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Gisèle Halimi, La Cause des Femmes

Publié le 31/03/2011

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Quant à ceux qui opposent à la libération de la femme et de sa sexualité la nature et ses lois, j'ai un peu envie de leur répondre comme le professeur François Jacob : « Il n'y a dans la nature que des phénomènes, ce sont les hommes qui font les lois. « Et ils font les lois comme on fait les superstructures. A partir de valeurs, d'une éthique et d'une esthétique qu'on reconnaît, à un moment donné du développement d'une société, comme « vraies «, comme « nécessaires «, comme « justes «. Il faut se méfier de l'argument « nature «. Pendant des siècles, l'esclavage a été considéré comme naturel. Les grands philosophes de l'Antiquité n'ont vu aucune anomalie à ce qu'une catégorie d'hommes appartienne corps et âme à une autre catégorie d'hommes. Aujourd'hui, de la même manière, pour justifier l'oppression des femmes, on parle de loi naturelle. On a trouvé naturel l'esclavage des hommes mais on trouve deux fois plus naturel l'esclavage de la femme. « La femme, dit Bebel, est le premier être humain qui ait eu à subir la servitude car elle a été esclave avant que l'esclave fût «. Dans la sexualité en particulier rien n'est naturel et tout est naturel. L'acquis est cent fois plus fort que l'inné. La finalité de la sexualité « naturelle « telle que nous la pratiquons, c'est le maintien d'un certain ordre économique et social de cette société. Précisément, si l'on réprime la libre sexualité de la femme, c'est qu'on lui a attribué dans la société contemporaine un destin : celui de la femme au foyer et de la maternité. Et, pour qu'elle l'accepte plus facilement, on a paré la maternité d'une auréole. On fait de la famille un pilier, un refuge. On noie tout cela dans un sentimentalisme pseudo-populaire. On fabrique une imagerie attendrissante. En réalité, faire de la maternité un destin, une fatalité, c'est favoriser la famille monogamique. La femme appartient au mari et aux enfants. Les rédacteurs napoléoniens du Code Civil avaient déjà écrit dans leurs travaux préparatoires : « La femme est donnée à l'homme pour qu'elle fasse des enfants. Elle est donc sa propriété comme l'arbre à fruits est celle du jardinier «. L'explication de ce système est purement et simplement économique. On considère en effet que le travail de la femme à la maison, c'est-à-dire la cuisine, les tâches ménagères les plus abêtissantes, les plus aliénantes, celles qui vous coupent de la réalité, vous enferment, ces tâches-là n'ont pas de valeur d'échange. Et pour que tout cela se perpétue, que la femme continue à être dans la famille ce que Engels appelle « la première servante «, il faut qu'elle soit écartée de la production sociale. On la maintient donc au foyer en lui expliquant cette nécessité par des raisons affectives. Voilà à quoi la famille a servi et comment elle opprime la femme. L'homme au forum, la femme au foyer. En la rivant à des tâches aliénantes et non rémunérées, on assure d'une manière presque certaine sa complète dépendance. Engels démontre très bien qu'en maintenant la femme au foyer on la maintient non seulement dans une exploitation de classe — car elle est productrice d'une plus-value non reconnue dans le système économique actuel — mais aussi dans une exploitation spécifique : « Dans la famille l'homme est le bourgeois et la femme le prolétaire «. Il est clair que la famille est nécessaire à la fois pour perpétuer le système et pour le justifier. Le rouage essentiel de cette oppression reste la procréation. Ce qui caractérise ce type d'organisation familiale c'est le rapport d'autorité : celle du mari sur la femme, celle des parents sur les enfants. Cette hiérarchie, père puis mère en haut, enfants en bas, apparaît comme éminemment répressive pour la femme et les enfants. Le grand propriétaire, c'est l'homme, c'est lui qui a le pouvoir de décision, puisqu'il a le pouvoir économique. De nos jours cette famille est conservée vaille que vaille pour servir de soupape de sécurité : pour que grâce à l'affectivité dans laquelle elle baigne, l'humanité n'explose pas au contact de ce monde glacé, qui est le nôtre. Voilà qui est clair : la famille peut subsister, on peut lui laisser son contenu affectif mais il faut absolument qu'elle perde tout son contenu répressif. Pour cela il faut supprimer l'autorité patriarcale et tous les rapports de possession qui caractérisent la famille. Gisèle Halimi, La Cause des Femmes.

1. Vous résumerez ce texte en 160 mots. Il vous est rappelé qu'une marge de 10 % en plus ou en moins est admise et que vous avez à indiquer vous-même à la fin de votre résumé le nombre de mots employés. 2. Quelle est la valeur, dans le texte, des expressions suivantes : — des tâches aliénantes ; — l'autorité patriarcale. 3. « Le grand propriétaire, c'est l'homme ; c'est lui qui a le pouvoir de décision puisqu'il a le pouvoir économique. « Doit-il en être ainsi selon vous ?

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