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enfance, est tel qu'il ne souhaite ni puissance ni richesse.

Publié le 04/11/2013

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enfance, est tel qu'il ne souhaite ni puissance ni richesse. Peu à peu, à mesure qu'il s'est éloigné de ses cours des Miracles, il a découvert qu'il ne haïssait point le bonheur des riches, mais le respect qu'ils avaient d'eux-mêmes. « Un pauvre, dit-il encore, ne peut pas s'estimer. » Cela, il l'accepterait s'il pensait avec ses ancêtres que son existence n'est pas limitée au cours de sa vie particulière. Mais, attaché au présent de toute la force que lui donne sa découverte de la mort, il n'accepte plus, ne cherche plus, ne discute plus ; il hait. Il voit dans la misère une sorte de démon doucereux, sans cesse occupé à prouver à l'homme sa bassesse, sa lâcheté, sa faiblesse, son aptitude à 'avilir. Sans nul doute, il hait avant tout l'homme qui se respecte, qui est sûr de lui-même ; impossible d'être plus rofondément révolté contre sa race. C'est son dégoût de la respectabilité, vertu chinoise par excellence, qui l'a conduit dans les rangs des révolutionnaires. Comme tous ceux que la passion anime, il s'exprime avec force, ce qui ui donne de l'autorité ; et cette autorité est accrue par le caractère extrême de sa haine des idéalistes -- de Tcheng-Daï en particulier -- à laquelle on prête à tort des causes politiques. Il hait les idéalistes parce qu'ils rétendent « arranger les choses ». Il ne veut point que les choses soient arrangées. Il ne veut point abandonner, au énéfice d'un avenir incertain, sa haine présente. Il parle avec rage de ceux qui oublient que la vie est unique, et proposent aux hommes de se sacrifier pour leurs enfants. Lui, Hong, n'est point de ceux qui ont des enfants, ni de ceux qui se sacrifient, ni de ceux qui ont raison pour d'autres qu'eux-mêmes. Que Tcheng-Daï, dit-il, cherchant comme d'autres sa nourriture auprès des égouts, ait donc le plaisir d'entendre un honorable vieillard lui parler de la justice ! Il ne veut voir dans le vieux chef tourmenté que celui qui prétend, au nom de la justice, le frustrer de sa vengeance. Et, pensant aux confuses confidences de Rebecci, il juge que trop d'hommes se sont laissé détourner de leur seule vocation par l'ombre d'un idéal quelconque. Il entend ne pas terminer sa vie en louant des oiseaux mécaniques, ne pas laisser l'âge s'imposer à lui. Ayant entendu réciter ce poème d'un Chinois du Nord : Je combats seul et gagne ou perds Je n'ai besoin de personne pour me rendre libre. Je ne veux pas que nul Jésus-Christ pense Qu'il pût jamais mourir pour moi, il s'est hâté de l'apprendre par coeur. L'influence de Rebecci, puis celle de Garine, n'ont fait que développer le besoin qu'il a d'un réalisme furieux, tout entier soumis à la haine. Il considère sa vie comme pourrait le faire un phtisique encore plein de force, mais sans espoir ; et, dans l'ensemble extrêmement trouble de ses sentiments la haine met un ordre sauvage, brutal, et prend le caractère d'un devoir. Seule, l'action au service de la haine n'est ni mensonge, ni lâcheté, ni faiblesse ; seule, elle s'oppose suffisamment aux mots. C'est ce besoin d'action qui a fait de lui notre allié ; mais il trouve que l'Internationale agit trop lentement, qu'elle ménage trop de gens ; par deux fois, cette semaine, il a fait assassiner des hommes qu'elle voulait protéger. « Chaque meurtre accroît la confiance qu'il a en lui, dit Garine, et il prend peu à peu conscience de ce qu'il est profondément : un anarchiste. La rupture entre nous est prochaine. Pourvu qu'elle ne se produise pas trop tôt ! » Et après un court silence : « Il est peu d'ennemis que je comprenne mieux... » Le lendemain. Quand j'entre dans le bureau de Garine, Klein et Borodine causent, assis l'un en face l'autre près de la porte. Ils surveillent obliquement Hong, debout au milieu de la pièce, qui, les mains dans ses poches, discute avec Garine. Borodine s'est levé ce matin : jaune, amaigri, il semble Chinois, aujourd'hui. Quelque chose, dans l'atmosphère, dans l'attitude des hommes, dit l'hostilité, presque l'altercation. Hong parle avec son accent marqué par saccades, sans bouger. Devant le mouvement brutal de ses mâchoires (il parle comme s'il mordait) je songe soudain à la phrase que me rapportait Gérard : « Quand j'aurai été condamné à la peine capitale... » « -- En France, est-il en train de dire, on n'osait pas couper la tête du roi, hein ? On l'a fait, à la fin. Et la France n'est pas morte. Il faut commencer par guillotiner le roi, toujours. -- Pas