monsieur Follenvie, vous
défendrez qu'on attelle demain la voiture de ces voyageurs.
Je ne veux pas qu'ils partent sans mon ordre.
Vous entendez.
Ca suffit."
Alors on voulut voir l'officier.
Le comte lui envoya sa carte où M.
Carré-Lamadon ajouta son nom et tous ses
titres.
Le Prussien fit répondre qu'il admettrait ces deux hommes à lui parler quand il aurait déjeuné,
c'est-à-dire vers une heure.
Les dames reparurent et l'on mangea quelque peu, malgré l'inquiétude.
Boule de suif semblait malade et
prodigieusement troublée.
On achevait le café quand l'ordonnance vint chercher ces messieurs.
Loiseau se joignit aux deux premiers ; mais comme on essayait d'entraîner Cornudet pour donner plus de
solennité à leur démarche, il déclara fièrement qu'il entendait n'avoir jamais aucun rapport avec les
Allemands ; et il se remit dans sa cheminée, demandant une autre canette.
Les trois hommes montèrent et furent introduits dans la plus belle chambre de l'auberge, où l'officier les
reçut, étendu dans un fauteuil, les pieds sur la cheminée, fumant une longue pipe de porcelaine, et enveloppé
par une robe de chambre flamboyante, dérobée sans doute dans la demeure abandonnée de quelque bourgeois
de mauvais goût.
Il ne se leva pas, ne les salua pas, ne les regarda pas.
Il présentait un magnifique échantillon
de la goujaterie naturelle au militaire victorieux.
Au bout de quelques instants il dit enfin :
"Qu'est-ce que fous foulez ?"
Le comte prit la parole : "Nous désirons partir, Monsieur.
\24\24 Non.
\24\24 Oserai-je vous demander la cause de ce refus ?
\24\24 Parce que che ne feux pas.
\24\24 Je vous ferai respectueusement observer, Monsieur, que votre général en chef nous a délivré une
permission de départ pour gagner Dieppe, et je ne pense pas que nous ayons rien fait pour mériter vos
rigueurs.
\24\24 Che ne feux pas...
foilà tout...
Fous poufez tescentre."
S'étant inclinés tous les trois, ils se retirèrent.
L'après-midi fut lamentable.
On ne comprenait rien à ce
caprice d'Allemand, et les idées les plus singulières troublaient les têtes.
Tout le monde se tenait dans la
cuisine, et l'on discutait sans fin, imaginant des choses invraisemblables.
On voulait peut-être les garder Boule de suif
Boule de suif 14.
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