Devoir de Philosophie

Entretien avec Jack Lemmon - anthologie du cinéma.

Publié le 19/05/2013

Extrait du document

Entretien avec Jack Lemmon - anthologie du cinéma. Dans cet entretien réalisé lors d'un festival de cinéma à Cuba et publié dans le magazine The Cineaste en 1985, le célèbre acteur américain parle de sa longue carrière et de sa méthode de travail, il évoque aussi le charme de l'île et la nécessité d'un rapprochement entre cubains et nord-américains. Entretien avec Jack Lemmon (extrait) Jack Lemmon est l'un des acteurs américains les plus accomplis et aussi l'un de ceux au talent le plus varié. Il a été proposé huit fois pour les récompenses de meilleur acteur ou de meilleur second rôle par l' Academy or Motion Picture Arts and Sciences [Académie des arts et des techniques du cinéma : organisme émanant des professionnels du cinéma américain qui délivre les oscars] ; seuls deux autres acteurs ont été aussi souvent proposés pour ces récompenses : sir Laurence Olivier et le défunt Spencer Tracy. Il a reçu un oscar dans chacune de ces deux catégories, comme meilleur second rôle pour Mr. Roberts (Permission jusqu'à l'aube -- 1955) et comme meilleur acteur pour Save the Tiger (Sauvez le tigre -- 1973). Bien qu'il ait surtout été connu à ses débuts pour ses rôles comiques dans des films comme Operation Mad Ball (le Bal des cinglés -- 1957) et Some Like It Hot (Certains l'aiment chaud -- 1959), son rôle dans Days of Wine and Roses (le Jour du vin et des roses -- 1962), qui lui valut d'être proposé pour un oscar, le fit également reconnaître du public comme acteur dramatique, et il a depuis alterné avec succès rôles comiques et rôles dramatiques. En décembre 1985, Jack Lemmon a accepté une invitation à venir participer à La Havane (Cuba) au septième festival annuel du nouveau cinéma latino-américain. Trois de ses films -- Missing, le Syndrome chinois et Certains l'aiment chaud -- y ont fait l'objet de projections spéciales. Pendant ce séjour d'une semaine, il a rencontré des réalisateurs et d'autres artistes cubains ainsi que Fidel Castro, le président cubain. En outre, devant un parterre de plus de cinq mille personnes l'applaudissant debout, au Théâtre Karl Marx, il a reçu de l'Institut du cinéma cubain un prix spécial pour l'ensemble de son oeuvre. Pendant le festival, Jack Lemmon a reçu Gary Crowdus et Dan Georgakas, de The Cineaste. Le compte rendu de cette interview, que voici, reprend également certaines réponses de Jack Lemmon aux questions qui lui ont été posées lors d'une conférence de presse tenue dans le cadre du festival. The Cineaste : Qu'aimeriez-vous que les Américains pensent de votre visite à Cuba ? Jack Lemmon : J'espère que ma venue ici, et bien sûr aussi celle de Robert De Niro, Treat Williams, Christopher Walken et Harry Belafonte, aidera nos compatriotes à comprendre qu'il devrait y avoir un échange culturel entre les ÉtatsUnis et Cuba, un échange entre nos peuples, qui pourrait permettre de relâcher les tensions qui peuvent exister entre nos deux pays. Je suis loin d'être un expert en politique, simplement, en tant qu'être humain, il me semble tout à fait logique que les gens ne puissent pas commencer à se comprendre vraiment s'ils n'ont aucun contact les uns avec les autres. Sinon, à quoi bon une rencontre au sommet. Il y a eu Gorby et Ronny... et maintenant il y a Fidy et Jacky ! Plaisanterie mise à part, si je suis ici, c'est surtout parce qu'on m'y a invité. Je suis fier et honoré d'être ici, mais j'espère vraiment que cette visite aura un résultat pour d'autres que moi. J'aimerais que plus de gens se rendent compte que nous devrions faire ça partout dans le monde, pour nous rapprocher le plus possible les uns des autres. Et ça, ça va bien au-delà de la politique, ça a à faire avec les gens. The Cineaste : Pensez-vous qu'il y aura aux États-Unis des réactions négatives à votre visite ici ? Jack Lemmon : Je pense qu'il se trouvera toujours une poignée d'Américains ou de journaux américains très conservateurs pour critiquer ma venue ici, mais je pense aussi que cela n'a pas d'importance. C'est sans conséquence pour moi personnellement, et cela n'a aucun poids en regard de l'importance de ma présence à Cuba. The Cineaste : Au début de votre carrière, vous n'étiez connu que pour vos rôles dans des comédies légères, mais depuis vous avez rencontré le succès dans des films aussi bien dramatiques que comiques. Jack Lemmon : L'une des difficultés pour