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debout devant un mur d'ombre, et de l'autre côté de ce mur, il y avait quelque chose d'intolérable, quelque chose de trop horrible pour être affronté.

Publié le 31/10/2013

Extrait du document

debout devant un mur d'ombre, et de l'autre côté de ce mur, il y avait quelque chose d'intolérable, quelque chose de trop horrible pour être affronté. Dans son rêve, son sentiment profond était toujours un sentiment de duperie volontaire, car, en fait, il savait ce qu'il y avait derrière le mur d'ombre. Il aurait même pu, d'un effort mortel, comme s'il arrachait un morceau de son propre coeur, tirer la chose en pleine lumière. Il se réveillait toujours sans avoir découvert ce que c'était. Mais cela se rapportait, d'une manière ou d'une autre, à ce qu'allait dire Julia quand il lui avait coupé la parole. -- Excuse-moi, dit-il. Ce n'est rien. Je n'aime pas les rats, c'est tout. -- Ne te tourmente pas, chéri, ces sales brutes de rats n'entreront pas ici. Avant que nous partions, je vais boucher le trou avec un bout de toile à sac et la prochaine fois que nous viendrons, j'apporterai un peu de plâtre et je le fermerai proprement, tu verras. L'instant de panique aveugle était déjà à moitié oublié. Légèrement honteux de lui-même, Winston s'assit, appuyé au dossier du lit. Julia se leva, enfila sa combinaison et fit le café. L'odeur qui montait de la casserole était si puissante et si excitante qu'ils fermèrent la fenêtre, de peur qu'elle ne fût remarquée par quelqu'un du dehors et qu'elle n'éveillât la curiosité. Ce qui était même meilleur que le goût du café, c'était le velouté donné ar le sucre, sensation que Winston, après des années de saccharine, avait presque oubliée. Une main dans sa poche, l'autre tenant une tartine de confiture, Julia errait dans la pièce. Elle regarda la ibliothèque avec indifférence, indiqua le meilleur moyen de réparer la table pliante, se laissa tomber dans le auteuil usé pour voir s'il était confortable, regarda l'absurde pendule aux douze chiffres avec un amusement ienveillant. Elle apporta le presse-papier de verre sur le lit pour le voir sous une lumière plus vive. Winston le ui prit des mains, fasciné comme toujours par l'aspect doux et la transparence liquide du verre. -- Que penses-tu que ce soit ? demanda Julia. -- Je ne pense pas que ce soit quelque chose. Je veux dire, je ne pense pas que cela ait jamais été destiné à ervir. C'est ce que j'aime en lui. C'est un petit morceau d'Histoire que l'on a oublié de falsifier. C'est un message d'il y a cent ans, si l'on sait comment le lire. -- Et ce tableau, là-haut ? (elle indiquait, de la tête, la gravure sur le mur en face d'elle) est-ce qu'il est vieux d'un siècle ? -- Plus que cela. Deux siècles, peut-être. Il est absolument impossible aujourd'hui de découvrir l'âge de quoi ue ce soit. Elle traversa la pièce. -- Voici l'endroit où cette saloperie de bête a passé le nez, dit-elle, en frappant sur la boiserie mmédiatement sous le tableau. - Elle regarda le tableau. - Où ça se tient ? J'ai vu ça quelque part. -- C'est une église, ou tout au moins c'en était une. On l'appelait l'église de Saint-Clément. Le fragment de refrain que lui avait appris M. Charrington lui revint à l'esprit, et il ajouta, à demi nostalgique : « Oranges et citrons, disent les cloches de Saint-Clément. « À sa stupéfaction, elle répondit au vers par un vers. -- Tu me dois trois farthings, disent les cloches de Saint-Martin. -- Quand me paieras-tu ? disent les cloches du Vieux Bailey. -- Je ne me souviens pas de la suite. Mais je me rappelle en tout cas que cela se termine ainsi : « Voici une chandelle pour aller vous coucher, voici un couperet pour vous couper la tête ! « C'était comme les deux moitiés d'un contreseing. Mais il devait y avoir une autre ligne après « les cloches du ieux Bailey «. Peut-être pourrait-on l'extraire de la mémoire de M. Charrington, si elle était convenablement xcitée. -- Qui t'a appris cela ? demanda-t-il. -- Mon grand-père. Il avait l'habitude de me le répéter quand j'étais petite. Il a été vaporisé quand j'avais uit ans. En tout cas, il disparut. Je me demande ce que c'était, un citron, ajouta-t-elle, sans logique. J'ai vu des oranges. C'est une sorte de fruit rond et jaune, avec une peau épaisse. -- Je me souviens des citrons, dit Winston. Ils étaient très connus entre 1950 et 1959. Ils étaient tellement acides qu'on avait les dents glacées, rien qu'à les sentir. -- Je suis sûre qu'il y a des punaises derrière ce tableau, dit Julia. Je le descendrai un de ces jours et je lui onnerai un bon coup de torchon. Je crois qu'il est presque temps de nous en aller. Il faut que je lave ma figure pour enlever ce fard. Quel ennui ! J'enlèverai ensuite de ton visage le rouge à lèvres. Winston resta couché quelques minutes encore. La chambre s'assombrissait. Il se tourna vers la lumière et resta étendu, les yeux fixés sur le presse-papier de verre. Il y avait en cet objet une telle profondeur ! Il était pourtant presque aussi transparent que l'air. C'était comme si la surface du verre était une arche du ciel enfermant un monde minuscule avec son atmosphère complète. Il avait l'impression de pouvoir y pénétrer. Il s'imaginait, il ressentait que, pour de bon, il était à l'intérieur du verre, avec le lit de mahogany, la table pliante, la pendule, la gravure ancienne et le presse-papier lui-même. Le presse-papier était la pièce dans laquelle il se trouvait, et le corail était la vie de Julia et la sienne, fixées dans une sorte d'éternité au coeur du cristal.   