cadavre déjà, sans force et délirante... nous la transportâmes dans
Publié le 30/10/2013
Extrait du document
«
« –
Personne, fis-jeaveclaplus grande forcedeconviction, jevous lepromets.
« Mais sonœildemeurait inquiet…Leslèvres fiévreuses, ellearriva encore àprononcer indistinctement :
« – Jurez-moi… personnenesaura… Jurez.
« Je levai lamain comme onprête serment.
Ellemeconsidéra… avecunregard indicible… ilétait tendre,
chaud, reconnaissant… ouivraiment, reconnaissant… Ellevoulait encoreajouter quelque chose,maiscelui fut
trop difficile.
Longtemps, elledemeura étendue,lesyeux fermés, complètement épuiséeparl’effort.
« Puis commença l’horrible,l’horriblechose…uneheure entière, épouvantable, ellelutta encore : aumatin
seulement, cefut lafin… »
Il se tut longtemps.
Jene m’en aperçus quequand, dupont, lacloche fitentendre danslesilence un,deux,
trois coups, forts–trois heures ! Leclair delune était devenu pluspâle, maisdéjàuneautre lumière jaune
tremblait incertaine dansl’airet,detemps àautre, levent soufflait, légercomme unebrise.
Unedemi-heure,
une heure encore, puiscefut lejour ; laclaire lumière avaiteffacé l’aube grisâtre.
Jevoyais sestraits plus
distinctement, maintenantquelesombres tombaient moinsépaisses etmoins noires dansnotre coin ! Ilavait
enlevé sacasquette et,sous soncrâne luisant, levisage tourmenté apparaissait pluseffrayant encore.Maisdéjà
les lunettes brillantes setournaient denouveau versmoi ; lecorps seraidissait, etlavoix reprenait, ironiqueet
tranchante :
« Pour elle,c’était finimaintenant –mais paspour moi.J’étais seulavec lecadavre –et qui plus est,seul,
dans unemaison étrangère, seuldans uneville quinesouffrait aucunsecret, etmoi… j’avais àgarder unsecret…
Oui, représentez-vous bienlasituation : unefemme appartenant àla meilleure sociétédelacolonie, enparfaite
santé, qui,l’avant-veille ausoir encore, avaitdansé aubal dugouverneur etqu’on trouve subitement mortedans
son lit… Près d’elle estunmédecin étranger, quesondomestique estsoi-disant alléchercher… Personnedansla
maison nel’avu entrer, nesait d’où ilvient… Elleaété ramenée lanuit surune civière, puisonafermé les
portes… Etlematin elleestmorte… Alorsseulement onaappelé ladomesticité, et,tout àcoup, lamaison se
remplit decris… Enunclin d’œil, lesvoisins sontaucourant, laville entière… etiln’y alà qu’une personne qui
doit expliquer toutcela… moi,étranger, médecindansunestation éloignée… Charmante situation,n’est-ce
pas ?…
« Je savais cequi m’attendait.
Heureusement quej’avais leboy avec moi, cebrave garçon quisaisissait
chacun demes regards.
Luiaussi, cetanimal jaune,borné, comprenait qu’ilfallait encore fairefaceàune autre
lutte.
Jelui avais ditseulement : “Ladame veutquepersonne nesache cequi s’est passé. » Sesyeux fixèrent les
miens, sesyeux decaniche, humides etpourtant résolus : « Yes,
Sir » ,
fit-il sans unmot deplus.
Puisilfit
disparaître duparquet lestraces desang, remit toutenordre dumieux qu’ilput,etsa détermination justement
me fitretrouver lamienne.
« Jamais, dansmavie, jelesais, jen’ai concentré enmoi unepareille énergie ; jamaiselleneme reviendra.
Quand onatout perdu, onlutte comme undésespéré poursauver lesrestes suprêmes ; ici,c’était sontestament,
le secret.
Jereçus lesgens avecunparfait sang-froid, leurracontai àtous lamême histoire inventée : comment
le boy, parti sursesordres chercher lemédecin, m’avaitparhasard rencontré enroute.
Maispendant queje
parlais, affectant lecalme, j’attendais… j’attendaissanscesse celuidonttoutdépendait… lemédecin légiste,
avant quenous pussions l’enfermer danslabière, avecsonsecret… C’étaitlejeudi… nel’oubliez pas,etlesamedi
arrivait sonmari…
« Enfin, àneuf heures, j’entendis annoncerlemédecin del’état civil.Jel’avais faitappeler –ilétait mon
supérieur hiérarchique et,enmême temps, monconcurrent ; c’étaitcemême docteur dontellem’avait parléde
façon siméprisante etqui, évidemment, avaitdéjàconnaissance dema demande dechangement.
Aupremier
regard, jelesentis, ilétait mon ennemi.
Maiscela,précisément, raiditmesforces.
« Dans l’antichambre déjà,ildemanda :
« – Quand madame… –ilprononça sonnom –est-elle, morte ?
« – Àsix heures dumatin.
« – Quand vousa-t-elle envoyéchercher ?
« – Àonze heures dusoir.
« – Saviez-vous quej’étais sonmédecin ?
« – Oui, mais letemps pressait… Etpuis… ladéfunte m’avaitexpressément demandé.Elleavait défendu
d’appeler unautre médecin.
« Il meregarda d’unœilfixe : danssonvisage pâleetquelque peubouffi, unerougeur passa ;jevis qu’il était
irrité.
Maisc’était justement cequ’il mefallait –toute monénergie sedéployait envue d’une rapide décision, car
je me rendais comptequemes nerfs nerésisteraient pluslongtemps.
Ilallait répondre avechostilité, puisildit.
»
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