quand il paye. -- Quand il paye. Et quand il ne paye pas. Et que m'importe qu'il paye ? -- Il nous importe, à nous. Attention, Hong : une action terroriste dépend de la police qu'elle trouve en face d'elle... -- Quoi ? Garine répète sa phrase. Hong semble avoir compris, mais il est toujours immobile et regarde le carrelage, le front en avant. -- Chaque chose en son temps, ajoute Garine. La révolution n'est pas si simple. -- Oh ! la révolution... -- La révolution, dit Borodine brusquement, en se retournant, c'est payer l'armée ! -- Alors, ce n'est pas du tout digne d'intérêt. Choisir ? Pourquoi ? Parce qu'il y a plus de justice chez vous ? Je laisse ces soucis au respectable Tcheng-Daï. Son âge les excuse. Ils conviennent à ce nuisible vieillard. La Politique ne m'intéresse pas. -- C'est ça, c'est ça, répond Garine. Des discours ! Sais-tu ce que font les directeurs des grandes agences de Hongkong, en ce moment ? Ils font queue chez le gouverneur pour obtenir des subventions, et les banques refusent de fournir les sommes demandées. Sur le port, les « gens distingués » coltinent des paquets (comme des oies, d'ailleurs). Nous ruinons Hongkong, nous faisons un petit port de l'un des plus riches territoires de la couronne -- sans parler de l'exemple. Toi, qu'est-ce que tu fais ? Hong, d'abord, se tait. Mais, à la façon dont il regarde Garine, je sens qu'il va parler. Enfin, il se décide : -- Tout état social est une saloperie. Sa vie unique. Ne pas la perdre. Voilà. Mais c'est là une sorte de préliminaire... -- Après ? dit Borodine. -- Ce que je fais, vous demandez ? Il s'est tourné vers Borodine et le regarde en face, cette fois. -- Ce que vous n'osez pas faire. Crever de travail des hommes pauvres, cela est très honteux, faire tuer par de pauvres bougres les ennemis du parti, cela est bien. Mais se bien garder d'aller salir ses mains à de semblables choses, cela est bien aussi, hein ? -- J'ai peur, peut-être ? répond Borodine, en qui la colère commence à monter. -- De vous faire tuer, non. Et, secouant la tête de haut en bas : -- Du reste, oui. -- Chacun son rôle ! -- Ha ! C'est le mien, hein ? En lui aussi la colère monte, et son accent devient de plus en plus marqué. -- Croyez-vous que je n'éprouve pas de répulsion ? Moi, c'est parce que cela m'est pénible que je ne le fais pas oujours faire aux autres, vous entendez ? Oui, vous regardez Monsieur Klein. Il a supprimé un Haute-Noblesse, je sais. Je lui ai demandé... Laissant là sa phrase, il regarde alternativement Borodine et Klein, et rit, nerveusement. -- Tous les bourgeois ils ne sont pas patrons d'usine » murmure-t-il. Puis, tout à coup, il hausse violemment les épaules et s'en va presque en courant, claquant la porte. Silence. -- Ça ne va pas mieux, dit Garine. -- Que penses-tu qu'il fasse ? demande Klein. -- À l'égard de Tcheng-Daï ? Tcheng-Daï a presque demandé sa tête... Et, après avoir réfléchi : -- Il m'a compris lorsque je lui ai dit : une action terroriste doit compter avec la police que les terroristes rouvent en face d'eux. Donc, il va essayer d'en finir avec Tcheng-Daï le plus tôt possible... C'est très probable. Mais, partir d'aujourd'hui, nous allons être visés nous-mêmes... Au premier de ces messieurs... Borodine, mordant sa moustache et bouclant son ceinturon qui le gêne, se lève et part. Nous le suivons. Plaqué ontre l'ampoule électrique, un gros papillon projette sur le mur une large tache noire. 9 heures. Sans doute les paroles de Myroff ont-elles laissé Garine inquiet, car, pour la première fois, il fait allusion à sa maladie, sans que je l'interroge. « La maladie, mon vieux, la maladie, on ne peut pas savoir ce que c'est quand on n'est pas malade. On croit que c'est une chose contre laquelle on lutte, une chose étrangère. Mais non : la maladie, c'est soi, soi-même... Enfin, dès ue la question de Hongkong sera résolue... » Après le dîner, un télégramme est arrivé : l'armée de Tcheng-Tioung-Ming a quitté Waïtchéou et marche sur anton. J'apprends en me réveillant que Garine, après une crise, a été emmené à l'hôpital cette nuit. Je pourrai aller le oir à partir de six heures. Hong et les anarchistes annoncent que des réunions auront lieu cet après-midi, dans les salles dont disposent les rincipaux syndicats. Hong lui-même prononcera un discours à la réunion de « La Jonque », la plus puissante société e coolies du port de Canton, et à celles de quelques sociétés secondaires. Borodine a désigné pour lui répondre

« — La révolution, ditBorodine brusquement, enseretournant, c’estpayer l’armée ! — Alors, cen’est pasdutout digne d’intérêt.