CHAPITRE V Syme avait disparu. Un matin, il avait été absent de son travail. Quelques personnes sans cervelle commentèrent son absence. Le jour suivant, personne ne mentionna son nom. Le troisième jour, Winston se rendit au vestibule du Commissariat aux Archives pour regarder le tableau des informations. L'une des notices contenait une liste imprimée des membres du Comité des Échecs dont Syme avait fait partie. Cette liste paraissait à peu près semblable à ce qu'elle était auparavant. Rien n'avait été raturé. Mais elle avait un nom en moins. C'était suffisant. Syme avait cessé d'exister, il n'avait jamais existé. Le temps chauffait dur. Dans le labyrinthe du ministère, les pièces sans fenêtres, dont l'air était conditionné, gardaient leur température normale, mais à l'extérieur, les pavés brûlaient les pieds et la puanteur du métro aux heures d'affluence était horrible. Les préparatifs pour la Semaine de la Haine battaient leur plein et le personnel de tous les ministères faisait des heures supplémentaires. Processions, réunions, parades militaires, conférences, exhibition d'effigies, spectacles de cinéma, programmes de télécran, tout devait être organisé. Des tribunes devaient être dressées, des effigies modelées, des slogans inventés, des chansons écrites, des rumeurs mises en circulation, des photographies maquillées. On avait enlevé à la Section de Julia, dans le Commissariat aux Romans, la production des romans. Ce Département sortait maintenant, à une cadence précipitée, une série d'atroces pamphlets. Winston, en plus de son travail habituel, passait de longues heures chaque jour à parcourir d'anciennes collections du Times et à changer et embellir des paragraphes concernant les nouvelles qui devaient être commentées dans des discours. Tard dans la nuit, alors qu'une foule de prolétaires bruyants erraient par les rues, la ville avait un curieux air de fébrilité. Les bombes-fusées s'abattaient avec fracas plus souvent que jamais. Parfois, dans le lointain, il y avait d'énormes xplosions que personne ne pouvait expliquer et à propos desquelles circulaient de folles rumeurs. Le nouvel air qui devait être la chanson-thème de la Semaine de la Haine (on l'appelait la chanson de la aine), avait déjà été composé et on le donnait sans arrêt au télécran. Il avait un rythme d'aboiement sauvage u'on ne pouvait exactement appeler de la musique, mais qui ressemblait au battement d'un tambour. Quand, hanté par des centaines de voix, il scandait le bruit des pas, il était terrifiant. Les prolétaires s'en étaient ntichés et, au milieu de la nuit, il rivalisait dans les rues avec l'air encore populaire « Ce n'est qu'un rêve sans spoir. « Les enfants de Parsons le jouaient de façon insupportable à toutes les heures du jour et de la nuit, sur n peigne et un bout de papier hygiénique. Les soirées de Winston étaient plus occupées que jamais. Des scouades de volontaires, organisées par Parsons, préparaient la rue pour la Semaine de la Haine. Elles ousaient des bannières, peignaient des affiches, érigeaient des hampes de drapeaux sur les toits, risquaient leur ie pour lancer des fils par-dessus la rue et accrocher des banderoles. Parsons se vantait que seul le bloc de la Victoire déploierait quatre cents mètres de pavoisement. La chaleur t les travaux manuels lui avaient même fourni un prétexte pour revenir dans la soirée aux shorts et aux hemises ouvertes. Il était partout à la fois à pousser, tirer, scier, clouer, improviser, à réjouir tout le monde par es exhortations familières et à répandre par tous les plis de son corps un stock qui semblait inépuisable de ueur acide. Les murs de Londres avaient soudain été couverts d'une nouvelle affiche. Elle ne portait pas de légende et eprésentait simplement la monstrueuse silhouette de trois ou quatre mètres de haut d'un soldat eurasien au isage mongol impassible aux bottes énormes, qui avançait à grands pas avec sur la hanche, une mitrailleuse ointée en avant. Sous quelque angle qu'on regardât l'affiche, la gueule de la mitrailleuse semblait pointée droit ur vous. Ces affiches avaient été collées sur tous les espaces vides des murs et leur nombre dépassait même celles qui eprésentaient Big Brother. Les prolétaires, habituellement indifférents à la guerre, étaient excités et poussés à 'un de leurs périodiques délires patriotiques. Comme pour s'harmoniser avec l'humeur générale, les bombesusées avaient tué un nombre de gens plus grand que d'habitude. L'une d'elles tomba sur un cinéma bondé de tepney et ensevelit sous les décombres plusieurs centaines de victimes. Toute la population du voisinage sortit our les funérailles. Elle forma un long cortège qui dura des heures et fut, en fait, une manifestation 'indignation. Une autre bombe tomba dans un terrain abandonné qui servait de terrain de jeu. Plusieurs ouzaines d'enfants furent atteints et mis en pièces. Il y eut d'autres manifestations de colère. On brûla l'effigie e Goldstein. Des centaines d'exemplaires de l'affiche du soldat eurasien furent arrachés et ajoutés aux flammes t un grand nombre de magasins furent pillés dans le tumulte. Puis le bruit courut que des espions dirigeaient es bombes par ondes, et on mit le feu à la maison d'un vieux couple suspect d'être d'origine étrangère. Il périt touffé. Dans la pièce qui se trouvait au-dessus du magasin de M. Charrington, Winston et Julia, quand ils ouvaient s'y rendre, se couchaient côte à côte sur le lit sans couvertures, nus sous la fenêtre ouverte pour avoir rais. Le rat n'était jamais revenu, mais les punaises s'étaient hideusement multipliées avec la chaleur. Cela ne emblait pas avoir d'importance. Sale ou propre, la chambre était un paradis.

