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C'était pour nous une denrée plus précieuse que l'or.

Publié le 30/10/2013

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C'était pour nous une denrée plus précieuse que l'or. Oncle Tom restait parfois plusieurs mois sans venir et, pourtant, chaque matin en nous réveillant, nous glissions la main sous l'oreiller. Je continue de le faire et il y a pourtant bien des années qu'oncle Tom ne m'offre plus de chewing-gum. Ma soeur Mary refusait d'être une fille. Elle ne pouvait pas s'y résoudre. Elle était joueuse de billes de première force, mais son infirmité l'inhibait. Je parle d'une époque où elle ne savait pas encore qu'elle recevrait en échange bien des compensations. Nous savions que, quelque part sur notre corps, probablement sous le bras, il y avait un bouton qu'il suffisait de presser pour s'envoler dans les airs. Mary avait trouvé le procédé qui, un jour, ferait d'elle un petit garçon. Si elle se couchait dans une position magique, les genoux pliés, la tête formant un angle précis, les doigts entrelacés très exactement, au matin elle serait un garçon. Tous les soirs, elle faisait un essai, mais le matin n'apportait que désillusion. C'est moi qui l'aidais à croiser les mains comme pour une prière. Elle désespérait d'arriver jamais à un résultat lorsqu'un matin elle trouva de la gomme sous son oreiller. Nous dépiautâmes chacun une tablette et la mâchâmes solennellement. C'était du Beeman's à la menthe, on n'a jamais rien fait d'aussi délicieux. Mary était en train d'enfiler ses bas noirs lorsqu'elle dit avec un grand soulagement : « Evidemment ! ! - Evidemment, quoi ? Demandai-je. - Oncle Tom ! « Dit-elle. Et elle mâcha avec une violence accrue. « Oncle Tom ? - Il saura ce que je dois faire pour devenir un garçon. « Evidemment, c'était aussi simple que cela. Je me demandai pourquoi je n'y avais pas pensé plus tôt. Maman était dans la cuisine et mettait au courant une jeune Danoise qu'elle avait engagée. Nous changions souvent de bonne : les immigrants danois plaçaient leurs filles dans des familles autochtones où elles apprenaient non seulement la langue, mais la cuisine américaine, la manière de dresser la table, et toutes les délicatesses en honneur dans la haute société de Salinas ; au bout de deux ans, à douze dollars par mois, les jeunes filles étaient des épouses parfaites pour de jeunes Américains. Elles avaient acquis un vernis, mais elles pouvaient encore travailler dans les champs comme des bêtes. Quelques-unes des familles les plus élégantes de Salinas descendent de ces jeunes femmes. À l'époque dont je parle, c'était une Mathilde aux cheveux de lin qui se faisait rabrouer par ma mère. Nous entrâmes en bondissant : « Il est levé ? - Chut ! répondit ma mère. Il est arrivé tard, laissez-le dormir. « Mais en entendant l'eau couler dans la cuvette de la chambre d'amis, nous comprîmes qu'il était levé. Nous nous accroupîmes comme des chats devant sa porte, attendant qu'il sortît. Il y avait toujours au début un obstacle entre nous. Je crois qu'oncle Tom était aussi timide que nous. Il aurait aimé bondir dehors et nous prendre dans ses bras, mais au contraire, il était compassé. « Merci pour le chewing-gum, oncle Tom. - Je suis content qu'il vous fasse plaisir. - Crois-tu que nous irons manger des huîtres, ce soir, puisque tu es là ? - Peut-être. Si votre mère le permet. « Nous allâmes nous asseoir dans le salon. La voix de maman s'éleva dans la cuisine : « Laissez-le tranquille, mes enfants. - Ils sont sages, Olive «, répondit-il. Nous nous assîmes en triangle. Le visage de Tom était très hâlé et ses yeux étaient clairs. Il portait des vêtements de bonne qualité, mais il n'avait jamais l'air bien habillé. Il différait de son père. Sa moustache était mal coupée, ses cheveux en désordre et ses mains calleuses. Mary demanda : « Oncle Tom, comment fait-on pour devenir un garçon ? - Comment ? Mais, Mary, on naît garçon... - Ce n'est pas ça que je te demande. Comment, moi, je peux devenir un garçon ? « Tom la regarda gravement. « Toi ? « demanda-t-il. Elle parla très vite : « Je ne veux pas être une fille, oncle Tom. Je veux être un garçon. Les filles, ça s'embrasse tout le temps et ça joue à la poupée. Je veux être un garçon. « Des larmes de colère roulèrent sur les joues de Mary. Tom baissa les yeux, regarda ses mains et gratta une de ses paumes calleuses. Je crois qu'à ce moment-là il aurait voulu dire quelque chose de beau, trouver des mots comme ceux de son père, caressants et chantants. « Je ne voudrais pas que tu sois un garçon, dit-il. - Pourquoi ? - Je t'aime parce que tu es une petite fille. « Une idole s'écroula dans la tête de Mary. « Tu veux dire que tu aimes les filles ? - Oui, Mary, je les aime. « Le mépris se peignit sur le visage de Mary. Si c'était vrai, Tom était un idiot. Elle prit son air « à moi-on-ne-me-la-fait-pas « : « Admettons, dit-elle. Mais comment je dois faire pour devenir un garçon ? « Tom comprit qu'il perdait l'estime de Mary alors qu'il aurait voulu qu'elle l'aimât et qu'elle l'admirât. En même temps, un fin ruban d'acier se déplaçait en lui pour couper la tête aux mensonges. Il regarda les cheveux de Mary, si clairs qu'ils semblaient blancs, tressés pour qu'ils ne la gênent pas, et sales à leurs extrémités, car Mary s'essuyait les mains sur sa natte quand, au jeu de billes, elle avait un coup difficile à tirer. Tom scruta son visage hostile. « Je ne crois pas que tu veuilles vraiment changer. - Si. « Tom se trompait, elle le désirait vraiment. « Eh bien, dit-il, c'est impossible. Et un jour viendra où tu en seras heureuse. - Je ne serai pas heureuse «, dit Mary. Puis elle se tourna vers moi et dit avec un ton de mépris glacé : « Il ne sait pas. « Le visage de Tom se crispa et je frémis devant l'énormité de l'accusation. Mary était brave et âpre au jeu. C'est pourquoi elle gagnait toutes les billes de Salinas. Tom, embarrassé, dit : « Si ta mère est d'accord, j'irai commander des huîtres tout à l'heure et nous les mangerons ce soir. - Je n'aime pas les huîtres «, dit Mary. Et elle se dirigea résolument vers notre chambre, dont elle claqua la porte. « C'est bien une fille «, dit Tom. Nous étions seuls et je sentais qu'il était de mon devoir de panser la blessure que Mary avait ouverte. « Moi j'aime bien les huîtres, dis-je. - Je le sais bien. Et Mary aussi. - Oncle Tom, il n'y a vraiment pas moyen qu'elle devienne un garçon ? - Je n'en connais pas, dit-il tristement. Si j'en connaissais un, je le lui aurais dit.

