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Cinna Où Rome par ses mains déchirait ses entrailles, Où l'aigle abattait

Publié le 12/04/2014

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Cinna Où Rome par ses mains déchirait ses entrailles, Où l'aigle abattait l'aigle, et de chaque côté Nos légions s'armaient contre leur liberté ; Où les meilleurs soldats et les chefs les plus braves Mettaient toute leur gloire à devenir esclaves ; Où, pour mieux assurer la honte de leurs fers, Tous voulaient à leur chaîne attacher l'univers ; Et l'exécrable honneur de lui donner un maître Faisant aimer à tous l'infâme nom de traître, Romains contre Romains, parents contre parents, Combattaient seulement pour le choix des tyrans. J'ajoute à ces tableaux la peinture effroyable De leur concorde impie, affreuse, inexorable, Funeste aux gens de bien, aux riches, au sénat, Et pour tout dire enfin, de leur triumvirat ; Mais je ne trouve point de couleurs assez noires Pour en représenter les tragiques histoires. Je les peins dans le meurtre à l'envi triomphants, Rome entière noyée au sang de ses enfants : Les uns assassinés dans les places publiques, Les autres dans le sein de leurs dieux domestiques ; Le méchant par le prix au crime encouragé, Le mari par sa femme en son lit égorgé ; Le fils tout dégouttant du meurtre de son père, Et sa tête à la main demandant son salaire, Sans pouvoir exprimer par tant d'horribles traits Qu'un crayon imparfait de leur sanglante paix. Vous dirai-je les noms de ces grands personnages Dont j'ai dépeint les morts pour aigrir les courages, De ces fameux proscrits, ces demi-dieux mortels, Qu'on a sacrifiés jusque sur les autels ? Mais pourrais-je vous dire à quelle impatience, À quels frémissements, à quelle violence, Ces indignes trépas, quoique mal figurés, Ont porté les esprits de tous nos conjurés ? Je n'ai point perdu de temps, et voyant leur colère Au point de ne rien craindre, en état de tout faire, J'ajoute en peu de mots : « Toutes ces cruautés, La perte de nos biens et de nos libertés, Le ravage des champs, le pillage des villes, Et les proscriptions, et les guerres civiles, Sont les degrés sanglants dont Auguste a fait choix Pour monter sur le trône et nous donner des lois. Mais nous pouvons changer un destin si funeste, Puisque de trois tyrans, c'est le seul qui nous reste, Et que, juste une fois, il s'est privé d'appui, Perdant, pour régner seul, deux méchants comme lui. Lui mort, nous n'avons point de vengeur ni de maître ; Avec la liberté Rome s'en va renaître ; Et nous mériterons le nom de vrais Romains, Si le joug qui l'accable est brisé par nos mains. SCÈNE IIICINNA, ÉMILIE,FULVIE 7 Cinna Prenons l'occasion tandis qu'elle est propice : Demain au Capitole il fait un sacrifice ; Qu'il en soit la victime, et faisons de ces lieux Justice à tout le monde, à la face des dieux : Là presque pour sa suite il n'a que notre troupe ; C'est de ma main qu'il prend l'encens et la coupe ; Et je veux pour signal que cette même main Lui donne, au lieu d'encens, d'un poignard dans le sein. Ainsi d'un coup mortel la victime frappée Fera voir si je suis du sang du grand Pompée ; Faites voir, après moi, si vous vous souvenez Des illustres aïeux de qui vous êtes nés. » À peine ai-je achevé, que chacun renouvelle, Par un noble serment, le voeu d'être fidèle : L'occasion leur plaît ; mais chacun veut pour soi L'honneur du premier coup que j'ai choisi pour moi. La raison règle enfin l'ardeur qui les emporte : Maxime et la moitié s'assurent de la porte ; L'autre moitié me suit, et doit l'environner, Prête au moindre signal que je voudrai donner. Voilà, belle Émilie, à quel point nous en sommes. Demain j'attends la haine ou la faveur des hommes, Le nom de parricide, ou de libérateur, César celui de prince, ou d'un usurpateur. Du succès qu'on obtient contre la tyrannie Dépend ou notre gloire, ou notre ignominie ; Et le peuple, inégal à l'endroit des tyrans, S'il les déteste morts, les adore vivants. Pour moi, soit que le ciel me soit dur ou propice, Qu'il m'élève à la gloire, ou me livre au supplice, Que Rome se déclare ou pour ou contre nous, Mourant pour vous servir tout me semblera doux. ÉMILIE Ne crains point de succès qui souille ta mémoire : Le bon et le mauvais sont égaux pour ta gloire ; Et, dans un tel dessein, le manque de bonheur Met en péril la vie, et non pas ton honneur. Regarde le malheur de Brute et de Cassie ; La splendeur de leurs noms en est-elle obscurcie ? Sont-ils morts tous entiers avec leurs grands desseins ? Ne les compte-t-on plus pour les deniers Romains ? Leur mémoire dans Rome est encor précieuse, Autant que de César la vie est odieuse ; Si leur vainqueur y règne, ils y sont regrettés, Et par les voeux de tous leurs pareils souhaités. Va marcher sur leurs pas où l'honneur te convie : Mais ne perds pas le soin de conserver ta vie ; Souviens-toi du beau feu dont nous sommes épris, SCÈNE IIICINNA, ÉMILIE,FULVIE 8