« CHAPITRE VSyme avaitdisparu.

Unmatin, ilavait étéabsent deson travail.

Quelques personnes sanscervelle commentèrent sonabsence.

Lejour suivant, personne nementionna sonnom.

Letroisième jour,Winston se rendit auvestibule duCommissariat auxArchives pourregarder letableau desinformations.

L’unedesnotices contenait uneliste imprimée desmembres duComité desÉchecs dontSyme avaitfaitpartie.

Cetteliste paraissait àpeu près semblable àce qu’elle étaitauparavant.

Rienn’avait étératuré.

Maiselleavait unnom en moins.

C’étaitsuffisant.

Symeavaitcessé d’exister, iln’avait jamaisexisté. Le temps chauffait dur.Dans lelabyrinthe duministère, lespièces sansfenêtres, dontl’airétait conditionné, gardaient leurtempérature normale,maisàl’extérieur, lespavés brûlaient lespieds etlapuanteur dumétro aux heures d’affluence étaithorrible.

Lespréparatifs pourlaSemaine delaHaine battaient leurplein etlepersonnel de tous lesministères faisaitdesheures supplémentaires. Processions, réunions,paradesmilitaires, conférences, exhibitiond’effigies,spectacles decinéma, programmes detélécran, toutdevait êtreorganisé.

Destribunes devaient êtredressées, deseffigies modelées, des slogans inventés, deschansons écrites,desrumeurs misesencirculation, desphotographies maquillées.On avait enlevé àla Section deJulia, dansleCommissariat auxRomans, laproduction desromans.

CeDépartement sortait maintenant, àune cadence précipitée, unesérie d’atroces pamphlets.