« Nous nousassîmes entriangle.

Levisage deTom étaittrèshâlé etses yeux étaient clairs. Il portait desvêtements debonne qualité, maisiln’avait jamaisl’airbien habillé.

Il différait deson père.

Samoustache étaitmalcoupée, sescheveux endésordre etses mains calleuses. Mary demanda : « Oncle Tom,comment fait-onpourdevenir ungarçon ? – Comment ? Mais,Mary, onnaît garçon… – Ce n’est pasçaque jete demande.

Comment, moi, je peux devenir ungarçon ? » Tom laregarda gravement. « Toi ? » demanda-t-il. Elle parla trèsvite : « Je neveux pasêtre unefille, oncle Tom.Jeveux êtreungarçon.

Lesfilles, ça s’embrasse toutletemps etça joue àla poupée.

Jeveux êtreungarçon. » Des larmes decolère roulèrent surlesjoues deMary. Tom baissa lesyeux, regarda sesmains etgratta unedeses paumes calleuses.

Jecrois qu’à cemoment-là ilaurait vouludirequelque chosedebeau, trouver desmots comme ceux deson père, caressants etchantants. « Je nevoudrais pasque tusois ungarçon, dit-il. – Pourquoi ? – Je t’aime parcequetuesune petite fille. » Une idole s’écroula danslatête deMary. « Tu veux direquetuaimes lesfilles ? – Oui, Mary,jeles aime. » Le mépris sepeignit surlevisage deMary.

Sic’était vrai,Tom étaitunidiot.

Ellepritson air « à moi-on-ne-me-la-fait-pas » : « Admettons, dit-elle.Maiscomment je dois faire pour devenir ungarçon ? » Tom comprit qu’ilperdait l’estime deMary alorsqu’ilaurait vouluqu’elle l’aimât et qu’elle l’admirât.

Enmême temps, unfin ruban d’acier sedéplaçait enlui pour couper la tête auxmensonges.

Ilregarda lescheveux deMary, siclairs qu’ilssemblaient blancs, tressés pourqu’ils nelagênent pas,etsales àleurs extrémités, carMary s’essuyait les mains sursanatte quand, aujeu debilles, elleavait uncoup difficile àtirer.

Tomscruta son visage hostile. « Je necrois pasque tuveuilles vraiment changer. – Si. » Tom setrompait, elleledésirait vraiment. « Eh bien, dit-il, c’estimpossible.

Etun jour viendra oùtuen seras heureuse. – Je neserai pasheureuse », ditMary. Puis ellesetourna versmoietdit avec unton demépris glacé : « Il nesait pas. » Le visage deTom secrispa etjefrémis devant l’énormité del’accusation.

Maryétait brave etâpre aujeu.

C’est pourquoi ellegagnait touteslesbilles deSalinas. Tom, embarrassé, dit : « Si tamère estd’accord, j’iraicommander deshuîtres toutàl’heure etnous les mangerons cesoir. – Je n’aime pasleshuîtres », ditMary. Et elle sedirigea résolument versnotre chambre, dontelleclaqua laporte. « C’est bienunefille », ditTom. Nous étions seulsetjesentais qu’ilétait demon devoir depanser lablessure queMary avait ouverte. « Moi j’aime bienleshuîtres, dis-je. – Je lesais bien.

EtMary aussi. – Oncle Tom,iln’y avraiment pasmoyen qu’elledevienne ungarçon ? – Je n’en connais pas,dit-il tristement.

Sij’en connaissais un,jelelui aurais dit.. »

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