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Edmond DE GONCOURT : Le romancier réaliste doit peindre aussi « les milieux d’éducation et de distinction »

Publié le 14/01/2018

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Edmond DE GONCOURT

Le romancier réaliste doit peindre aussi « les milieux d’éducation et de distinction »

 

Edmond de Goncourt rappeUe que son frère et lui ont été les initiateurs du naturalisme avec Germinie Lacerteux, et il invite les jeunes écrivains à s’écarter du cheiuin tracé par L'Assommoir, à élargir l'enquête sociale en la faisant porter sur les « milieux d'éducation et de distinction ». Lui-même en donnait l’exemple avec La Faustin et surtout Chérie.

 

On peut publier des Assommoir et des Germinie Lacerteux, et agiter et remuer et passionner une partie du public. Oui ! mais, pour moi, les succès de ces livres ne sont que de brillants combats d'avant-garde, • et la grande bataille qui décidera de la victoire du réalisme, du naturalisme, de l'étude d'après nature en littérature, ne se livrera pas sur le terrain que les auteurs de ces deux romans ont choisi. Le jour où l'analyse cruelle que mon ami, M. Zola, et peut-être moi-même, avons apportée dans la peinture du bas de la société, sera reprise par un écrivain de talent, et employée à la reproduction des hommes et des femmes du monde, dans des milieux d'éducation et de distinction — ce jour-là seulement, le classicisme et sa queue seront tués.

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« Ce roman réaliste de l'élégance , ça ava it été notre ambiti on à mon frère et à moi de l'éc rire .

Le réalis me, pour user du mot bête, du mot drapeau, n'a pas en effet l'unique mission de décrire ce qui est bas, ce qui est répugnant, ce qui pue ; il est venu au monde aussi , lui, pour dé finir, dans de l'écriture arti ste, ce qui est élevé, ce qui est joli, ce qui sent bon, et encore pour do nner les aspe cts et les profils des êtres raffinés et des choses riches : mais cela, en une étude appliqu ée, rigoureuse et non conven tionne lle et non imagina­ tive de la beauté , une étude pareille à celle que la nouvelle école vient de faire , en ces dernières années, de la laideur.

Mais pourquoi, me dira- t-on, ne l'avez-vous pas fait, ce roman ? ne l' avez-vous pas au moins tenté? Ah ! voilà ...

Nou s avons commencé, nous, par la cana ille, parce que la femme et l'homme du peup le, plus rapprochés de la nature et de la sauvager ie, sont des créatures simples et peu compli­ quées , tand is que le Parisien et la Pa risi enne de la soc iété , ces civilisés exces­ sifs, dont l'originalité tranchée est faite toute de nuances, toute de dem i­ tein tes, toute de ces riens insaisiss ables, pareils aux riens coquets et neutres avec lesquels se façonne le caractère d'une toilette distinguée de femme, demand ent des années pour qu' on les perce, pour qu' on les sache, pour qu' on les attrape, -et le roma ncier du plus grand génie, croyez-le bien, ne les dev inera jamais, ces gens de salon, avec les raco ntars d'amis qui vont pour lui à la découverte dans le monde.

Pu is autour de ce Parisien, de cette Parisie nne, tout est long, diffici le, dip loma tiquement laborieux à sa isir.

L'intérieur d'un ouvrier, d'une ouvr ière, un observateur l'emporte en une visite; un salon parisien, il faut user la so ie de ses fauteuils pour en surpren dre l'âm e et con fesser à fond son palis­ sand re ou son bois doré.

Donc ces hommes, ces femmes et même les milieux dans lesquels ils vive nt, ne peu vent se rendre qu'au moyen d'immenses emmagas inemen ts d' obser vations, d'inno mbrables notes prises à cou ps de lorgno n, de l' amas­ semen t d'u ne collection de documen ts humains, semblables à ces montagnes de calepins de poche qui repr ésen tent, à la mo rt d'un peintre , tous les croquis de sa vie.

Car seuls, diso ns-le bien haut, les docum ents huma ins font les bon s livres : les livres où il y a de la vraie humanité sur ses jambes .

Ce proj et de roman qui deva it se passer dans le grand monde, dans le monde le plus quintessenc ié, et dont nous rasse mblions lentement et minu­ tieus emen t les éléme nts délicats et fugaces , je l'abandon nais après la mor t de' mon frère, co nvaincu de l'impos sibilité de le réussir tout seul ...

puis je le reprena is ...

et ce sera le premier roman que je veux publier.

Mais le ferai-j e ma intenant à mon âge? c'est peu probable ...

et cette préface a pou r but de dire aux jeunes que le succès du réalisme est là, seule ment là, et non plus dans le can aille littéraire, épuisé à l'he ure qu'il est, par leurs devanc iers .

Quant aux Frères Zemgan no, le roman que je publie aujourd'hui : c' est une tentative dans une réalité poéti que .

Les lecteurs se plaignent des du res émotions que les écrivains contempor ains leur appor tent avec leur. »

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