Winston,enplus deson travail habituel, passaitdelongues heureschaque jouràparcourir d’anciennes collectionsdu Times et àchanger et embellir desparagraphes concernantlesnouvelles quidevaient êtrecommentées dansdesdiscours.

Tarddans la nuit, alors qu’une fouledeprolétaires bruyantserraientparlesrues, laville avait uncurieux airdefébrilité. Les bombes-fusées s’abattaientavecfracas plussouvent quejamais.

Parfois, danslelointain, ilyavait d’énormes explosions quepersonne nepouvait expliquer etàpropos desquelles circulaient defolles rumeurs. Le nouvel airqui devait êtrelachanson-thème delaSemaine delaHaine (onl’appelait lachanson dela Haine), avaitdéjàétécomposé eton ledonnait sansarrêt autélécran.

Ilavait unrythme d’aboiement sauvage qu’on nepouvait exactement appelerdelamusique, maisquiressemblait aubattement d’untambour.

Quand, chanté pardes centaines devoix, ilscandait lebruit despas, ilétait terrifiant.

Lesprolétaires s’enétaient entichés et,aumilieu delanuit, ilrivalisait danslesrues avec l’airencore populaire « Cen’est qu’un rêvesans espoir. » Lesenfants deParsons lejouaient defaçon insupportable àtoutes lesheures dujour etde lanuit, sur un peigne etun bout depapier hygiénique.

Lessoirées deWinston étaientplusoccupées quejamais.

Des escouades devolontaires, organiséesparParsons, préparaient larue pour laSemaine delaHaine.

Elles cousaient desbannières, peignaient desaffiches, érigeaient deshampes dedrapeaux surlestoits, risquaient leur vie pour lancer desfilspar-dessus larue etaccrocher desbanderoles. Parsons sevantait queseul lebloc delaVictoire déploierait quatrecentsmètres depavoisement.

Lachaleur et les travaux manuels luiavaient mêmefourni unprétexte pourrevenir danslasoirée auxshorts etaux chemises ouvertes.Ilétait partout àla fois àpousser, tirer,scier, clouer, improviser, àréjouir toutlemonde par ses exhortations familièresetàrépandre partous lesplis deson corps unstock quisemblait inépuisable de sueur acide. Les murs deLondres avaientsoudain étécouverts d’unenouvelle affiche.Elleneportait pasdelégende et représentait simplementlamonstrueuse silhouettedetrois ouquatre mètres dehaut d’unsoldat eurasien au visage mongol impassible auxbottes énormes, quiavançait àgrands pasavec surlahanche, unemitrailleuse pointée enavant.

Sousquelque anglequ’on regardât l’affiche, lagueule delamitrailleuse semblaitpointéedroit sur vous. Ces affiches avaientétécollées surtous lesespaces videsdesmurs etleur nombre dépassait mêmecellesqui représentaient BigBrother.

Lesprolétaires, habituellement indifférentsàla guerre, étaientexcitésetpoussés à l’un deleurs périodiques délirespatriotiques.

Commepours’harmoniser avecl’humeur générale, lesbombes- fusées avaient tuéunnombre degens plusgrand qued’habitude.

L’uned’elles tomba suruncinéma bondéde Stepney etensevelit souslesdécombres plusieurscentaines devictimes.

Toutelapopulation duvoisinage sortit pour lesfunérailles.

Elleforma unlong cortège quidura desheures etfut, enfait, unemanifestation d’indignation.

Uneautre bombe tombadansunterrain abandonné quiservait deterrain dejeu.

Plusieurs douzaines d’enfantsfurentatteints etmis enpièces.

Ilyeut d’autres manifestations decolère.

Onbrûla l’effigie de Goldstein.

Descentaines d’exemplaires del’affiche dusoldat eurasien furentarrachés etajoutés auxflammes et un grand nombre demagasins furentpillésdansletumulte.

Puislebruit courut quedesespions dirigeaient les bombes parondes, eton mit lefeu àla maison d’unvieux couple suspect d’êtred’origine étrangère.

Ilpérit étouffé.

Danslapièce quisetrouvait au-dessus dumagasin deM. Charrington, WinstonetJulia, quand ils pouvaient s’yrendre, secouchaient côteàcôte surlelit sans couvertures, nussous lafenêtre ouverte pouravoir frais.

Lerat n’était jamais revenu, maislespunaises s’étaienthideusement multipliéesaveclachaleur.

Celane semblait pasavoir d’importance.

Saleoupropre, lachambre étaitunparadis.. »

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