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ELOA (1823). Alfred de VIGNY

Publié le 09/07/2011

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vigny

Comme dans Moïse, l'intention philosophique apparaît nettement dans Eloa, poème de la pitié pour le mal. Il comprend trois chants, d'une médiocre étendue. Eloa est un ange né d'une larme du Christ. Elle entend parler d'un archange, dont l'orgueil indomptable s'est révolté, et qui, pour cette rébellion, a été exilé au fond des enfers. Dès lors, Eloa n'a plus, qu'une pensée : ramener au bien cette âme égarée. Elle vole vers l'endroit maudit. Mais l'ange est déchu ; son grossier langage trouble Eloa, qui s'efforce de faire pénétrer dans son cœur le langage des cieux. Satan, un moment ému, a failli céder au charme de sa pureté ; mais il se redresse bientôt de tout son orgueil. Il n'a plus qu'une pensée : rendre indigne des cieux celle qui a voulu le sauver. Il l'entoure de séductions, et finalement. l'entraîne comme une proie. Le tentateur sera-t-il du moins console par le succès de sa séduction ? La victime le lui demande :

— Seras-tu plus heureux ? du moins es tu content ? — Plus triste que jamais. — Qui donc es tu ? — Satan.

— Ce n'est pas impunément que les grandes âmes, même par pitié, se penchent vers le mal. C'est la seule pensée morale qui se dégage de ce poème, qui n'est, sous sa parure littéraire souvent fort belle, qu'un caprice répugnant comme donnée première, indécis et malsain comme dernière impression. Citons ce court passage, la Mort de l'Aigle des Asturies et les Regrets de Satan.

Sur la neige des monts, couronne des hameaux, L'Espagnol a blessé l'aigle des Asturies, Dont le vol menaçait ses blanches bergeries ; Hérissé, l'oiseau part, et fait pleuvoir le sang, Monte aussi vite au ciel que l'éclair en descend, Regarde son soleil, d'un bec ouvert l'aspire, Croit reprendre la vie au flamboyant empire ; Dans un fluide d'or il nage puissamment, Et parmi les rayons se balance un moment : Mais l'homme l'a frappé d'une atteinte trop sûre ; Il sent le plomb chasseur fondre dans sa blessure ; Son aile se dépouille, et son royal manteau Vole comme un duvet qu'arrache le couteau. Dépossédé des airs, son poids le précipite ; Dans la neige du mont il s'enfonce et palpite, Et la glace terrestre a d'un pesant sommeil Fermé cet œil puissant respecté du soleil. Tel retrouvant ses maux au fond de sa mémoire, L'Ange maudit pencha sa chevelure noire, Influence de Vigny sur Lamartine et V. Hugo : Il est évident que, dans Eloa, Vigny à offert à Lamartine un premier crayon de la Chute d'un Ange, à V. Hugo quelques traits pour la Fin de Satan Dans ses pièces historiques (Moïse, Colère de Samson, la Prison, etc.), il devance et inspire peut-être la Légende des siècles. — Et se dit, pénétré d'un chagrin infernal : « Triste amour du péché ! sombres désirs du mal ! De l'orgueil, du savoir gigantesques pensées! Gomment ai-je connu vos ardeurs insensées ? Maudit soit le moment où j'ai mesuré Dieu ! Simplicité du cœur, à qui j'ai dit adieu, Je tremble devant toi, mais pourtant je t'adore ; Je suis moins criminel, puisque je t'aime encore, Mais dans mon sein flétri tu ne reviendras pas ! Loin de ce que j'étais, quoi! j'ai fait tant de pas! Et de moi-même à moi, si grande est la distance Que je ne comprends plus ce que dit l'innocence ; Je souffre, et mon esprit par le mal abattu Ne peut plus remonter jusqu'à tant de vertu.

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