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Hamilcar sauve le petit Hannibal (1862). Salammbô

Publié le 21/06/2011

Extrait du document

hannibal

L'action de Salammbô se passe à Carthage, au me siècle avant J.-C. La ville est terrorisée par la révolte des soldats mercenaires. Aussi décide-t-on d'offrir un sacrifice sanglant au dieu Moloch; à cet effet, le prêtre fait rechercher tous les enfants des plus nobles familles. Hamilcar sauve de la mort son fils Hannibal, en lui substituant un enfant d'esclave. Flaubert représente avec un pathétique sobre et farouche la douleur du malheureux père à qui son enfant est arraché.

Ils arrivèrent chez Hamilcar tout à coup, et le trouvant dans ses jardins : « Barca! nous venons pour la chose que tu sais... ton fils! « Ils ajoutèrent que des gens l'avaient rencontré un soir de l'autre lune, au milieu des Mappales, conduit par un vieillard. Il fut d'abord comme suffoqué. Mais bien vite comprenant que toute dénégation serait vaine, Hamilcar s'inclina; et il les introduisit dans la maison de commerce. Des esclaves accourus d'un signe en surveillaient les alentours. Il entra dans la chambre de Salammbô tout éperdu. Il saisit d'une main Hannibal, arracha de l'autre la ganse d'un vêtement qui traînait, attacha ses pieds, ses mains, en passa l'extrémité dans sa bouche pour lui faire un bâillon, et il le cacha sous le lit de peaux de boeuf, en laissant retomber jusqu'à terre une large draperie. Ensuite il se promena de droite et de gauche; il levait les bras, il tournait sur lui-même, il se mordait les lèvres. Puis il resta les prunelles fixes et haletant comme s'il allait mourir. Mais il frappa trois fois dans ses mains. Giddenem parut. « Écoute! dit-il, tu vas prendre parmi les esclaves un enfant mâle de huit à neuf ans avec les cheveux noirs et le front bombé! Amène-le ! hâte-toi! « Bientôt Giddenem rentra, en présentant un jeune garçon. C'était un pauvre enfant, à la fois maigre et bouffi ; sa peau semblait grisâtre comme l'infect haillon suspendu à ses flancs; il baissait la tête dans ses épaules, et du revers de sa main frottait ses yeux, tout remplis de mouches. Comment pourrait-on jamais le confondre avec Hannibal! et le temps manquait pour en choisir un autre! Hamilcar regardait Giddenem; il avait envie de l'étrangler. « Va-t'en! « cria-t-il. Le maître des esclaves s'enfuit. Donc le malheur qu'il redoutait depuis si longtemps était venu, et il cherchait avec des efforts démesurés s'il n'y avait pas une manière, un moyen d'y échapper. Abdalonim, tout à coup, parla derrière la porte. On demandait le suffète. Les serviteurs de Moloch s'impatientaient. Hamilcar retint un cri, comme à la brûlure d'un fer rouge; et il recommença de nouveau à parcourir la chambre, tel qu'un insensé. Puis il s'affaissa au bord de la balustrade et, les coudes sur ses genoux, il serrait son front dans ses deux poings fermés. La vasque de porphyre contenait encore un peu d'eau claire pour les ablutions de Salammbô. Malgré sa répugnance et tout son orgueil, le suffète y plongea l'enfant, et, comme un marchand d'esclaves, il se mit à le laver et à le frotter avec des strigilles et de la terre-rouge. Il prit ensuite, dans les casiers autour de la muraille deux carrés de pourpre, lui en posa un sur la poitrine, l'autre sur le dos, et il les réunit contre ses clavicules par deux agrafes de diamant. Il versa un parfum sur sa tête, il passa autour de son cou un collier d'électrum, et il le chaussa de sandales à talons de perles, — les propres sandales de sa fille! Mais il trépignait de honte et d'irritation. Salammbô, qui s'empressait à le servir, était aussi pâle que lui. L'enfant souriait, ébloui par ces splendeurs, et même, s'enhardissant, il commençait à battre des mains et à sauter quand Hamilcar l'entraîna. Il le tenait par le bras, fortement, comme s'il avait eu peur de le perdre; et l'enfant, auquel il faisait mal, pleurait un peu tout en courant près de lui. A la hauteur de l'ergastule, sous un palmier, une voix s'éleva, une voix lamentable et suppliante. Elle murmurait : « Maître ! oh! maître! « Hamilcar se retourna, et il aperçut à ses côtés un homme d'apparence abjecte, un de ces misérables vivant au hasard dans la maison. — « Que veux-tu? « dit le suffète. L'esclave, qui tremblait horriblement, balbutia : « Je suis son père! « Hamilcar marchait toujours; l'autre le suivait, les reins courbés, les jarrets fléchis, la tête en avant. Son visage était convulsé par une angoisse indicible, et les sanglots qu'il retenait l'étouffaient, tant il avait envie tout à la fois de le questionner et de lui crier : « Grâce! « Enfin il osa le toucher d'un doigt, sur le coude, légèrement. — « Est-ce que tu vas le...? « Il n'eut pas la force d'achever, et Hamilcar s'arrêta, tout ébahi de cette douleur. Il n'avait jamais pensé— tant l'abîme les séparant l'un de l'autre se trouvait immense — qu'il pût y avoir entre eux rien de commun Cela même lui parut une sorte d'outrage et comme un empiètement sur ces privilèges. Il répondit par un regard plus froid et plus lourd que la hache d'un bourreau ; l'esclave, s'évanouissant, tomba dans la poussière, à ses pieds. Hamilcar enjamba par-dessus. Les trois hommes en robe noire l'attendaient dans la grande salle, debout contre le disque de pierre. Tout de suite il déchira ses vêtements et il se roulait sur les dalles en poussant des cris aigus : « Ah! mon pauvre petit Hannibal ! Oh! mon fils ! ma consolation ! mon espoir ! ma vie ! Tuez-moi aussi, emportez-moi. Malheur! malheur! « Il se labourait la face avec ses ongles, s'arrachait les cheveux et hurlait comme les pleureuses des funérailles. « Emmenez-le donc! Je souffre trop! allez-vous-en ! tuez-moi comme lui. « Les serviteurs de Moloch s'étonnaient que le grand Hamilcar eût le coeur si faible. Ils en étaient presque attendris. On entendit un bruit de pieds nus avec un râle saccadé, pareil à la respiration d'une bête féroce qui accourt ; et sur le seuil de la troisième galerie, entre les montants d'ivoire, un homme apparut, blême, terrible, les bras écartés; il s'écria : « Mon enfant! « Hamilcar, d'un bond, s'était jeté sur l'esclave; et en lui couvrant la bouche de sa main, il criait encore plus haut : « C'est le vieillard qui l'a élevé! il l'appelle mon enfant ! il en deviendra fou! Assez ! assez! « Et chassant par les épaules les trois prêtres et leur victime, il sortit avec eux, et un grand coup de pied referma la porte derrière lui. Hamilcar tendit l'oreille pendant quelques minutes, craignant toujours de les voir revenir. Il songea ensuite à se défaire de l'esclave pour être bien sûr qu'il ne parlerait pas; mais le péril n'était point complètement disparu, et cette mort, si les dieux s'en irritaient, pouvait se retourner contre son fils. Alors, changeant d'idée, il lui envoya par Taanach les meilleures choses de cuisine : un quartier de bouc, des fèves et des conserves de grenades. L'esclave, qui n'avait pas mangé depuis longtemps, se rua dessus ; ses larmes tombaient dans les plats.