« Prenons l'occasion tandis qu'elle est propice : Demain au Capitole il fait un sacrifice ; Qu'il en soit la victime, et faisons de ces lieux Justice à tout le monde, à la face des dieux : Là presque pour sa suite il n'a que notre troupe ; C'est de ma main qu'il prend l'encens et la coupe ; Et je veux pour signal que cette même main Lui donne, au lieu d'encens, d'un poignard dans le sein.

Ainsi d'un coup mortel la victime frappée Fera voir si je suis du sang du grand Pompée ; Faites voir, après moi, si vous vous souvenez Des illustres aïeux de qui vous êtes nés.

» À peine ai-je achevé, que chacun renouvelle, Par un noble serment, le voeu d'être fidèle : L'occasion leur plaît ; mais chacun veut pour soi L'honneur du premier coup que j'ai choisi pour moi.

La raison règle enfin l'ardeur qui les emporte : Maxime et la moitié s'assurent de la porte ; L'autre moitié me suit, et doit l'environner, Prête au moindre signal que je voudrai donner.

Voilà, belle Émilie, à quel point nous en sommes.

Demain j'attends la haine ou la faveur des hommes, Le nom de parricide, ou de libérateur, César celui de prince, ou d'un usurpateur.

Du succès qu'on obtient contre la tyrannie Dépend ou notre gloire, ou notre ignominie ; Et le peuple, inégal à l'endroit des tyrans, S'il les déteste morts, les adore vivants.

Pour moi, soit que le ciel me soit dur ou propice, Qu'il m'élève à la gloire, ou me livre au supplice, Que Rome se déclare ou pour ou contre nous, Mourant pour vous servir tout me semblera doux.

ÉMILIE Ne crains point de succès qui souille ta mémoire : Le bon et le mauvais sont égaux pour ta gloire ; Et, dans un tel dessein, le manque de bonheur Met en péril la vie, et non pas ton honneur.

Regarde le malheur de Brute et de Cassie ; La splendeur de leurs noms en est-elle obscurcie ? Sont-ils morts tous entiers avec leurs grands desseins ? Ne les compte-t-on plus pour les deniers Romains ? Leur mémoire dans Rome est encor précieuse, Autant que de César la vie est odieuse ; Si leur vainqueur y règne, ils y sont regrettés, Et par les voeux de tous leurs pareils souhaités.

Va marcher sur leurs pas où l'honneur te convie : Mais ne perds pas le soin de conserver ta vie ; Souviens-toi du beau feu dont nous sommes épris, Cinna SCÈNE III\24CINNA, ÉMILIE,FULVIE 8. »

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