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Britannicus. ACTE IV. SCENE II. Racine

Publié le 12/07/2011

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NÉRON. Je me souviens toujours que je vous dois l'Empire, Et sans vous fatiguer du soin de le redire, Votre bonté, Madame, avec tranquillité Pouvait se reposer sur ma fidélité. Aussi bien ces soupçons, ces plaintes assidues Ont fait croire à tous ceux qui les ont entendues Que jadis, j'ose ici vous le dire entre nous, Vous n'aviez, sous mon nom, travaillé que pour vous. Tant d'honneurs, disaient-ils, et tant de déférences, Sont-ce de ces bienfaits de faibles récompenses? Quel crime a donc commis ce fils tant condamné? Est-ce pour obéir qu'elle l'a couronné? N'est-il de son pouvoir que le dépositaire? « Non que si jusque-là j'avais pu vous complaire, Je n'eusse pris plaisir, Madame, à vous céder Ce pouvoir que vos cris semblaient redemander. Mais Rome veut un maître, et non une maîtresse. Vous entendiez les bruits qu'excitait ma faiblesse: Le sénat chaque jour et le peuple irrités De s'ouïr par ma voix dicter vos volontés, Publiaient qu'en mourant Claude avec sa puissance M'avait encor laissé sa simple obéissance. Vous avez vu cent fois nos soldats en courroux Porter en murmurant leurs aigles devant vous, Honteux de rabaisser par cet indigne usage Les héros dont encore elles portent l'image. Toute autre se serait rendue à leurs discours- Mais si vous ne régnez, vous vous plaignez toujours. Avec Britannicus contre moi réunie, Vous le fortifiez du parti de Junie; Et la main de Pallas trame tous ces complots; Et lorsque, malgré moi, j'assure mon repos, On vous voit de colère et de haine animée. Vous voulez présenter mon rival à l'armée : Déjà jusques au camp le bruit en a couru.

AGRIPPINE. Moi, le faire empereur, ingrat? L'avez-vous cru? Quel serait mon dessein? qu'aurais-je pu prétendre? Quels honneurs dans sa cour, quel rang pourrais-je attendre? Ah! si sous votre empire on ne m'épargne pas, Si mes accusateurs observent tous mes pas, Si de leur empereur ils poursuivent la mère, Que ferais-je au milieu d'une cour étrangère? Ils me reprocheraient, non des cris impuissants, Des desseins étouffés, aussitôt que naissants, Mais des crimes pour vous commis à votre vue, Et dont je ne serais que trop tôt convaincue. Vous ne me trompez point, je vois tous vos détours: Vous êtes un ingrat, vous le fûtes toujours. Dès vos plus jeunes ans, mes soins et mes tendresses N'ont arraché de vous que de feintes caresses. Rien ne vous a pu vaincre: et votre dureté Aurait dû dans son cours arrêter ma bonté. Que je suis malheureuse ! Et par quelle infortune Faut-il que tous mes soins me rendent importune? Je n'ai qu'un fils. O ciel, qui m'entends aujourd'hui, T'ai-je fait quelques vœux qui ne fussent pour lui? Remords, crainte, périls, rien ne m'a retenue; J'ai Vaincu ses mépris; j'ai détourné ma vue Des malheurs qui dès lors me furent annoncés: J'ai fait ce que j'ai pu: vous régnez, c'est assez. Avec ma liberté, que vous m'avez ravie, Si vous le souhaitez, prenez encor ma vie, Pourvu que par ma mort tout le peuple irrité Ne vous ravisse pas ce qui m'a tant coûté.

L'ensemble. — Dans Britannicus, Racine a voulu réaliser la pièce politique et romaine que ses adversaires le déclaraient incapable de faire. Il s'est surtout appliqué à composer des caractères ambitieux et terribles. C'est pourquoi Agrippine et Néron en sont les personnages principaux. Toute la tragédie repose sur la lutte entre la mère et le fils, et le passage cité ici en est un des épisodes caractéristiques. Agrippine a tout fait pour que son fils Néron règne aux dépens du véritable héritier de Claude, Britannicus. Malgré tous les crimes dont elle s'est rendue coupable dans ce but, Néron lui reproche de n'avoir travaillé que pour elle. On retrouve tous les traits de la mère et du fils : ambition, cruauté, hypocrisie, orgueil. On peut aussi dégager de ce passage l'admirable sens psychologique de Racine, sa profonde connaissance du cœur humain, même chez les êtres les plus antipathiques.   

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« Des malheurs qui dès lors me furent annoncés:J'ai fait ce que j'ai pu: vous régnez, c'est assez.Avec ma liberté, que vous m'avez ravie,Si vous le souhaitez, prenez encor ma vie,Pourvu que par ma mort tout le peuple irritéNe vous ravisse pas ce qui m'a tant coûté. L'ensemble.

— Dans Britannicus, Racine a voulu réaliser la pièce politique et romaine que ses adversaires le déclaraient incapable de faire.

Il s'est surtout appliqué à composer des caractères ambitieux et terribles.

C'estpourquoi Agrippine et Néron en sont les personnages principaux.

Toute la tragédie repose sur la lutte entre la mère et le fils, et le passage cité ici en est un des épisodes caractéristiques.

Agrippine a tout fait pour que sonfils Néron règne aux dépens du véritable héritier de Claude, Britannicus.

Malgré tous les crimes dont elle s'est rendue coupable dans ce but, Néron lui reproche de n'avoir travaillé que pour elle.

On retrouve tous les traitsde la mère et du fils : ambition, cruauté, hypocrisie, orgueil.

On peut aussi dégager de ce passage l'admirable sens psychologique de Racine, sa profonde connaissance du cœur humain, même chez les êtres les plusantipathiques.. »

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