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du premier wagon, où elle se mettait toujours pour être plus près de lui, il l'avait suppliée du regard  et, comprenant, elle s'était retirée, pour ne pas rester à ce vent glacial qui lui brûlait la figure.

Publié le 29/10/2013

Extrait du document

du premier wagon, où elle se mettait toujours pour être plus près de lui, il l'avait suppliée du regard  et, comprenant, elle s'était retirée, pour ne pas rester à ce vent glacial qui lui brûlait la figure. Lui, dès lors, songeant à elle, avait travaillé de grand coeur. Mais il remarquait que la cause de l'arrêt, l'empâtement dans la neige, ne provenait pas des roues : celles-ci coupaient les couches les plus épaisses  c'était le cendrier, placé entre elles, qui faisait obstacle, roulant la neige, la durcissant en paquets énormes. Et une idée lui vint. « Il faut dévisser le cendrier. « D'abord, le conducteur-chef s'y opposa. Le mécanicien était sous ses ordres, il ne voulait pas l'autoriser à toucher à la machine. Puis, il se laissa convaincre. « Vous en prenez la responsabilité, c'est bon ! « Seulement, ce fut une dure besogne. Allongés sous la machine, le dos dans la neige qui fondait, Jacques et Pecqueux durent travailler pendant près d'une demi-heure. Heureusement que, dans le coffre à outils, ils avaient des tournevis de rechange. Enfin, au risque de se brûler et de s'écraser vingt fois, ils parvinrent à détacher le cendrier. Mais ils ne l'avaient pas encore, il s'agissait de le sortir de là-dessous. D'un poids énorme, il s'embarrassait dans les roues et les cylindres. Pourtant, à quatre, ils le tirèrent, le traînèrent en dehors de la voie, jusqu'au talus. « Maintenant, achevons de déblayer «, dit le conducteur. Depuis près d'une heure, le train était en détresse, et l'angoisse des voyageurs avait grandi. A chaque minute, une glace se baissait, une voix demandait pourquoi l'on ne partait pas. C'était la panique, des cris, des larmes, dans une crise montante d'affolement. « Non, non, c'est assez déblayé, déclara Jacques. Montez, je me charge du reste. « Il était de nouveau à son poste, avec Pecqueux, et lorsque les deux conducteurs eurent regagné leurs fourgons, il tourna lui-même le robinet du purgeur. Le jet de vapeur brûlante, assourdi, acheva de fondre les paquets qui adhéraient encore aux rails. Puis, la main au volant, il fit machine arrière. Lentement, il recula d'environ trois cents mètres, pour prendre du champ. Et, ayant poussé au feu, dépassant même la pression permise, il revint contre le mur qui barrait la voie, il y jeta la Lison, de toute sa masse, de tout le poids du train qu'elle traînait. Elle eut un han ! terrible de bûcheron qui enfonce la cognée, sa forte charpente de fer et de fonte en craqua. Mais elle ne put passer encore, elle s'était arrêtée, fumante, toute vibrante du choc. Alors, à deux autres reprises, il dut recommencer la manoeuvre, recula, fonça sur la neige, pour l'emporter  et, chaque fois, la Lison, raidissant les reins, buta du poitrail, avec son souffle enragé de géante. Enfin, elle parut reprendre haleine, elle banda ses muscles de métal en un suprême effort, et elle passa, et lourdement le train la suivit, entre les deux murs de la neige éventrée. Elle était libre. « Bonne bête tout de même ! « grogna Pecqueux. Jacques, aveuglé, ôta ses lunettes, les essuya. Son coeur battait à grands coups, il ne sentait plus le froid. Mais, brusquement, la pensée lui vint d'une tranchée profonde, qui se trouvait à trois cents mètres environ de la Croix-de-Maufras : elle s'ouvrait dans la direction du vent, la neige devait s'y être accumulée en quantité considérable  et, tout de suite, il eut la certitude que c'était là l'écueil marqué où il naufragerait. Il se pencha. Au loin, après une dernière courbe, la tranchée lui apparut, en ligne droite, ainsi qu'une longue fosse, comblée de neige. Il faisait plein jour, la blancheur était sans bornes et éclatante, sous la tombée continue des flocons. Cependant, la Lison filait à une vitesse moyenne, n'ayant plus rencontré d'obstacle. On avait, par précaution, laissé allumés les feux d'avant et d'arrière  et le fanal blanc, à la base de la cheminée, luisait dans le jour, comme un oeil vivant de cyclope. Elle