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Catherine Paysan, Comme l'or d'un anneau.

Publié le 26/04/2011

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 (L'auteur rend visite à un cousin agriculteur.)    A la tête de trente hectares, sa grange pleine à craquer de pulvérisateurs, de sacs d'engrais bourrés d'hormones dangereuses, d'insecticides empoisonnés, de sa moissonneuse-batteuse, comme tous les paysans modestes d'aujourd'hui, le jeune fermier s'affole.  Traites à payer, matériel toujours plus perfectionné à acheter avant d'avoir amorti l'ancien, assurance maladie, impôts, fermages. Pour gagner la course contre la montre, cultiver au maximum, il a pris le parti comme tout le monde d'arracher les haies, les pommiers, tout ce qui gêne la manœuvre de ses tracteurs et le frustre de quelques sacs de froment. Paradoxe économique où l'agriculture française s'empêtre. Il y a surproduction générale, mais chaque agriculteur s'acharne à produire davantage pour gagner individuellement un peu plus. Scandale à l'échelle internationale. Il faut diminuer le nombre des paysans, leur demander d'abattre leur bétail; pendant ce temps, les deux tiers de la population mondiale meurent de faim. La viande abonde. Il y en a trop. Le consommateur la paie aussi cher que si elle était rare!    Avec des phrases hachées, des silences amers, mon cousin m'expose ses problèmes. Je l'ai attaqué de plein fouet, lui reprochant de trop déboiser, de scalper les collines, de dénaturer la beauté autour de lui. Il répond qu'il n'a plus le temps d'élaguer les clôtures de végétation, donc il les arrache, de biner à la main autour des arbres, donc il les abat. Contraint de vendre à bas prix son lait, ses viandes, son froment, il peste contre le déficit des coopératives agricoles, la dictature syndicale des abattoirs. Au demeurant, il faut amortir les investissements de leur modernisation ruineuse. Et qui doit payer? Vous, cousine, et moi!    Victime des technocrates, de leur manie meurtrière de rentabilité immédiate, ou de réalisations spectaculaires, il est en train de sacrifier ses chances d'avenir. Il malmène le sol, l'appauvrit à brève échéance en le livrant à l'inondation, le gave de substances cancérigènes. Il prive son cheptel d'ombre en été, d'écran naturel contre les vents d'hiver. Il se malmène lui-même. Il a du mérite pourtant. La colonne vertébrale déglinguée, le teint gris, il continue. Il continue à labourer. (...)    Cependant, il succombe malgré lui sous l'empire des puissances démoniaques d'une science contemporaine mal appliquée, son immoralité, sa bêtise. Partout, dans ce pays, sur cette terre occidentale, le martyre de la nature a commencé.    Obnubilés par nos snobismes infantiles d'Européens complexés par l'Amérique, aussi maladroits et naïfs que certains de nos anciens colonisés qui roulent en grosses voitures, se font construire des palais de marbre, singent nos plus mauvaises manières, sacrifient l'espérance d'un réel progrès sur l'autel des vanités, nous oublions totalement ou presque qu'une liberté d'homme, sa culture, sont affaire de maturation intérieure, que toute civilisation étrangère d'où qu'elle vienne doit être repensée en fonction du contexte local, qu'on n'implante pas New York ou Chicago au cœur de l'Ile-de-France, Los Angeles dans la baie du golfe du Lion, que la vraie rentabilité est une mise en condition des ressources à longue échéance et non point la destruction brutale et démagogique d'un équilibre ancien. Au nom d'un aventurisme  planifié qui ne peut qu'amorcer la ruine future, le désenchantement, la tristesse, la France défigurée par le nivellement des bulldozers, ses routes sans arbres, ses clôtures électrifiées, ses collines chauves, ouvre les vannes aux inondations, au ravinement, à l'extrême laideur, à la pollution du sol, du ciel et des eaux! Sottise, hypocrisie? les deux à la fois, nous faisons mine d'ignorer que le Nouveau Monde renverse la vapeur. On déserte New York pour vivre à la campagne. Il n'y restera bientôt plus que les pauvres et le sous-prolétariat de couleur. On reboise. On remet à l'honneur les aliments naturels. Mais la France continue d'édifier ces bidonvilles de l'an deux mille que sont les buildings standardisés, qui cadenassent l'horizon, dressent leur moignon de fer et de ciment, leur hérissement de structures alvéolaires circonscrits par des autostrades. De quoi provoquer le suicide moral d'une société entière!    Catherine Paysan, Comme l'or d'un anneau.    Selon votre préférence, résumez ou analysez ce texte. Vous en dégagerez ensuite un problème auquel vous attachez un intérêt particulier : vous en préciserez les données, vous les discuterez s'il y a lieu et vous exposerez, en les justifiant, vos propres vues sur la question.   

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