Choisir ?Pourquoi ? Parcequ’ilya plus dejustice chezvous ? Je laisse cessoucis aurespectable Tcheng-Daï.

Sonâgelesexcuse.

Ilsconviennent àce nuisible vieillard.

LaPolitique ne m’intéresse pas. — C’est ça,c’est ça,répond Garine.

Desdiscours ! Sais-tuceque font lesdirecteurs desgrandes agences de Hongkong, encemoment ? Ilsfont queue chezlegouverneur pourobtenir dessubventions, etles banques refusent de fournir lessommes demandées.

Surleport, les« gens distingués » coltinentdespaquets (comme desoies, d’ailleurs).

Nousruinons Hongkong, nousfaisons unpetit portdel’un desplus riches territoires delacouronne — sans parler del’exemple.

Toi,qu’est-ce quetufais ? Hong, d’abord, setait.

Mais, àla façon dontilregarde Garine,jesens qu’ilvaparler.

Enfin,ilse décide : — Tout étatsocial estune saloperie.

Savie unique.

Nepas laperdre.

Voilà. Mais c’estlàune sorte depréliminaire… — Après ? ditBorodine. — Ce quejefais, vous demandez ? Il s’est tourné versBorodine etleregarde enface, cette fois. — Ce quevous n’osez pasfaire.

Crever detravail deshommes pauvres,celaesttrès honteux, fairetuerparde pauvres bougres lesennemis duparti, celaestbien.

Maissebien garder d’allersalirsesmains àde semblables choses, celaestbien aussi, hein ? — J’ai peur,peut-être ? répondBorodine, enqui lacolère commence àmonter. — De vousfairetuer, non. Et, secouant latête dehaut enbas : — Du reste, oui. — Chacun sonrôle ! — Ha ! C’estlemien, hein ? En luiaussi lacolère monte, etson accent devient deplus enplus marqué. — Croyez-vous quejen’éprouve pasderépulsion ? Moi,c’est parce que cela m’est pénible quejene lefais pas toujours faireauxautres, vousentendez ? Oui,vous regardez Monsieur Klein.Ilasupprimé unHaute-Noblesse, je sais.

Jelui aidemandé… Laissant làsa phrase, ilregarde alternativement BorodineetKlein, etrit, nerveusement. — Tous lesbourgeois ilsne sont paspatrons d’usine » murmure-t-il. Puis, toutàcoup, ilhausse violemment lesépaules ets’en vapresque encourant, claquant laporte. Silence. — Ça nevapas mieux, ditGarine. — Que penses-tu qu’ilfasse ? demande Klein. — À l’égard deTcheng-Daï ? Tcheng-Daïapresque demandé satête… Et, après avoirréfléchi : — Il m’acompris lorsquejelui aidit : uneaction terroriste doitcompter aveclapolice quelesterroristes trouvent enface d’eux.

Donc,ilva essayer d’enfiniravec Tcheng-Daï leplus tôtpossible… C’esttrèsprobable.

Mais, à partir d’aujourd’hui, nousallons êtrevisés nous-mêmes… Aupremier deces messieurs… Borodine, mordantsamoustache etbouclant sonceinturon quilegêne, selève etpart.

Nous lesuivons.

Plaqué contre l’ampoule électrique, ungros papillon projette surlemur unelarge tache noire.9 heures . Sans doute lesparoles deMyroff ont-elles laisséGarine inquiet, car,pour lapremière fois,ilfait allusion àsa maladie, sansquejel’interroge. « La maladie, monvieux, lamaladie, onnepeut passavoir ceque c’est quand onn’est pasmalade.

Oncroit que c’est unechose contre laquelle onlutte, unechose étrangère.

Maisnon : lamaladie, c’estsoi,soi-même… Enfin,dès que laquestion deHongkong serarésolue… » Après ledîner, untélégramme estarrivé : l’armée deTcheng-Tioung-Ming aquitté Waïtchéou etmarche sur Canton.

J’apprends enme réveillant queGarine, aprèsunecrise, aété emmené àl’hôpital cettenuit.Jepourrai allerle voir àpartir desix heures. Hong etles anarchistes annoncentquedesréunions aurontlieucetaprès-midi, danslessalles dontdisposent les principaux syndicats.Honglui-même prononcera undiscours àla réunion de« La Jonque », laplus puissante société de coolies duport deCanton, etàcelles dequelques sociétéssecondaires.

Borodineadésigné pourluirépondre. »

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