(Salammbô, Michel Lévy, éditeur.)

QUESTIONS D'EXAMEN

I. — L'ensemble. — Nature du morceau : un récit. — Récit qui a tout l'intérêt d'un drame. — Indiquez les personnages qui jouent un rôle dans ce drame; Quels sont les deux plus importants? Quel sentiment pousse Hamilcar à substituer un enfant d'esclave à son fils ? Que pensez-vous de l'acte qu'il commet ? Montrez combien l'intervention du père du jeune esclave ajoute au pathétique de la scène; Quel sentiment vous fait éprouver la douleur pour ainsi dire muette, mais si réelle, du malheureux père ? Dites l'impression que laisse en vous cette lecture.

II. — L'analyse du morceau. — Ce récit présente une remarquable unité; les parties dont il se compose sont bien soudées entre elles : essayez cependant de les distinguer : a) L'arrivée des prêtres; b) Le choix et la toilette du jeune esclave; c) La plainte lamentable et suppliante du père; d) L'explosion de douleur chez Hamilcar (douleur feinte) ; e) Le départ des prêtres. Pourquoi Hamilcar trépignait-il de honte et d'irritation en procédant à la toilette de l'esclave? Montrez, par un rapprochement entre les deux pères, l'abîme qui séparait l'esclave de son maître (rappeler quelques expressions caractéristiques); Sur quel ton l'esclave prononça-t-il ces mots : « Maître! oh ! maître! « — puis : « Je suis son père! « ? Commentez la dernière phrase : L'esclave... ; ses larmes tombaient dans les plats. III. — Le style; — les expressions. — Appliquez-vous, par le choix de quelques phrases ou de quelques expressions, à faire ressortir la précision et la vigueur du style dans ce morceau; Dans les phrases suivantes : Il entra dans la chambre de Salammbô tout éperdu; — ...un homme apparut, blême, terrible, les bras écartés..., montrez la justesse et la force des mots : éperdu, blême, terrible, écartés; Qu'est-ce qu'une vasque? — une vasque de porphyre? Indiquez le sens des expressions suivantes : une dénégation vaine, — un homme d'apparence abjecte, une angoisse indicible.

