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Claire de Lune Le medecin s'etait retire: les deux gardes, apres avoir rode quelque temps, d'un pas leger, par la chambre, sommeillaient maintenant sur des chaises.

Publié le 11/04/2014

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Claire de Lune Le medecin s'etait retire: les deux gardes, apres avoir rode quelque temps, d'un pas leger, par la chambre, sommeillaient maintenant sur des chaises. L'enfant dormait, et la mere, les yeux fermes, semblait se reposer aussi. Tout a coup, comme le jour blafard filtrait entre les rideaux croises, elle tendit ses bras d'un mouvement si brusque et si violent qu'elle faillit jeter a terre son enfant. Une espece de rale se glissa dans sa gorge; puis elle demeura sur le dos, immobile, morte. Les gardes accourues declarerent: "C'est fini." Il regarda une derniere fois cette femme qu'il avait aimee, puis la pendule qui marquait quatre heures, et s'enfuit oubliant son pardessus, en habit noir, avec l'enfant dans ses bras. Apres qu'il l'eut laissee seule, sa jeune femme avait attendu, assez calme d'abord, dans le petit boudoir japonais. Puis, ne le voyant point reparaitre, elle etait rentree dans le salon, d'un air indifferent et tranquille, mais inquiete horriblement. Sa mere, l'apercevant seule, avait demande: "Ou donc est ton mari?" Et elle avait repondu: "Dans sa chambre; il va revenir." Au bout d'une heure, comme tout le monde l'interrogeait, elle avoua la lettre et la figure bouleversee de Jacques, et ses craintes d'un malheur. On attendit encore. Les invites partirent; seuls, les parents les plus proches demeuraient. A minuit, on coucha la mariee toute secouee de sanglots. Sa mere et deux tantes, assises autour du lit, l'ecoutaient pleurer, muettes et desolees ... Le pere etait parti chez le commissaire de police pour chercher des renseignements. A Cinq heures, un bruit leger glissa dans le corridor; une porte s'ouvrit et se ferma doucement; puis soudain un petit cri pareil a un miaulement de chat courut dans la maison silencieuse. Toutes les femmes furent debout d'un bond, et Berthe, la premiere, s'elanca, malgre sa mere et ses tantes, enveloppee de son peignoir de nuit. Jacques, debout au milieu de sa chambre, livide, haletant, tenait un enfant dans ses bras. Les quatre femmes le regarderent, effarees; mais Berthe, devenue soudain temeraire, le coeur crispe d'angoisse, courut a lui: "Qu'y a-t-il? dites, qu'y a-t-il?" Il avait l'air fou; il repondit d'une voix saccadee: "Il y a ... il y a ... que j'ai un enfant, et que la mere vient de mourir ..." Et il presentait dans ses mains inhabiles le marmot hurlant. Berthe, sans dire un mot, saisit l'enfant, l'embrassa, l'etreignant contre elle; puis, relevant sur son mari ses yeux pleins de larmes: "La mere est morte, dites-vous?" Il repondit: "Oui, tout de suite ... dans mes bras ... J'avais rompu depuis l'ete ... Je ne savais rien, moi ... c'est le medecin qui m'a fait venir ..." Alors Berthe murmura: "Eh bien, nous l'eleverons, ce petit. ***** CONTE DE NOEL [Illustration de ADRIEN MARIE] CONTE DE NOEL 19 Claire de Lune Le docteur Bonenfant cherchait dans sa memoire, repetant a mi-voix: "Un souvenir de Noel? ... Un souvenir de Noel? ..." Et tout a coup, il s'ecria: --Mais si, j'en ai un, et un bien etrange encore; c'est une histoire fantastique. J'ai vu un miracle! Oui, Mesdames, un miracle, la nuit de Noel. Cela vous etonne de m'entendre parler ainsi, moi qui ne crois guere a rien. Et pourtant, j'ai vu un miracle! Je l'ai vu, dis-je, vu, de mes propres yeux vu, ce qui s'appelle vu. En ai-je ete fort surpris? non pas; car si je ne crois point a vos croyances, je crois a la foi, et je sais qu'elle transporte les montagnes. Je pourrais citer bien des exemples; mais je vous indignerais et je m'exposerais aussi a amoindrir l'effet de mon histoire. Je vous avouerai d'abord que si je n'ai pas ete convaincu et converti par ce que j'ai vu, j'ai ete du moins fort emu, et je vais tacher de vous dire la chose naivement, comme si j'avais une credulite d'Auvergnat. J'etais alors medecin de campagne, habitant le bourg de Rolleville, en pleine Normandie. L'hiver, cette annee-la, fut terrible. Des la fin de novembre, les neiges arriverent apres une semaine de gelees. On voyait de loin les gros nuages venir du nord; et la blanche descente des flocons commenca. En une nuit, toute la pleine fut ensevelie. Les fermes, isolees dans leurs cours carrees, derriere leurs rideaux de grands arbres poudres de frimas, semblaient s'endormir sous l'accumulation de cette mousse epaisse et legere. Aucun bruit ne traversait plus la campagne immobile. Seuls les corbeaux, par bandes, decrivaient de longs festons dans le ciel, cherchant leur vie inutilement, s'abattant tous ensemble sur les champs livides et piquant la neige de leurs grands becs. On n'entendait rien que le glissement vague et continu de cette poussiere gelee tombant toujours. Cela dura huit jours pleins, puis l'avalanche s'arreta. La terre avait sur le dos un manteau epais de cinq pieds. Et, pendant trois semaines ensuite, un ciel, clair comme un cristal bleu le jour, et, la nuit, tout seme d'etoiles qu'on aurait crues de givre, tant le vaste espace etait rigoureux, s'etendit sur la nappe unie, dure et luisante des neiges. La plaine, les haies, les ormes des clotures, tout semblait mort, tue par le froid. Ni hommes ni betes ne sortaient plus; seules les cheminees des chaumieres en chemise blanche revelaient la vie cachee, par les minces filets de fumee qui montaient droit dans l'air glacial. De temps en temps on entendait craquer les arbres, comme si leurs membres de bois se fussent brises sous l'ecorce; et, parfois, une grosse branche se detachait et tombait, l'invincible gelee petrifiant la seve et cassant les fibres. Les habitations semees ca et la par les champs semblaient eloignees de cent lieues les unes des autres. On vivait comme on pouvait. Seul, j'essayais d'aller voir mes clients les plus proches, m'exposant sans cesse a rester enseveli dans quelque creux. CONTE DE NOEL 20
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« Le docteur Bonenfant cherchait dans sa memoire, repetant a mi-voix: “Un souvenir de Noel? ...

