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Eginhard, Vie de Charlemagne (extrait 1)

Publié le 13/04/2013

Extrait du document

Chef-d’œuvre de la renaissance carolingienne mal dégagé des modèles latins, la Vie de Charlemagne est un portrait vivant et une des premières œuvres historiques françaises. Eginhard écrit un panégyrique, montrant un empereur couvert de vertus et de gloire, chef d’État, guerrier, père, époux et ami parfait. Même si Eginhard livre de nombreux détails sur l’homme, son caractère, sa vie privée, ces informations doivent être modérées ; l’imitation des modèles latins (et particulièrement de Suétone et de sa Vie des douze Césars) altère le rendu historique : ainsi, la description physique de Charlemagne s’inspire-t-elle de phrases que Suétone a précédemment appliquées aux empereurs romains.

Portrait de Charlemagne

 

[22.] D’une large et robuste carrure, il était d’une taille élevée, sans rien d’excessif d’ailleurs, car il mesurait sept pieds de haut. Il avait le sommet de la tête arrondi, de grands yeux vifs, le nez un peu plus long que la moyenne, de beaux cheveux blancs, la physionomie gaie et ouverte. Aussi donnait-il, extérieurement, assis comme debout, une forte impression d’autorité et de dignité. On ne remarquait même pas que son cou était gras et trop court et son ventre trop saillant, tant étaient harmonieuses les proportions de son corps. Il avait la démarche assurée, une allure virile. La voix était claire, sans convenir cependant tout à fait à son physique. Doté d’une belle santé, il ne fut malade que dans les quatre dernières années de sa vie, où il fut pris de fréquents accès de fièvre et finit même par boiter. Mais il n’en faisait guère alors qu’à sa tête, au lieu d’écouter l’avis de ses médecins, qu’il avait pris en aversion parce qu’ils lui conseillaient de renoncer aux mets rôtis auxquels il était habitué et d’y substituer des mets bouillis.

 

 

Il s’adonnait assidûment à l’équitation et à la chasse. C’était un goût qu’il tenait de naissance, car il n’y a peut-être pas un peuple au monde qui, dans ces exercices, puisse égaler les Francs. Il aimait aussi les eaux thermales et s’y livrait souvent au plaisir de la natation, où il excellait au point de n’être surpassé par personne. C’est ce qui l’amena à bâtir un palais à Aix et à y résider constamment dans les dernières années de sa vie. Quand il se baignait, la société était nombreuse : outre ses fils, ses grands, ses amis et même de temps à autre la foule de ses gardes du corps étaient conviés à partager ses ébats et il arrivait qu’il y eût dans l’eau avec lui jusqu’à cent personnes ou même davantage.

 

 

[23.] Il portait le costume national des Francs : sur le corps, une chemise et un caleçon de toile de lin ; par-dessus, une tunique bordée de soie et une culotte ; des bandelettes autour des jambes et des pieds ; un gilet en peau de loutre ou de rat lui protégeait en hiver les épaules et la poitrine ; il s’enveloppait d’une saie bleue et avait toujours suspendu au côté un glaive dont la poignée et le baudrier étaient d’or ou d’argent. Parfois il ceignait une épée ornée de pierreries, mais seulement les jours de grandes fêtes ou quand il avait à recevoir des ambassadeurs étrangers. Mais il dédaignait les costumes des autres nations, même les plus beaux, et, quelles que fussent les circonstances, se refusait à les mettre. Il ne fit d’exception qu’à Rome où, une première fois à la demande du pape Hadrien et une seconde fois sur les instances de son successeur Léon, il revêtit la longue tunique et la chlamyde et chaussa des souliers à la mode romaine. Les jours de fête, il portait un vêtement tissé d’or, des chaussures décorées de pierreries, une fibule d’or pour agrafer sa saie, un diadème du même métal et orné lui aussi de pierreries ; mais les autres jours, son costume différait peu de celui des hommes du peuple ou du commun.

 

 

Source : Eginhard, Vie de Charlemagne, trad. par Louis Halphen, Paris, Belles-Lettres, 1938.

 

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