les acteurs du cinéma américain, c'est qu'ils sont très vite catalogués. Il s'est trouvé que les premiers films que j'ai tournés ont été des comédies, et que Permission jusqu'à l'aube, mon troisième ou quatrième film, a eu beaucoup de succès. Le problème, c'est qu'à partir de ce moment-là, tout le monde m'a considéré comme un acteur comique et rien d'autre. Il m'a fallu longtemps pour décrocher un rôle dramatique bien écrit et intéressant. Celui que j'ai joué dans le Jour du vin et des roses, qui racontait l'histoire d'un alcoolique, a été le premier, et, heureusement, grâce à lui on a commencé à ne plus penser à moi qu'en termes de comédie. Cela fait maintenant quelques années qu'on me propose aussi bien des rôles dramatiques que des rôles comiques, mais en général les acteurs se retrouvent coincés dans l'un ou dans l'autre de ces emplois. L'autre problème, c'est que bien trop souvent, que ce soit au théâtre ou au cinéma, nous avons tendance à oublier que, par la force des choses, comédie et tragédie sont inextricablement mêlées dans notre vie quotidienne. C'est le cas en particulier pour le cinéma américain, où on a tendance à étiqueter les films comme dramatiques ou comme comiques, alors qu'en fait il n'y a aucune raison pour que ces deux aspects ne coexistent pas dans un même film ou une même pièce tout en décrivant tout à fait honnêtement la vie réelle. C'est pourquoi j'ai beaucoup d'admiration pour les films qui combinent les deux facettes, comme The Apartment (la Garçonnière -- 1960), de Billy Wilder, ou, plus récemment, Tribute (Un fils pour l'été -- 1980). Dans la vie, nous le savons tous, aussi terribles que puissent être les circonstances, il arrive toujours des choses drôles, et s'il n'y avait pas un peu d'humour dans nos vies, je crois que nous deviendrions tous fous. Dans cette optique, j'ai eu le sentiment que Tribute -- que j'ai d'abord joué au théâtre avant de tourner le film -- racontait une histoire remarquable parce qu'il y est question d'un homme d'âge mûr qui découvre tout d'un coup qu'il a un cancer, possiblement en phase terminale, et qui s'appuie largement sur l'humour pour faire face. Ce qui m'a fait très plaisir, c'est que beaucoup de gens m'ont dit après avoir vu la pièce ou le film que le personnage que j'y incarnais avait influencé la manière dont ils avaient affronté ce problème-là. Tribute traitait aussi du fossé des générations entre un homme jeune et son père qui parviennent en fin de compte à réconcilier leurs points de vue et à retrouver l'amour qu'ils avaient eu l'un pour l'autre par le passé. Globalement, j'ai trouvé que c'était un film distrayant qui avait aussi quelque chose à dire. The Cineaste : Les comédies ne doivent pas forcément se limiter au divertissement, non ? Est-il possible d'après vous d'affirmer des points de vue à travers la comédie ? Jack Lemmon : Oui, et je suis d'avis que l'on peut et que l'on devrait utiliser la comédie à cette fin le plus souvent possible. Curieusement, les gens se souviendront plus facilement d'une démonstration véhiculée par la comédie que d'une démonstration véhiculée par la tragédie. Je crois aussi, et c'est particulièrement vrai à notre époque, étant donné les problèmes mondiaux, que toute occasion de rire est extrêmement bénéfique. Évidemment, j'aime autant le drame que la comédie, mais je dois admettre qu'il est particulièrement gratifiant d'apporter de la joie aux autres par le rire. L'une des dernières choses que mon père, que j'adorais, m'a dite avant de mourir, il y a de ça environ vingt ans... Je ne veux pas paraître larmoyant, mais il était très malade, à l'hôpital, et l'une des dernières choses qu'il m'a dites a été une chose qu'il m'avait souvent dite auparavant. Il m'a regardé, a souri et a dit : « Donne un peu de soleil «. En gros, ce qu'il disait, c'était « Donne un peu de joie autour de toi «, et les acteurs ont cette chance d'être en situation de le faire. The Cineaste : Cela doit donc vous faire plaisir qu'outre Missing et le Syndrome chinois, les Cubains projettent Certains l'aiment chaud ici cette semaine. Jack Lemmon : Ce que je trouve particulièrement gratifiant, c'est qu'au bout de vingt-cinq ans Certains l'aiment chaud est toujours très populaire, et pas seulement dans le monde entier, mais aussi en Amérique. Billy Wilder, qui l'a écrit et réalisé, est un ami très proche, et je considère que ce film est l'une des farces les mieux écrites et les mieux mises en scène qu...

