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Halte à quelques mètres du quai, dans une rue parallèle, pour échapper au feu des ennemis qui tirent de l'autre ive.

Publié le 04/11/2013

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Halte à quelques mètres du quai, dans une rue parallèle, pour échapper au feu des ennemis qui tirent de l'autre ive. Le colonel s'est établi dans une maison peu éloignée du pont principal. Dans la cour, des officiers et des nfants. Au premier étage, une table sur laquelle le plan de Canton est étendu ; contre la fenêtre, trois lits de bois ressés ne laissent entre eux qu'une étroite meurtrière où passe une raie de soleil qui fait sur le genou du colonel ne tache pointue. -- Eh bien ? -- Avez-vous reçu cela ? demande le colonel, tendant une note. La note est en chinois : Garine et moi lisons ensemble. Il semble comprendre à peu près ; néanmoins je traduis, à i-voix : le général Gallen attaque les troupes de Feng qui nous séparent et marche vers la ville ; le commandant(4) Chang-Kaï-Shek, parti avec les meilleures sections de mitrailleuses va prendre à revers les troupes de Tang. -- Non. C'est arrivé depuis mon départ, sans doute. Vous êtes sûr de tenir, ici ? -- Naturellement. -- Gallen va bousculer Feng comme un tas de poussière. Avec l'artillerie, c'est certain. Pensez-vous que les troupes de Feng se replient sur la ville ? -- C'est probable. -- Bon. Avez-vous assez d'hommes, maintenant ? -- Plus qu'il n'en faut. -- Pouvez-vous me donner deux mitrailleuses et un capitaine ? Le colonel lit quelques notes. -- Oui. -- Je fais barricader les rues et établir à l'entrée des nids de mitrailleuses. Si les troupes battues tombent dessus, elles prendront la campagne. -- Je le crois. Il donne un ordre à son officier d'ordonnance, qui part en courant. Nous prenons congé, frappés l'un après l'autre par le rayon que projette la meurtrière. La fusillade, dehors, est calme. En bas, vingt cadets nous attendent, abattus comme des mouches sur deux autos : serrés dans les sièges, accrochés aux garde-boue, assis dans la capote, debout sur les marchepieds. Le capitaine monte avec nous. Les autos démarrent et filent, secouant les cadets à chaque caniveau. De nouveaux rapports, sur le bureau, attendent Garine qui les regarde à peine. Il donne au capitaine la direction des sections qui continuent à se former : dans la rue que le soleil maintenant plus bas emplit d'ombre, on ne voit que des têtes. « Pour les barricades, réquisitionnez ! » Laissant Nicolaïeff à l'organisation et à l'armement des sections, Klein descend de nouveau au sous-sol, suivi de vingt cadets ; le groupe remonte et reparaît dans le couloir, confus, hérissé çà et là des raies brillantes que fait la lumière sur les canons des mitrailleuses. Et, de nouveau, des autos s'en vont avec un fracas d'embrayage et de klaxons, débordant de soldats secoués, et laissant entre les traces des roues des casquettes kaki, épaves. Deux heures d'attente. De temps à autre, nous recevons un nouveau rapport... Une seule alerte : vers quatre heures, l'ennemi avait emporté le deuxième pont. Mais presque aussitôt, la ligne d'ouvriers armés placés partout à l'arrière du quai, arrêtant le corps de Tang, a donné à notre section mobile de mitrailleuses le temps d'arriver, et nous avons reconquis le pont. Puis, dans les ruelles parallèles au quai, on a fusillé. Vers cinq heures et demie, les premiers fuyards de la division de Feng arrivent. Reçus par les mitrailleuses, ils reprennent la campagne aussitôt. Inspection de nos postes. L'auto s'arrête à quelque distance ; nous allons à pied, Garine, un secrétaire cantonais et moi, jusqu'à l'extrémité de ces rues dont la perspective est coupée à mi-hauteur par des barricades basses, faites de poutres et de lits de bois. Derrière elles, les mitrailleurs fument de longs cigares indigènes, et jettent de temps à autre un coup d'oeil par les meurtrières. Garine regarde en silence. À cent mètres des barricades, les ouvriers armés par nous attendent, accroupis, causant ou écoutant les discours des sous-officiers improvisés, militants de syndicats porteurs de brassards. Et, dès notre retour à la Propagande, l'attente recommence. Mais ce n'est plus une attente anxieuse : au dernier des postes que nous inspections, un secrétaire a rejoint Garine et lui a apporté un message de Klein : le commandant Chang-Khaï-Shek a forcé les barrages de Tang, et les troupes de ce dernier, débandées elles aussi, tentent de gagner la campagne. La fusillade, qui a cessé du côté des ponts, continue, nourrie, comme une