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Expérimenter c'est déterminer rigoureusement le constant et le variable.

Publié le 11/05/2011

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constant

Dans le cas très fréquent où le nombre des variables en présence est considérable... la règle capitale à suivre... est de s'astreindre à laisser systématiquement invariables dans chaque expérience tous les facteurs sauf un seul... F. Taylor, dans son célèbre mémoire sur la taille des métaux, a longuement insisté sur les avantages de cette méthode. Il est assez curieux de voir un ingénieur praticien, n'ayant à peu près reçu aucune éducation scientifique, appliquer rigoureusement un des principes les plus essentiels de la méthode scientifique... : « L'art d'expérimenter doit être défini comme la détermination de l'effet produit par la variation d'un élément, tous les autres restant constants... Faire la description de la façon dont on maintient l'uniformité des conditions, c'est faire virtuellement la description de l'art d'expérimenter. « Trop souvent, dans les laboratoires scientifiques, on méconnaît cette règle essentielle. On s'en laisse détourner par quelques facilités expérimentales, et l'on retarde beaucoup l'achèvement de son travail par la difficulté plus grande d'en coordonner les résultats. Voici un exemple tout à fait caractéristique : l'interversion du sucre de canne par les diastases et les acides. La vitesse d'interversion, objet essentiel du travail, est fonction d'un grand nombre de variables : nature et concentration du catalyseur, température, concentration en saccharose, dextrose et lévulose, présence de sels étrangers, etc. Au minimum cinq variables entrent nécessairement en jeu dans ces expériences. On opère généralement à température constante, ce qui est bien conforme à la règle générale ; ensuite, partant d'une solution de saccharose de concentration déterminée, on fait des expériences successives sur la même liqueur, ce qui dispense de préparer de nouvelles solutions pour chaque mesure. Mais alors, la concentration du saccharose et celle des sucres intervertis changent à la fois ; on modifie trois variables, d'une expérience à la suivante. Il résulte de cette méthode que les diverses séries d'expériences sont difficilement comparables et, surtout, on ne peut pas rapprocher les résultats obtenus par différents expérimentateurs. Aussi ce problème n'est-il pas encore complètement résolu, malgré le nombre considérable d'expériences déjà faites à son sujet. Dans les usines, cette habitude de toucher à la fois à plusieurs variables est encore plus répandue ; on espère, en changeant tout à la fois, avoir la chance de tomber plus rapidement sur le résultat le plus avantageux. Bien entendu cette espérance ne se réalise jamais ; on dépense ainsi une somme considérable de travail pour ne pas aboutir et, ce qui est plus grave encore, pour ne réunir aucun document précis, qui puisse être utilisé dans la suite si l'on reprend un jour les mêmes études ou des études analogues... Nous voulons, par exemple, étudier la germination des graines. Ce phénomène dépend d'une multitude de conditions : température, humidité, oxygène, etc. Nous choisirons pour une série d'expériences une variable et une seule, par exemple, la profondeur d'enterrement de la graine dans le sol. C'est là une expérience que l'on peut faire faire à des enfants très jeunes. Suivant l'exemple donné par Taylor dans son étude sur le gazon de golf, on sèmera, le même jour, le même nombre de graines de la même provenance, dans la même terre, dans deux carrés de jardin jointifs, arrosés ensuite de la même façon, en faisant seulement varier de l'un à l'autre la profondeur de la graine. Puis on notera chaque jour le nombre de petites plantules apparues au-dessus de la surface du sol. Cela est évident, dira-t-on ; il n'y a pas besoin d'apprendre par la pratique des règles qui tombent sous le bon sens. Et pourtant regardez les expériences faites dans nos stations agronomiques par des savants de métier. Combien de fois sont-elles inutilisables, parce que l'on a laissé changer à la fois une demi-douzaine de variables ! HENRY LE CHATELIER.

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