Un souvenir de Noel? ...” Et tout a coup, il s'ecria: —Mais si, j'en ai un, et un bien etrange encore; c'est une histoire fantastique.

J'ai vu un miracle! Oui, Mesdames, un miracle, la nuit de Noel. Cela vous etonne de m'entendre parler ainsi, moi qui ne crois guere a rien.

Et pourtant, j'ai vu un miracle! Je l'ai vu, dis-je, vu, de mes propres yeux vu, ce qui s'appelle vu. En ai-je ete fort surpris? non pas; car si je ne crois point a vos croyances, je crois a la foi, et je sais qu'elle transporte les montagnes.

Je pourrais citer bien des exemples; mais je vous indignerais et je m'exposerais aussi a amoindrir l'effet de mon histoire. Je vous avouerai d'abord que si je n'ai pas ete convaincu et converti par ce que j'ai vu, j'ai ete du moins fort emu, et je vais tacher de vous dire la chose naivement, comme si j'avais une credulite d'Auvergnat. J'etais alors medecin de campagne, habitant le bourg de Rolleville, en pleine Normandie. L'hiver, cette annee-la, fut terrible.

Des la fin de novembre, les neiges arriverent apres une semaine de gelees. On voyait de loin les gros nuages venir du nord; et la blanche descente des flocons commenca. En une nuit, toute la pleine fut ensevelie. Les fermes, isolees dans leurs cours carrees, derriere leurs rideaux de grands arbres poudres de frimas, semblaient s'endormir sous l'accumulation de cette mousse epaisse et legere. Aucun bruit ne traversait plus la campagne immobile.

Seuls les corbeaux, par bandes, decrivaient de longs festons dans le ciel, cherchant leur vie inutilement, s'abattant tous ensemble sur les champs livides et piquant la neige de leurs grands becs. On n'entendait rien que le glissement vague et continu de cette poussiere gelee tombant toujours. Cela dura huit jours pleins, puis l'avalanche s'arreta.

La terre avait sur le dos un manteau epais de cinq pieds. Et, pendant trois semaines ensuite, un ciel, clair comme un cristal bleu le jour, et, la nuit, tout seme d'etoiles qu'on aurait crues de givre, tant le vaste espace etait rigoureux, s'etendit sur la nappe unie, dure et luisante des neiges. La plaine, les haies, les ormes des clotures, tout semblait mort, tue par le froid.

Ni hommes ni betes ne sortaient plus; seules les cheminees des chaumieres en chemise blanche revelaient la vie cachee, par les minces filets de fumee qui montaient droit dans l'air glacial. De temps en temps on entendait craquer les arbres, comme si leurs membres de bois se fussent brises sous l'ecorce; et, parfois, une grosse branche se detachait et tombait, l'invincible gelee petrifiant la seve et cassant les fibres. Les habitations semees ca et la par les champs semblaient eloignees de cent lieues les unes des autres.

On vivait comme on pouvait.

Seul, j'essayais d'aller voir mes clients les plus proches, m'exposant sans cesse a rester enseveli dans quelque creux.

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