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- En cela vous vous trompez, monsieur, reprit le docteur.

Publié le 01/11/2013

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- En cela vous vous trompez, monsieur, reprit le docteur. Tous ces actes pourront s'accomplir même dans l'état de veille, et sans que ce gardien en ait conscience ! - Quoi, vous prétendez ?... - Je prétends ceci et je l'affirme : sous cette influence, un prisonnier peut dire à son gardien : « Tel jour, à telle heure, tu feras telle chose «, et il la fera ! « Tel jour, tu m'apporteras les clefs de ma cellule «, et il les apportera ! « Tel jour tu ouvriras la porte du préside «, et il l'ouvrira ! « Tel jour, je passerai devant toi, et tu ne me verras pas passer ! « - Étant éveillé !... - Absolument éveillé !... « À cette affirmation du docteur, un mouvement d'incrédulité, peu dissimulé, se fit dans toute l'assistance. « Rien n'est plus certain, cependant, dit alors Pierre Bathory, et moi-même, j'ai été témoin de pareils faits. - Ainsi, dit le gouverneur, on peut supprimer la matérialité d'une personne aux regards d'une autre ? - Entièrement, répondit le docteur, comme on peut, chez certains sujets, provoquer des altérations des sens telles qu'ils prendront du sel pour du sucre, du lait pour du vinaigre, ou de l'eau ordinaire pour des eaux purgatives dont ils éprouveront les effets ! Rien n'est impossible en fait d'illusions ou d'hallucinations, quand le cerveau est soumis à cette influence. - Docteur Antékirtt, dit alors le gouverneur, je crois répondre au sentiment général de mes invités en vous disant que ces choses-là, il faut les avoir vues pour les croire ! - Et encore !... ajouta une des personnes présentes, qui crut devoir faire cette restriction. - Il est donc fâcheux, reprit le gouverneur, que le peu de temps que vous avez à nous donner, à Ceuta, ne vous permette pas de nous convaincre par l'expérience. - Mais... je le puis... répondit le docteur. - À l'instant ? - À l'instant, si vous le voulez ! - Comment donc !... Vous n'avez qu'à parler ! - Vous n'avez point oublié, monsieur le gouverneur, reprit le docteur, qu'un des condamnés du préside a été trouvé sur la route de la résidence, il y a trois jours, dormant d'un sommeil qui, je vous l'ai dit, n'était autre que le sommeil magnétique ? - En effet, dit le directeur du pénitencier, et, même, cet homme est maintenant à l'hôpital. - Vous vous souvenez aussi que c'est moi qui l'ai réveillé, alors qu'aucun des gardiens n'avait pu y réussir ? - Parfaitement. - Eh bien, cela a suffi à créer entre moi et ce déporté... - Comment se nomme-t-il ? - Carpena. - ... Entre moi et ce Carpena un lien de suggestion qui le met sous ma domination absolue. - Quand il est en votre présence ?... - Même lorsque nous sommes séparés l'un de l'autre ! - Vous étant ici, à la résidence, et lui là-bas, à l'hôpital ?... demanda le gouverneur. - Oui, et si vous voulez donner l'ordre qu'on le laisse libre, ce Carpena, qu'on ouvre devant lui les portes de l'hôpital et du pénitencier, savez-vous ce qu'il fera ?... - Eh ! il se sauvera ! « répondit en riant le gouverneur. Et il faut avouer que son rire fut si communicatif que toute l'assistance s'y associa. « Non, messieurs, reprit très sérieusement le docteur Antékirtt, ce Carpena ne se sauvera que si je veux qu'il se sauve, et ne fera que ce que je voudrai qu'il fasse ! - Et quoi, s'il vous plaît ? - Par exemple, une fois hors de prison, je puis lui ordonner de prendre le chemin de la résidence, monsieur le gouverneur. - Et de venir ici ? - Ici même, et, si je le veux, il insistera pour vous parler. - À moi ? - À vous, et, si vous n'y voyez pas d'inconvénient, puisqu'il obéira à toutes mes suggestions, je lui suggérerai la pensée de vous prendre pour un autre personnage... tenez !... pour le roi Alphonse XII. - Pour sa Majesté le roi d'Espagne ? - Oui, monsieur le gouverneur, et il vous demandera... - Sa grâce ? - Sa grâce ; et, si vous n'y voyez pas d'inconvénient, la croix d'Isabelle par-dessus le marché ! « Quel nouvel et général éclat de rire accueillit les dernières paroles du docteur Antékirtt ! « Et cet homme sera éveillé en faisant cela ? ajouta le directeur du pénitencier. - Aussi éveillé que nous le sommes ! - Non !... Non !... Ce n'est pas croyable, ce n'est pas possible ! s'écria le gouverneur. - Faites-en l'expérience !... Ordonnez qu'on laisse à ce Carpena toute liberté d'agir !... Pour plus de sûreté, quand il aura quitté le pénitencier, recommandez qu'un ou deux gardiens le suivent de loin... Il fera tout ce que je viens de vous dire ! - C'est convenu, et quand vous voudrez... - Il est bientôt huit heures, répondit le docteur, en consultant sa montre. Eh bien, à neuf heures ? - Soit, et, après l'expérience ?... - Après l'expérience, Carpena rentrera tranquillement à l'hôpital, sans même conserver le plus léger souvenir de ce qui se sera passé. Je vous le répète, - et c'est la seule explication que l'on puisse donner de ce phénomène, - Carpena sera sous une influence suggestive, venant de ma part, et, en réalité, ce ne sera pas lui qui fera toutes ces choses, ce sera moi ! « Le gouverneur, dont l'incrédulité à propos de ces phénomènes était manifeste, écrivit un billet qui prescrivait au gardien-chef du préside de laisser au condamné Carpena toute liberté d'agir, en se contentant de le faire suivre à distance. Puis, ce billet fut immédiatement porté au pénitencier par un des cavaliers de la résidence. Le dîner étant terminé, les convives se levèrent, et, sur l'invitation du gouverneur, passèrent dans le grand salon. Naturellement, la conversation continua sur les divers phénomènes du magnétisme ou de l'hypnotisme, qui donnent lieu à tant de controverses, qui comptent tant de croyants et tant d'incrédules. Le docteur Antékirtt, pendant que les tasses de café circulaient au milieu de la fumée des cigares et des cigarettes que les Espagnoles elles-mêmes ne dédaignent pas, raconta vingt faits dont il avait été le témoin ou l'auteur, pendant l'exercice de sa profession, tous probants, tous indiscutables, mais qui ne parurent convaincre personne. Il ajouta aussi que cette faculté de suggestion devrait très sérieusement préoccuper les législateurs, les criminalistes et les magistrats, car elle pouvait être exercée dans un but criminel. Incontestablement, grâce à ces phénomènes, il se produirait des cas où bien des crimes pourraient être commis, dont il serait presque impossible de découvrir les auteurs. Tout à coup, à neuf heures moins vingt-sept minutes, le docteur, s'interrompant, dit : « Carpena quitte en ce moment l'hôpital ! « Et, une minute après, il ajouta : « Il vient de passer la porte du pénitencier ! « Le ton avec lequel ces paroles furent prononcées ne laissa pas d'impressionner singulièrement les invités de la résidence. Seul, le gouverneur continuait à hocher la tête. Puis la conversation reprit pour et contre, tous parlant un peu à la fois, jusqu'au moment - il

