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CAUSES DES MOUVEMENTS RÉVOLUTIONNAIRES

Publié le 12/08/2011

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Partout, c'est l'inégalité qui engendre les dissensions, mais une inégalité dans laquelle les inégaux ne reçoivent pas une part proportionnelle (ainsi une royauté à vie est une inégalité si elle est établie parmi des égaux), car, d'une manière générale, c'est la recherche de l'égalité qui suscite les séditions. Parmi ces diverses causes, on aperçoit suffisamment quelle influence peuvent avoir la démesure et l'appât du gain, et comment ce sont là des motifs de troubles. Quand, en effet, les magistrats en fonction font preuve de démesure et d'avidité insatiable, les citoyens se soulèvent les uns contre les autres et aussi contre les constitutions qui autorisent de telles licences; et l'avidité des dirigeants se satisfait tantôt au détriment des fortunes privées, tantôt aux dépens des biens de la communauté. On se rend aussi clairement compte quelle influence exerce le désir des honneurs, et comment il est cause de sédition : les citoyens qui sont écartés des dignités et qui voient d'autres hommes en être comblés s'insurgent contre une répartition qui s'effectue d'une façon injuste quand le mérite des individus est étranger aux distinctions ou aux exclusions dont ils sont l'objet, alors que la justice demande qu'on tienne compte de la valeur. Une trop grande puissance est encore une cause de troubles, quand quelque magistrat (soit un seul homme, soit tout un collège) dispose d'un pouvoir trop considérable pour l'Etat ou l'autorité gouvernementale, car des situations de ce genre aboutissent d'ordinaire à une monarchie ou à un régime d'autorité personnelle. Aussi dans certains endroits a-t-on coutume de recourir à l'ostracisme, par exemple à Argos et à Athènes; cependant, il est préférable de se précautionner dès le début contre la présence dans l'Etat de magistrats disposant de pouvoirs aussi excessifs, au lieu de leur laisser les mains libres et d'y remédier après coup. La crainte aussi provoque des séditions à la fois de la part de ceux qui ont des torts à se reprocher et qui ont peur de recevoir un châtiment, et de la part de ceux qui, en prévision d'injustices dont ils seraient victimes, veulent prendre les devants sans attendre qu'elles soient commises : ainsi, à Rhodes, les notables se liguèrent contre le peuple à cause des poursuites qui leur étaient intentées. Le mépris est encore une cause de dissensions et de soulèvements : c'est le cas, à la fois dans les oligarchies, quand ceux qui ne participent pas aux affaires publiques sont en majorité (car ils se croient alors les plus forts), et dans les démocraties, quand les riches se mettent à mépriser le désordre et l'anarchie, comme, par exemple, à Thèbes, après la bataille des Oenophytes, où une mauvaise administration conduisit la démocratie à sa ruine, à Mégare, où la démocratie périt à la suite d'une défaite causée par le désordre et l'anarchie, à Syracuse, avant la tyrannie de Gélon, et à Rhodes avant l'insurrection. Des révolutions politiques sont dues aussi à un accroissement disproportionné de quelque partie de l'Etat. De même, en effet, qu'un corps vivant est composé de parties, et que sa croissance doit s'effectuer uniformément dans toutes, afin que l'harmonie de l'ensemble soit préservée, autrement il est voué à la destruction (quand, par exemple, le pied est long de quatre coudées et le reste du corps de deux empans; parfois même il pourrait y avoir changement de forme en celle d'un autre animal, si cette croissance disproportionnée s'effectuait non seulement en quantité, mais encore en qualité), ainsi également un Etat est composé de parties dont souvent quelqu'une prend un accroissement insoupçonné, comme par exemple le nombre des pauvres dans les démocraties et les républiques. ARISTOTE. La Politique, 1 et 3.

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