grêle lointaine, sur l'autre rive ; de temps à autre, on entend éclater des grenades, comme d'énormes pétards. La bataille s'éloigne rapidement, aussi rapidement que tombe la nuit. Pendant que je dîne dans le bureau de Nicolaïeff, en classant les derniers rapports de Hongkong, des lumières s'allument ; et la nuit tout à fait venue, je n'entends plus ue des détonations isolées, perdues... Lorsque je redescends au premier étage, une rumeur de paroles et des bruits d'armes viennent, par les fenêtres, e la rue nocturne. Près des autos, dans la lumière triangulaire des phares, des silhouettes de cadets se croisent, oires, rayées de barres qui brillent : des armes. Un bataillon de Chang-Kaï-Shek est déjà dans la rue. On ne distingue rien hors des faisceaux lumineux des phares, mais on sent qu'en bas une foule mouvante anime l'ombre, avec le besoin de parler haut qui suit les combats. Garine, assis derrière son bureau, mange une longue flûte de pain grillé qui craque entre ses dents et parle au général Gallen qui l'écoute en marchant à travers la pièce. --... Je ne peux pas donner, dès maintenant, des conclusions. Mais, d'après les quelques rapports que j'ai déjà eçus, je peux affirmer ceci : il y a partout des îlots de résistance ; il y a dans la ville la possibilité d'une nouvelle entative semblable à celle de Tang. -- Il est pris, Tang ? -- Non. -- Mort ? -- Je ne sais pas encore. Mais aujourd'hui c'est Tang, demain ce sera un autre. L'argent de l'Angleterre est oujours là, et celui des financiers chinois aussi. On lutte ou on ne lutte pas. Mais... Il se lève, souffle sur le bureau, secoue ses vêtements pour en chasser les miettes de pain, va au coffre-fort, 'ouvre, et en tire un tract qu'il donne à Gallen. --... voici l'essentiel. -- Hein ! cette vieille crapule !... -- Non. Il ignore certainement l'existence de ces tracts. Je regarde par-dessus l'épaule de Gallen : le tract annonce la constitution d'un nouveau gouvernement, dont la présidence aurait été offerte à Tcheng-Daï. « On sait qu'on peut nous l'opposer. Contre toute notre propagande, il y a son influence. -- Tu as ce tract depuis longtemps ? -- Une heure. -- Son influence... Oui, il fait pôle. Tu ne trouves pas que tout cela a assez duré ? Garine réfléchit : -- C'est difficile... « D'autant plus que je commence à me méfier de Hong... il se mêle maintenant de faire descendre, de sa propre autorité, des gens qui ont fait au parti des dons considérables... -- Remplace-le. -- Ça demande réflexion : il a de grandes qualités, et le moment est mal choisi. Et puis, s'il cesse d'être avec nous, il sera contre nous. -- Et après ? -- Il ne peut rien sans nous de façon durable ; les terroristes sont toujours imprudents, toujours mal organisés... mais pendant quelques jours... Le lendemain. « Naturellement ! » dit Garine en entrant dans son bureau, ce matin, et en voyant de hautes piles de rapports.  Après les histoires, c'est toujours comme ça... » Et nous nous mettons au travail. Une activité furieuse apparaît à ravers tous ces rapports que nous mettons en ordre comme des choses mortes. Désirs, volontés d'avant-hier et 'hier, violence d'hommes dont je sais seulement qu'ils sont morts ou en fuite. Et espoir d'autres hommes qui eulent, demain, tenter ce que Tang n'a pas été capable de réussir. Garine travaille en silence, et réunit tous les documents -- ils sont nombreux -- qui concernent Tcheng-Daï. uelquefois, en choisissant ou annotant une pièce au crayon rouge, il dit seulement, à mi-voix : « Encore. » Vers ce vieillard s'orientent tous nos ennemis. Tang qui croyait passer les ponts assez vite pour s'emparer des rmes réunies à la Propagande, voulait lui confier la présidence du nouveau gouvernement. Tous ceux que l'action êne ou inquiète, tous ceux qui vivent de lamentations, réunis autour des chefs des sociétés politiques secrètes, ieillards qui ont jadis collaboré avec Tcheng-Daï, forment une masse à qui sa vie, à lui Tcheng, donne une sorte 'ordre... Et voici les rapports de Hongkong : Tang a gagné la ville. L'Angleterre, qui sait combien les fonds de la ropagande sont peu élevés, reprend courage. Je comprends, mieux peut-être que lorsque j'étais à Hongkong ême, ce qu'est cette guerre nouvelle où les canons sont remplacés par des mots d'ordre, où la ville battue n'est

« classant lesderniers rapports deHongkong, deslumières s’allument ; etlanuit tout àfait venue, jen’entends plus que desdétonations isolées,perdues… Lorsque jeredescends aupremier étage,unerumeur deparoles etdes bruits d’armes viennent, parlesfenêtres, de larue nocturne.

