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Charte d'affranchissement du servage

Publié le 13/04/2013

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Si le servage a régressé en France avec le renouveau économique qui a suivi l’an mil, c’est pourtant au XIIIe siècle qu’il semble disparaître. L’augmentation de la population paysanne et l’essor de la vie urbaine fait refluer le besoin de main d’œuvre des campagnes. La création de villes neuves attirent les serfs et la concession de libertés les y font demeurer. Sous l’influence de l’Église — comme c’est le cas dans cette charte d’affranchissement de l’abbaye de Saint-Denis —, les affranchissements se multiplient, tout en réaffirmant la mainmise du système seigneurial. Individuellement ou collectivement, les serfs achètent leur liberté. En 1315, suivant ces exemples, le roi offre — contre rachat — la liberté à tous les serfs du domaine royal.

Charte d’affranchissement du servage par l’abbaye de Saint-Denis, novembre 1248

 

À tous ceux qui ces présentes lettres verront, Guillaume, abbé de Saint-Denis en France, et le couvent du lieu, salut dans le Seigneur. Nous faisons savoir ce qui suit. Ayant égard au danger que couraient les âmes de certains de nos hommes de corps, tant par suite des mariages par eux contractés que des excommunications qui liaient et qui pourraient lier à l’avenir beaucoup d’entre eux (car ce n’est pas seulement la redevance annuelle due à raison de leur servitude envers nous, ce sont aussi leurs personnes mêmes que, furtivement, on les voyait et qu’on pourrait les voir à l’avenir soustraire à notre église) ; ayant en outre pris le conseil de bonnes gens, nous avons affranchi et affranchissons, par piétéé, nos hommes de corps des villages de la Garenne, soit de Villeneuve, de Gennevilliers, d’Asnières, de Colombes, de Courbevoie et de Puteaux, manants dans ces villages au temps de la concession de cette liberté, avec leurs femmes et leurs héritiers issus ou à issir à l’avenir de leur propre corps. Nous les avons délivrés à perpétuité de toutes les charges de servitude auxquelles ils nous étaient tenus auparavant, c’est-à-dire du formariage, du chevage, de la mainmorte et de tout autre genre de servitude, de quelque nom qu’on la nomme, et nous les donnons à la liberté.

 

 

Cependant, nous ne les tenons pas quittes du respect, ni des autres devoirs qu’à raison du patronat le droit exige des affranchis envers les auteurs de l’affranchissement. En outre, on saura que si quelqu’un des hommes susdits, après la liberté à eux concédée, épouse une femme de notre mesnie, selon l’antique coutume de cette église, il nous sera adjugé pour être soumis à la condition de sa femme, nonobstant le privilège de la liberté concédée. Nous gardons aussi sur les individus des deux sexes les justices de toute sorte que nous avons sur nos autres hommes, affranchis ou libres, leur accordant néanmoins l’exemption, dans la ville de Saint-Denis, de tout botage, de toute chaussée et de ce tonlieu seulement qui a coutume d’être payé pour la vente des œufs et des fromages. Cela, tant qu’ils seront manants dans les susdits villages de la Garenne. Nous restent d’ailleurs réservés et dus par eux les autres tonlieux et coutumes de la ville de Saint-Denis, comme nous les payent dans cette ville de Saint-Denis les autres hommes affranchis de nos autres villages. Nous voulons en outre, de leur consentement, que dans lesdits villages de la Garenne nous soient payés les forages sur le vin par les marchands taverniers, de telle façon cependant qu’ils ne soient pas tenus de payer plus de 6 deniers par tonneau. Nous n’avons d’autre part concédé la liberté qu’à ces hommes, à leur femme et à leurs hoirs des deux sexes, excluant complètement nos autres hommes et femmes.

 

 

On saura enfin que ces hommes ont donné pour cette liberté, à nous et à notre église, 1 700 livres parisis pour acheter à notre église des revenus.

 

 

En témoignage de quoi, et pour la mémoire des temps futurs, nous avons remis à ces mêmes hommes et à leurs hoirs le présent parchemin confirmé par la force de nos sceaux.

 

 

Fait l’an du Seigneur 1248, au mois de novembre.

 

 

Source : Seigneurie et Féodalité, l’apogée (XIe-XIIIe siècles), Paris, Aubier, 1970.

 

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