roulait, elle approchait de la tranchée, avec cet oeil largement ouvert. Alors, il sembla qu'elle se mît à souffler d'un petit souffle court, ainsi qu'un cheval qui a peur. De profonds tressaillements la secouaient, elle se cabrait, ne continuait sa marche que sous la main volontaire du mécanicien. D'un geste, celui-ci avait ouvert la porte du foyer, pour que le chauffeur activât le feu. Et, maintenant, ce n'était plus une queue d'astre incendiant la nuit, c'était un panache de fumée noire, épaisse, qui salissait le grand frisson pâle du ciel. La Lison avançait. Enfin, il lui fallut entrer dans la tranchée. A droite et à gauche, les talus étaient noyés, et l'on ne distinguait plus rien de la voie, au fond. C'était comme un creux de torrent, où la neige dormait, à pleins bords. Elle s'y engagea, roula pendant une cinquantaine de mètres, d'une haleine éperdue, du plus en plus lente. La neige qu'elle repoussait, faisait une barre devant elle, bouillonnait et montait, en un flot révolté qui menaçait de l'engloutir. Un instant, elle parut débordée, vaincue. Mais, d'un dernier coup de reins, elle se délivra, avança de trente mètres encore. C'était la fin, la secousse de l'agonie : des paquets de neige retombaient, recouvraient les roues, toutes les pièces du mécanisme étaient envahies, liées une à une par des chaînes de glace. Et la Lison s'arrêta définitivement, expirante, dans le grand froid. Son souffle s'éteignit, elle était immobile, et morte. « Là, nous y sommes, dit Jacques. Je m'y attendais. « Tout de suite, il voulut faire machine arrière, pour tenter de nouveau la manoeuvre. Mais, cette fois, la Lison ne bougea pas. Elle refusait de reculer comme d'avancer, elle était bloquée de toutes parts, collée au sol, inerte, sourde. Derrière elle, le train, lui aussi, semblait mort, enfoncé dans l'épaisse couche jusqu'aux portières. La neige ne cessait pas, tombait plus drue, par longues rafales. Et c'était un enlisement, où machine et voitures allaient disparaître, déjà recouvertes à moitié, sous le silence frissonnant de cette solitude blanche. Plus rien ne bougeait, la neige filait son linceul. « Eh bien, ça recommence ? demanda le conducteur-chef en se penchant en dehors du fourgon. - Foutus ! « cria simplement Pecqueux. Cette fois, en effet, la position devenait critique. Le conducteur Carrière courut poser les pétards qui devaient protéger le train, en queue  tandis que le mécanicien sifflait éperdument, à coups pressés, le sifflet haletant et lugubre de la détresse. Mais la neige assourdissait l'air, le son se perdait, ne devait pas même arriver à Barentin. Que faire ? Ils n'étaient que quatre, jamais ils ne déblaieraient de pareils amas. Il aurait fallu toute une équipe. La nécessité s'imposait de courir chercher du secours. Et le pis était que la panique se déclarait de nouveau parmi les voyageurs. Une portière s'ouvrit, la jolie dame brune sauta, affolée, croyant à un accident. Son mari, le négociant âgé, qui la suivit, criait : « J'écrirai au ministre, c'est une indignité ! « Des pleurs de femmes, des voix furieuses d'hommes sortaient des voitures, dont les glaces se baissaient violemment. Et il n'y avait que les deux petites Anglaises qui s'égayaient, l'air tranquille, souriantes. Comme le conducteurchef tâchait de rassurer tout le monde, la cadette lui demanda, en français, avec un léger zézaiement britannique : « Alors, monsieur, c'est ici qu'on s'arrête ? « Plusieurs hommes étaient descendus, malgré l'épaisse couche où l'on enfonçait jusqu'au ventre. L'Américain se retrouva ainsi avec le jeune homme du Havre, tous deux s'étant avancés vers la machine, pour voir. Ils hochèrent la tête. « Nous en avons pour quatre ou cinq heures, avant qu'on la débarbouille de là-dedans. - Au moins, et encore faudrait-il une vingtaine d'ouvriers. « Jacques venait de décider le conducteur-chef à envoyer le conducteur d'arrière à Barentin, pour demander du secours. Ni lui, ni Pecqueux, ne pouvaient quitter la machine. L'employé s'éloigna, on le perdit bientôt de vue, au bout de la tranchée. Il avait quatre kilomètres à faire, il ne serait pas de retour avant deux heures peut-être. Et Jacques, désespéré,

« cabrait, necontinuait samarche quesous lamain volontaire dumécanicien.