Prèsdesautos, danslalumière triangulaire desphares, dessilhouettes decadets secroisent, noires, rayéesdebarres quibrillent : desarmes.

Unbataillon deChang-Kaï-Shek estdéjà dans larue.

Onne distingue rienhors desfaisceaux lumineux desphares, maisonsent qu’en basune foule mouvante animel’ombre, avec lebesoin deparler hautquisuit lescombats. Garine, assisderrière sonbureau, mangeunelongue fltedepain grillé quicraque entresesdents etparle au général Gallenquil’écoute enmarchant àtravers lapièce. —… Jene peux pasdonner, dèsmaintenant, desconclusions.

Mais,d’après lesquelques rapportsquej’aidéjà reçus, jepeux affirmer ceci :ilya partout desîlots derésistance ; ilya dans laville lapossibilité d’unenouvelle tentative semblable àcelle deTang. — Il estpris, Tang ? — Non. — Mort ? — Je nesais pasencore.

Maisaujourd’hui c’estTang, demain cesera unautre.

L’argent del’Angleterre est toujours là,etcelui desfinanciers chinoisaussi.Onlutte ouonnelutte pas.Mais… Il se lève, souffle surlebureau, secouesesvêtements pourenchasser lesmiettes depain, vaau coffre-fort, l’ouvre, eten tire untract qu’ildonne àGallen. —… voici l’essentiel. — Hein ! cettevieille crapule !… — Non.

Ilignore certainement l’existencedeces tracts. Je regarde par-dessus l’épauledeGallen : letract annonce laconstitution d’unnouveau gouvernement, dontla présidence auraitétéofferte àTcheng-Daï. « On saitqu’on peutnous l’opposer.

Contretoutenotre propagande, ilya son influence. — Tu asce tract depuis longtemps ? — Une heure. — Son influence… Oui,ilfait pôle.

Tune trouves pasque tout celaaassez duré ? Garine réfléchit : — C’est difficile… « D’autant plusquejecommence àme méfier deHong… ilse mêle maintenant defaire descendre, desapropre autorité, desgens quiont faitauparti desdons considérables… — Remplace-le. — Ça demande réflexion : ila de grandes qualités, etlemoment estmal choisi.

Etpuis, s’ilcesse d’être avec nous, ilsera contre nous. — Et après ? — Il nepeut riensans nous defaçon durable ; lesterroristes sonttoujours imprudents, toujoursmalorganisés… mais pendant quelques jours…Le lendemain . « Naturellement ! » ditGarine enentrant danssonbureau, cematin, eten voyant dehautes pilesderapports. « Après leshistoires, c’esttoujours commeça… »Etnous nousmettons autravail.

Uneactivité furieuse apparaît à travers touscesrapports quenous mettons enordre comme deschoses mortes.

Désirs,volontés d’avant-hier et d’hier, violence d’hommes dontjesais seulement qu’ilssontmorts ouenfuite.

Etespoir d’autres hommes qui veulent, demain,tenterceque Tang n’apas étécapable deréussir. Garine travaille ensilence, etréunit touslesdocuments —ilssont nombreux —qui concernent Tcheng-Daï. Quelquefois, enchoisissant ouannotant unepièce aucrayon rouge,ildit seulement, àmi-voix : « Encore. » Vers cevieillard s’orientent tousnosennemis.

Tangquicroyait passerlesponts assezvitepour s’emparer des armes réunies àla Propagande, voulaitluiconfier laprésidence dunouveau gouvernement.

Tousceuxquel’action gêne ouinquiète, tousceux quivivent delamentations, réunisautour deschefs dessociétés politiques secrètes, vieillards quiont jadis collaboré avecTcheng-Daï, formentunemasse àqui savie, àlui Tcheng, donneunesorte d’ordre… Etvoici lesrapports deHongkong : Tangagagné laville.

L’Angleterre, quisait combien lesfonds dela Propagande sontpeuélevés, reprend courage.

Jecomprends, mieuxpeut-être quelorsque j’étaisàHongkong même, cequ’est cetteguerre nouvelle oùles canons sontremplacés pardes mots d’ordre, oùlaville battue n’est. »

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