« The Cineaste : Les comédies ne doivent pas forcément se limiter au divertissement, non ? Est-il possible d’après vous d’affirmer des points de vue à travers la comédie ? Jack Lemmon : Oui, et je suis d’avis que l’on peut et que l’on devrait utiliser la comédie à cette fin le plus souvent possible.

Curieusement, les gens se souviendront plus facilement d’une démonstration véhiculée par la comédie que d’une démonstration véhiculée par la tragédie.

Je crois aussi, et c’est particulièrement vrai à notre époque, étant donné les problèmes mondiaux, que toute occasion de rire est extrêmement bénéfique.

Évidemment, j’aime autant le drame que la comédie, mais je dois admettre qu’il est particulièrement gratifiant d’apporter de la joie aux autres par le rire.

L’une des dernières choses que mon père, que j’adorais, m’a dite avant de mourir, il y a de ça environ vingt ans… Je ne veux pas paraître larmoyant, mais il était très malade, à l’hôpital, et l’une des dernières choses qu’il m’a dites a été une chose qu’il m’avait souvent dite auparavant.

Il m’a regardé, a souri et a dit : « Donne un peu de soleil ».

En gros, ce qu’il disait, c’était « Donne un peu de joie autour de toi », et les acteurs ont cette chance d’être en situation de le faire. The Cineaste : Cela doit donc vous faire plaisir qu’outre Missing et le Syndrome chinois, les Cubains projettent Certains l’aiment chaud ici cette semaine. Jack Lemmon : Ce que je trouve particulièrement gratifiant, c’est qu’au bout de vingt-cinq ans Certains l’aiment chaud est toujours très populaire, et pas seulement dans le monde entier, mais aussi en Amérique.

Billy Wilder, qui l’a écrit et réalisé, est un ami très proche, et je considère que ce film est l’une des farces les mieux écrites et les mieux mises en scène que j’ai jamais eu la chance de tourner, et même de voir.

J’aimerais pouvoir en dire autant d’un autre ! The Cineaste : Comment expliquez-vous votre aptitude à jouer avec succès des rôles aussi variés que les vôtres ? Jack Lemmon : Lorsque j’étais étudiant à Harvard, je regrettais qu’il y ait si peu de cours dans le domaine des arts du spectacle ou de la création, parce que c’est ceux-là qui m’intéressaient.

Toutefois, je pense que l’éducation généraliste et ouverte que j’ai reçue, ainsi que la chance de me trouver avec plein de gens venus de parties du monde et de milieux différents, a été un réel plus pour moi par la suite comme acteur parce qu’elle m’a exposé à différentes façons de voir les choses.

Elle m’a permis d’avoir un point de vue plus ouvert pour appréhender différents personnages.

En règle générale, j’ai été plutôt attiré par les rôles contemporains, c’est pourquoi j’utilise mes propres expériences de la vie ou le résultat de mes propres observations des gens pour mettre au point mes interprétations. Juste après Harvard, pendant mes premières années à New York, j’ai fait tous les métiers.

J’ai même travaillé dans un petit night-club où je faisais sept boulots différents en même temps : j’étais l’orchestre à moi tout seul, ce qui constituait à jouer sur un petit piano dont la moitié des touches ne marchait pas, et, avec les autres, je devais aussi monter sur scène pour y jouer des sketches et des parodies.

Je faisais également office de « maître d’hôtel », et de videur, et ça, ça n’était pas franchement évident, car je pesais à peine plus de 65 kilos. Ce sont les premiers temps de la télévision en direct qui nous ont vraiment apporté la meilleure formation, bien qu’à mon avis aucun d’entre nous ne s’en soit rendu compte à l’époque.