D'ungeste, celui-ci avait ouvert laporte dufoyer, pourquelechauffeur activâtlefeu.

Et,maintenant, cen'était plus unequeue d'astre incendiant lanuit, c'était unpanache defumée noire,épaisse, qui salissait legrand frisson pâleduciel. La Lison avançait.

Enfin,illui fallut entrer danslatranchée.

Adroite etàgauche, lestalus étaient noyés,etl'on nedistinguait plusriendelavoie, aufond.

C'était comme uncreux de torrent, oùlaneige dormait, àpleins bords.

Elles'yengagea, roulapendant unecinquantaine de mètres, d'unehaleine éperdue, duplus enplus lente.

Laneige qu'elle repoussait, faisaitune barre devant elle,bouillonnait etmontait, enun flot révolté quimenaçait del'engloutir.

Un instant, elleparut débordée, vaincue.Mais,d'undernier coupdereins, ellesedélivra, avança de trente mètres encore. C'était lafin, lasecousse del'agonie : despaquets deneige retombaient, recouvraientlesroues, toutes lespièces dumécanisme étaientenvahies, liéesuneàune pardes chaînes deglace.

Etla Lison s'arrêta définitivement, expirante,danslegrand froid.Sonsouffle s'éteignit, elleétait immobile, etmorte. « Là, nous ysommes, ditJacques.

Jem'y attendais.

»Tout desuite, ilvoulut fairemachine arrière, pourtenter denouveau lamanœuvre.

Mais,cettefois,laLison nebougea pas.Elle refusait dereculer comme d'avancer, elleétait bloquée detoutes parts,collée ausol, inerte, sourde.

Derrière elle,letrain, luiaussi, semblait mort,enfoncé dansl'épaisse couchejusqu'aux portières.

Laneige necessait pas,tombait plusdrue, parlongues rafales.Etc'était un enlisement, oùmachine etvoitures allaientdisparaître, déjàrecouvertes àmoitié, sousle silence frissonnant decette solitude blanche. Plus riennebougeait, laneige filaitsonlinceul. « Eh bien, çarecommence ? demandaleconducteur-chef ensepenchant endehors du fourgon. – Foutus ! »cria simplement Pecqueux. Cette fois,eneffet, laposition devenait critique.Leconducteur Carrièrecourutposerles pétards quidevaient protéger letrain, enqueue  tandisquelemécanicien sifflaitéperdument, à coups pressés, lesifflet haletant etlugubre deladétresse.

Maislaneige assourdissait l'air,le son seperdait, nedevait pasmême arriver àBarentin.

Quefaire ? Ilsn'étaient quequatre, jamais ilsne déblaieraient depareils amas.Ilaurait fallutoute uneéquipe.

Lanécessité s'imposait decourir chercher dusecours.

Etlepis était quelapanique sedéclarait denouveau parmi lesvoyageurs. Une portière s'ouvrit,lajolie dame brune sauta, affolée, croyantàun accident.

Sonmari, le négociant âgé,quilasuivit, criait : « J'écrirai auministre, c'estuneindignité ! »Des pleurs defemmes, desvoix furieuses d'hommes sortaientdesvoitures, dontlesglaces sebaissaient violemment.

Etiln'y avait que les deux petites Anglaises quis'égayaient, l'airtranquille, souriantes.

Commeleconducteur- chef tâchait derassurer toutlemonde, lacadette luidemanda, enfrançais, avecunléger zézaiement britannique : « Alors, monsieur, c'esticiqu'on s'arrête ? »Plusieurs hommesétaientdescendus, malgré l'épaisse coucheoùl'on enfonçait jusqu'auventre.L'Américain seretrouva ainsiaveclejeune homme duHavre, tousdeux s'étant avancés verslamachine, pourvoir.Ilshochèrent latête. « Nous enavons pourquatre oucinq heures, avantqu'on ladébarbouille delà-dedans. – Au moins, etencore faudrait-il unevingtaine d'ouvriers.

»Jacques venaitdedécider le conducteur-chef àenvoyer leconducteur d'arrièreàBarentin, pourdemander dusecours.

Ni lui, niPecqueux, nepouvaient quitterlamachine. L'employé s'éloigna,onleperdit bientôt devue, aubout delatranchée.

Ilavait quatre kilomètres àfaire, ilne serait pasderetour avantdeuxheures peut-être.

EtJacques, désespéré,. »

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