« résidence, monsieurlegouverneur. – Et devenir ici ? – Ici même, et,sije leveux, ilinsistera pourvousparler. – À moi ? – À vous, et,sivous n’yvoyez pasd’inconvénient, puisqu’ilobéiraàtoutes messuggestions, je lui suggérerai lapensée devous prendre pourunautre personnage… tenez !…pourleroi Alphonse XII. – Pour saMajesté leroi d’Espagne ? – Oui, monsieur legouverneur, etilvous demandera… – Sa grâce ? – Sa grâce ; et,sivous n’yvoyez pasd’inconvénient, lacroix d’Isabelle par-dessus lemarché ! » Quel nouvel etgénéral éclatderire accueillit lesdernières parolesdudocteur Antékirtt ! « Et cethomme seraéveillé enfaisant cela ?ajouta ledirecteur dupénitencier. – Aussi éveilléquenous lesommes ! – Non !… Non !…Cen’est pascroyable, cen’est paspossible ! s’écrialegouverneur. – Faites-en l’expérience !… Ordonnezqu’onlaisseàce Carpena touteliberté d’agir !… Pourplus de sûreté, quandilaura quitté lepénitencier, recommandez qu’unoudeux gardiens lesuivent de loin… Ilfera tout ceque jeviens devous dire ! – C’est convenu, etquand vousvoudrez… – Il est bientôt huitheures, répondit ledocteur, enconsultant samontre.

Ehbien, àneuf heures ? – Soit, et,après l’expérience ?… – Après l’expérience, Carpenarentreratranquillement àl’hôpital, sansmême conserver leplus léger souvenir decequi sesera passé.

Jevous lerépète, –et c’est laseule explication quel’on puisse donner decephénomène, –Carpena serasous uneinfluence suggestive, venantdema part, et,enréalité, cene sera pasluiqui fera toutes ceschoses, cesera moi ! » Le gouverneur, dontl’incrédulité àpropos deces phénomènes étaitmanifeste, écrivitunbillet qui prescrivait augardien-chef dupréside delaisser aucondamné Carpenatouteliberté d’agir, en secontentant delefaire suivre àdistance.

Puis,cebillet futimmédiatement portéau pénitencier parundes cavaliers delarésidence. Le dîner étant terminé, lesconvives selevèrent, et,sur l’invitation dugouverneur, passèrent dans legrand salon. Naturellement, laconversation continuasurlesdivers phénomènes dumagnétisme oude l’hypnotisme, quidonnent lieuàtant decontroverses, quicomptent tantdecroyants ettant d’incrédules.

Ledocteur Antékirtt, pendantquelestasses decafé circulaient aumilieu dela fumée descigares etdes cigarettes quelesEspagnoles elles-mêmes nedédaignent pas,raconta vingt faitsdont ilavait étéletémoin oul’auteur, pendantl’exercice desaprofession, tous probants, tousindiscutables, maisquineparurent convaincre personne. Il ajouta aussiquecette faculté desuggestion devraittrèssérieusement préoccuperles législateurs, lescriminalistes etles magistrats, carelle pouvait êtreexercée dansunbut criminel.

Incontestablement, grâceàces phénomènes, ilse produirait descasoùbien des crimes pourraient êtrecommis, dontilserait presque impossible dedécouvrir lesauteurs. Tout àcoup, àneuf heures moinsvingt-sept minutes,ledocteur, s’interrompant, dit : « Carpena quitteencemoment l’hôpital ! » Et, une minute après,ilajouta : « Il vient depasser laporte dupénitencier ! » Le ton avec lequel cesparoles furentprononcées nelaissa pasd’impressionner singulièrement les invités delarésidence.

Seul,legouverneur continuaitàhocher latête. Puis laconversation repritpouretcontre, tousparlant unpeu àla fois, jusqu’au moment –il. »

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