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de Sa Majesté, qu'il ne prenait conseil de personne, et ne faisait jamais rien à sa guise : ce qui résultait de ce qu'il procédait à l'inverse de ce qu'on vient de dire.

Publié le 01/10/2013

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de Sa Majesté, qu'il ne prenait conseil de personne, et ne faisait jamais rien à sa guise : ce qui résultait de ce qu'il procédait à l'inverse de ce qu'on vient de dire. L'empereur en effet est un homme secret, ne communique ses desseins à personne, ne prend avis de personne ; mais comme, au moment de les mettre en pratique, ils commencent à être connus et découverts, ils commencent à être contredits par ceux qu'il a à l'entour ; et lui, qui est facile, s'en détourne. D'où résulte que ce qu'il fait un jour, il le détruit l'autre, et qu'on ne comprend jamais ce qu'il veut ou entend faire, et que sur ses décisions on ne peut faire fond. Un prince, donc, doit sans cesse prendre conseil, mais quand lui le veut et non quand le veut autrui, et même il doit décourager chacun de le conseiller en rien s'il ne le questionne pas ; mais lui doit certes être grand questionneur, et ensuite, sur l'objet de ses questions, patient auditeur du vrai, et même, s'il discerne que quelqu'un, pour quelque raison de déférence, ne le lui dise pas, s'en fâcher. Et comme beaucoup estiment que tel prince, qui donne de lui opinion de sagesse, n'est pas tenu pour tel à cause de sa nature, mais à cause des bons conseils dont il est entouré, sans nul doute ils se trompent. Car il y a une règle générale qui est infaillible : c'est qu'un prince qui n'est pas sage par lui-même ne peut être bien conseillé, à moins que d'aventure il ne se repose sur un seul homme, qui en tout le gouvernerait, et qui fût homme tout à fait sage. Dans ce cas-là il pourrait s'en trouver bien, mais cela durerait peu, car ce gouverneur bientôt lui enlèverait son Etat ; mais en prenant conseil de plus d'un, un prince qui n'est pas sage ne trouvera jamais d'unité dans les conseils, ni ne saura par lui-même les unifier ; parmi les conseillers, chacun pensera à son profit personnel : lui ne les saura corriger ni connaître. Et l'on n'en peut trouver qui soient autrement, car toujours tu verras les hommes se révéler mauvais si quelque nécessité ne les conduit à être bons. C'est pourquoi il faut conclure que les bons conseils, d'où qu'ils viennent, naissent nécessairement de la sagesse du prince, et non la sagesse du prince des bons conseils. XXIV POURQUOI LES PRINCES D'ITALIE ONT PERDU LEURS ÉTATS Les choses écrites ci-dessus, sagement observées, font paraître ancien un prince nouveau, et le rendent tout d'un coup plus assuré et plus ferme dans l'État que s'il y était anciennement établi ; car un prince nouveau est beaucoup plus observé en ses actions qu'un prince héréditaire : et quand elles sont reconnues méritoires, elles conquièrent beaucoup plus les hommes et les attachent beaucoup plus que l'antiquité du sang. Car les hommes sont beaucoup plus saisis par les choses présentes que par celles du passé, et quand dans les présentes ils trouvent le bien, ils en jouissent et ne cherchent rien d'autre ; et même ils feront tout pour le défendre pourvu que dans les autres choses il ne se manque pas à lui-même. Et ainsi il aura double gloire : d'avoir donné commencement à une monarchie nouvelle, et de l'avoir parée et l'avoir fortifiée de bonnes lois, de bonnes armes, de bons amis 24 et de bons exemples ; comme celui-là a double honte, qui, né prince, par son peu de sagesse l'a perdue. Et si l'on considère ces souverains qui de notre temps, en Italie, ont perdu leurs États, comme le roi de Naples, le duc de Milan et autres, on trouvera chez eux, d'abord, un commun défaut quant aux armes, pour les raisons que plus haut on a tout au long exposées ; ensuite on verra tel d'entre eux, ou qui aura eu ses peuples hostiles, ou s'il a eu le peuple ami, qui n'aura pas su s'assurer des grands ; car sans ces défauts, on ne perd pas les États qui ont assez de nerf pour pouvoir mettre une armée en campagne. Philippe de Macédoine, non le père d'Alexandre, mais celui qui fut vaincu par Titus Quintus, n'avait pas grand territoire eu égard à la grandeur des Romains et de la Grèce qui l'attaquèrent : néanmoins, comme il était homme de guerre, et qui savait se concilier le peuple et s'assurer des grands, il soutint plusieurs années la guerre contre eux ; et si à la fin il perdit la possession de quelques villes, toutefois lui demeura le royaume. C'est pourquoi ces princes de chez nous qui avaient été longtemps en possession de leurs Etats, s'ils les ont ensuite perdus, qu'ils n'en accusent pas le sort, mais leur paresse : car n'ayant jamais, dans les temps calmes, pensé qu'ils peuvent changer (ce qui est un commun défaut des hommes, que de ne pas, dans la bonace, tenir compte de la tempête), quand ensuite vinrent les temps adverses, ils pensèrent à s'enfuir et non à se défendre ; et ils espérèrent que les peuples, excédés par l'insolence des vainqueurs, les rappelleraient. Et ce parti, quand les autres font défaut, est bon ; mais il est bien mal d'avoir laissé les autres remèdes pour celui-là : car voudrait-on jamais tomber parce qu'on croirait trouver qui vous ramasse ? Ce qui, ou bien n'advient pas, ou s'il advient, ne t'apporte pas la sécurité, parce que cette défense a été lâche et qu'elle ne dépend pas de toi. Et ces défenses seules sont bonnes, sont certaines, sont durables, qui dépendent de toi-même et de ton mérite.

« XXIV POURQUOI LES PRINCES D'ITALIE ONT PERDU LEURS ÉTATS Les choses écrites ci-dessus, sagement observées, font paraître ancien un prince nouveau, et le rendent tout d'un coup plus assuré et plus ferme dans l'État que s'il y était anciennement établi ; car un prince nouveau est beaucoup plus observé en ses actions qu'un prince héréditaire : et quand elles sont reconnues méritoires, elles conquièrent beaucoup plus les hommes et les attachent beaucoup plus que l'antiquité du sang.

Car les hommes sont beaucoup plus saisis par les choses présentes que par celles du passé, et quand dans les présentes ils trouvent le bien, ils en jouissent et ne cherchent rien d'autre ; et même ils feront tout pour le défendre pourvu que dans les autres choses il ne se manque pas à lui-même.

Et ainsi il aura double gloire : d'avoir donné commencement à une monarchie nouvelle, et de l'avoir parée et l'avoir fortifiée de bonnes lois, de bonnes armes, de bons amis 24 et de bons exemples ; comme celui-là a double honte, qui, né prince, par son peu de sagesse l'a perdue.

Et si l'on considère ces souverains qui de notre temps, en Italie, ont perdu leurs États, comme le roi de Naples, le duc de Milan et autres, on trouvera chez eux, d'abord, un commun défaut quant aux armes, pour les raisons que plus haut on a tout au long exposées ; ensuite on verra tel d'entre eux, ou qui aura eu ses peuples hostiles, ou s'il a eu le peuple ami, qui n'aura pas su s'assurer des grands ; car sans ces défauts, on ne. »

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