IV. — La grammaire. — Indiquez un synonyme de chacun des mots suivants : abject (apparence abjecte), indicible (angoisse indicible), ébahi (Hamilcar... tout ébahi de cette douleur); Distinguez les propositions contenues dans le deuxième alinéa (Il fut d'abord comme suffoqué...) Énumérez les conjonctions que contient cet alinéa ; — rôle de chacune d'elles.

Rédaction. — Décrivez la douleur du père du jeune esclave. — Joignez-y vos réflexions.   

hannibal

« Hamilcar, d'un bond, s'était jeté sur l'esclave; et en lui couvrant la bouche de sa main, il criait encore plus haut : «C'est le vieillard qui l'a élevé! il l'appelle mon enfant ! il en deviendra fou! Assez ! assez! » Et chassant par lesépaules les trois prêtres et leur victime, il sortit avec eux, et un grand coup de pied referma la porte derrière lui.Hamilcar tendit l'oreille pendant quelques minutes, craignant toujours de les voir revenir.

Il songea ensuite à sedéfaire de l'esclave pour être bien sûr qu'il ne parlerait pas; mais le péril n'était point complètement disparu, et cettemort, si les dieux s'en irritaient, pouvait se retourner contre son fils.

Alors, changeant d'idée, il lui envoya parTaanach les meilleures choses de cuisine : un quartier de bouc, des fèves et des conserves de grenades.

L'esclave,qui n'avait pas mangé depuis longtemps, se rua dessus ; ses larmes tombaient dans les plats. (Salammbô, Michel Lévy, éditeur.) QUESTIONS D'EXAMEN I.

— L'ensemble.

— Nature du morceau : un récit.

— Récit qui a tout l'intérêt d'un drame.

— Indiquez lespersonnages qui jouent un rôle dans ce drame; Quels sont les deux plus importants? Quel sentiment pousse Hamilcarà substituer un enfant d'esclave à son fils ? Que pensez-vous de l'acte qu'il commet ? Montrez combienl'intervention du père du jeune esclave ajoute au pathétique de la scène; Quel sentiment vous fait éprouver ladouleur pour ainsi dire muette, mais si réelle, du malheureux père ? Dites l'impression que laisse en vous cettelecture. II.

— L'analyse du morceau.

— Ce récit présente une remarquable unité; les parties dont il se compose sont biensoudées entre elles : essayez cependant de les distinguer : a) L'arrivée des prêtres; b) Le choix et la toilette dujeune esclave; c) La plainte lamentable et suppliante du père; d) L'explosion de douleur chez Hamilcar (douleurfeinte) ; e) Le départ des prêtres.

Pourquoi Hamilcar trépignait-il de honte et d'irritation en procédant à la toilettede l'esclave? Montrez, par un rapprochement entre les deux pères, l'abîme qui séparait l'esclave de son maître(rappeler quelques expressions caractéristiques); Sur quel ton l'esclave prononça-t-il ces mots : « Maître! oh !maître! » — puis : « Je suis son père! » ? Commentez la dernière phrase : L'esclave...

; ses larmes tombaient dansles plats. III.

— Le style; — les expressions.

— Appliquez-vous, par le choix de quelques phrases ou de quelques expressions,à faire ressortir la précision et la vigueur du style dans ce morceau; Dans les phrases suivantes : Il entra dans lachambre de Salammbô tout éperdu; — ...un homme apparut, blême, terrible, les bras écartés..., montrez la justesseet la force des mots : éperdu, blême, terrible, écartés; Qu'est-ce qu'une vasque? — une vasque de porphyre?Indiquez le sens des expressions suivantes : une dénégation vaine, — un homme d'apparence abjecte, une angoisseindicible. IV.

— La grammaire.

— Indiquez un synonyme de chacun des mots suivants : abject (apparence abjecte), indicible(angoisse indicible), ébahi (Hamilcar...

tout ébahi de cette douleur); Distinguez les propositions contenues dans ledeuxième alinéa (Il fut d'abord comme suffoqué...) Énumérez les conjonctions que contient cet alinéa ; — rôle dechacune d'elles. Rédaction.

— Décrivez la douleur du père du jeune esclave.

— Joignez-y vos réflexions.. »

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