Il n’y avait pas encore de stars télé parce tout cela était trop nouveau, et c’est pourquoi, une fois que vous commenciez à être connu et distribué, vous pouviez fort bien vous retrouver avec cinq lignes à dire une semaine et avec cent la suivante.

Les rôles étaient aussi très différents les uns des autres, du comique le plus farce au drame le plus profond, et à la réflexion, je crois que c’est l’une des raisons pour lesquelles j’ai été capable par la suite de jouer aussi bien des comédies que des drames au cinéma. Il y avait ce show télé, par exemple, The Ad Libbers (les improvisateurs).

On était six, quatre types et deux filles, avec Peter Donald, qui était un animateur hors pair de l’époque.

Tout se passait dans un petit théâtre de New York, en direct bien sûr, avec trois caméras et un public.

Peter choisissait deux comédiens, qui allaient se mettre au milieu de la scène.

Puis il désignait quelqu’un dans le public, qui se levait et lançait une réplique du genre : « Ferme la porte » ou n’importe quoi d’autre.

L’un des comédiens devait alors se tourner vers l’autre et répéter cette réplique et pendant les trois minutes qui suivaient ils inventaient une scène, dramatique ou comique, de préférence comique, parce qu’à trente secondes de la fin une lampe rouge s’allumait sur la rampe et il valait mieux pour vous que la chute soit drôle.

Bon, certaines scènes étaient merveilleuses mais d’autres… Oh ! Mon Dieu, c’était l’enfer, vous savez, quand ça se passait mal et que vous n’arriviez pas à être sur la même longueur d’onde… Mais, quelle expérience ! The Cineaste : Comment décririez-vous votre technique d’acteur ? Jack Lemmon : En général je travaille de l’intérieur vers l’extérieur.

Autrement dit, je crois qu’il est vraiment très facile de se contenter d’apprendre les répliques, mais que le plus important n’est pas ce qu’un personnage dit mais la raison pour laquelle il le dit, c’est-à-dire ce qui le motive réellement et sa manière de penser.

Une fois que vous avez compris le personnage, vous pouvez le fignoler en travaillant la façon dont il se déplace, son apparence, ses attitudes, sa façon de s’habiller, toutes ces particularités de surface.

Mais il arrive que vous puissiez travailler à partir de l’extérieur.

Laurence Olivier a dit que c’est souvent son cas.

Pour moi, cette façon de procéder est dangereuse parce qu’elle comporte le risque de se retrouver avec une caricature à la place d’un personnage sincère.

Pour Certains l’aiment chaud, par exemple, j’ai effectivement travaillé à partir de l’extérieur parce que je pensais que la façon dont le personnage se déplaçait et son apparence, son comportement extérieur étaient essentiels.

Alors, j’ai travaillé pendant près d’une semaine devant le miroir avec le maquillage et les perruques.

Je me souviens avoir travaillé plusieurs jours rien qu’avec le rouge à lèvres, pour en arriver finalement à ces lèvres pulpeuses, parce que je voulais obtenir une apparence bien précise à chaque fois que lui, ou elle, souriait.

Une fois que j’ai eu décidé de l’apparence que je voulais pour le personnage, je me suis arrangé pour qu’il se comporte d’une certaine façon à l’intérieur pour obtenir le résultat voulu. The Cineaste : Qu’est-ce qui vous a attiré dans Missing ? Jack Lemmon : Missing est un film qui a été, qui est toujours, cher à mon cœur parce que, de temps en temps, s’il a de la chance, un artiste se retrouve impliqué dans un film ou une pièce qui peut aller au-delà du seul divertissement et aider à éclairer le public.

Dans le cas de Missing, j’ai eu le sentiment que le film avait quelque chose de très important à dire mais, en même temps, j’ai trouvé que c’était un travail dramatique merveilleusement bien écrit et intelligent.

Et par-dessus le marché, il devait être réalisé par Costa Gavras et donc je savais qu’il serait fait avec délicatesse et un réel talent artistique.

J’ai été très fier de participer à cette aventure. J’ai aussi eu l’impression que le fait qu’il s’agisse d’une histoire vraie et pas d’une fiction était important et qu’il fallait que cette histoire soit connue partout, et tout particulièrement par tous les citoyens américains. Le plus important peut-être en ce qui concerne Missing est que bien qu’il s’agisse d’un film qui critique l’action supposée de notre gouvernement, il a été fait aux États-Unis sans aucune forme de censure, et je sais de source sûre que cela. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles