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Il le souleva au-dessus du balcon, le balança un instant dans le vide, et le jeta aux pieds de son maître.

Publié le 04/11/2013

Extrait du document

Il le souleva au-dessus du balcon, le balança un instant dans le vide, et le jeta aux pieds de son maître. Le bruit sourd de la chute, les flots de sang qui jaillirent du corps et diaprèrent au loin le pavé, frappèrent d'épouvante jusqu'au duc lui-même ; mais ce sentiment dura peu, et la curiosité fit que chacun s'avança de quelques pas, et que la lueur d'un flambeau vint trembler sur la victime. On distingua alors une barbe blanche, un visage vénérable, et des mains raidies par la mort. - L'amiral, s'écrièrent ensemble vingt voix qui ensemble se turent aussitôt. - Oui, l'amiral. C'est bien lui, dit le duc en se rapprochant du cadavre pour le contempler avec une joie silencieuse. - L'amiral ! l'amiral ! répétèrent à demi-voix tous les témoins de cette terrible scène, se serrant les uns contre les autres, et se rapprochant timidement de ce grand vieillard abattu. - Ah ! te voilà donc, Gaspard ! dit le duc de Guise triomphant ; tu as fait assassiner mon père, je le venge ! Et il osa poser le pied sur la poitrine du héros protestant. Mais aussitôt les yeux du mourant s'ouvrirent avec effort, sa main sanglante et mutilée se crispa une dernière fois, et l'amiral, sans sortir de son immobilité, dit au sacrilège d'une voix sépulcrale : - Henri de Guise, un jour aussi tu sentiras sur ta poitrine le pied d'un assassin. Je n'ai pas tué ton père. Sois maudit ! Le duc, pâle et tremblant malgré lui, sentit un frisson de glace courir par tout son corps ; il passa la main sur son front comme pour en chasser la vision lugubre ; puis, quand il la laissa retomber, quand il osa reporter la vue sur l'amiral, ses yeux s'étaient refermés, sa main était redevenue inerte, et un sang noir épanché de sa bouche sur sa barbe blanche avait succédé aux terribles paroles que cette bouche venait de prononcer. Le duc releva son épée avec un geste de résolution désespérée. - Eh bien, monsir, lui dit Besme, êtes-fous gontent ? - Oui, mon brave, oui, répliqua Henri, car tu as vengé... - Le dugue François, n'est-ce pas ? - La religion, reprit Henri d'une voix sourde. Et maintenant, continua-t-il en se retournant vers les Suisses, es soldats et les bourgeois qui encombraient la cour et la rue, à l'oeuvre, mes amis, à l'oeuvre ! - Eh ! bonjour, monsieur de Besme, dit alors Coconnas s'approchant avec une sorte d'admiration de l'Allemand, qui, toujours sur le balcon, essuyait tranquillement son épée. - C'est donc vous qui l'avez expédié ? cria La Hurière en extase ; comment avez-vous fait cela, mon digne gentilhomme ? - Oh ! pien zimblement, pien zimblement : il avre entendu tu pruit, il avre oufert son borte, et moi ly avre passé mon rapir tans le corps à lui. Mais ce n'est bas le dout, che grois que le Téligny en dient, che l'endens grier. En ce moment, en effet, quelques cris de détresse qui semblaient poussés par une voix de femme se firent entendre ; des reflets rougeâtres illuminèrent une des deux ailes formant galerie. On aperçut deux hommes qui fuyaient poursuivis par une longue file de massacreurs. Une arquebusade tua l'un ; l'autre trouva sur son chemin une fenêtre ouverte, et, sans mesurer la hauteur, sans s'inquiéter des ennemis qui l'attendaient en bas, il sauta intrépidement dans la cour. - Tuez ! tuez ! crièrent les assassins en voyant leur victime prête à leur échapper. L'homme se releva en ramassant son épée, qui, dans sa chute, lui était échappée des mains, prit sa course tête baissée à travers les assistants, enculbuta trois ou quatre, en perça un de son épée, et au milieu du feu des pistolades, au milieu des imprécations des soldats furieux de l'avoir manqué, il passa comme l'éclair devant Coconnas, qui l'attendait à la porte, le poignard à la main. - Touché ! cria le Piémontais en lui traversant le bras de sa lame fine et aiguë. - Lâche ! répondit le fugitif en fouettant le visage de son ennemi avec la lame de son épée, faute d'espace pour lui donner un coup de pointe. - Oh ! mille démons ! s'écria Coconnas, c'est monsieur de la Mole ! - Monsieur de la Mole ! répétèrent La Hurière et Maurevel. - C'est celui qui a prévenu l'amiral ! crièrent plusieurs soldats. - Tue ! tue ! ... hurla-t-on de tous côtés. Coconnas, La Hurière et dix soldats s'élancèrent à la poursuite de La Mole, qui, couvert de sang et arrivé à ce degré d'exaltation qui est la dernière réserve de la vigueur humaine, bondissait par les rues, sans autre guide que l'instinct. Derrière lui, les pas et les cris de ses ennemis l'éperonnaient et semblaient lui donner des ailes. Parfois une balle sifflait à son oreille et imprimait tout à coup à sa course, près de se ralentir, une nouvelle rapidité. Ce n'était plus une respiration, ce n'était plus une haleine qui sortait de sa poitrine, mais un râle sourd, mais un rauque hurlement. La sueur et le sang dégouttaient de ses cheveux et coulaient confondus sur son visage. Bientôt son pourpoint devint trop serré pour les battements de son coeur, et il l'arracha. Bientôt son épée devint trop lourde pour sa main, et il la jeta loin de lui. Parfois il lui semblait que les pas s'éloignaient et qu'il était près d'échapper à ses bourreaux ; mais aux cris de ceux-ci, d'autres massacreurs qui se trouvaient sur son chemin et plus rapprochés quittaient leur besogne sanglante et accouraient. Tout à coup il aperçut la rivière coulant silencieusement à sa gauche ; il lui sembla qu'il éprouverait, comme le cerf aux abois, un indicible plaisir à s'y précipiter, et la force suprême de la raison put seule le retenir. À sa droite c'était le Louvre, sombre, immobile, mais plein de bruits sourds et sinistres. Sur le pont-levis entraient et sortaient des casques, des cuirasses, qui renvoyaient en froids éclairs les rayons de la lune. La Mole songea au roi de Navarre comme il avait songé à Coligny : c'étaient ses deux seuls protecteurs. Il réunit toutes ses forces, regarda le ciel en faisant tout bas le voeu d'abjurer s'il échappait au massacre, fit perdre par un détour une trentaine de pas à la meute qui le poursuivait, piqua droit vers le Louvre, s'élança sur le pont pêle-mêle avec les soldats, reçut un nouveau coup de poignard qui glissa le long des côtes, et, malgré les cris de : « Tue ! tue ! » qui retentissaient derrière lui et autour de lui, malgré l'attitude offensive que prenaient les sentinelles, il se précipita comme une flèche dans la cour, bondit jusqu'au vestibule, franchit l'escalier, monta deux étages, reconnut une porte et s'y appuya en frappant des pieds et des mains. - Qui est là ?murmura une voix de femme. - Oh ! mon Dieu ! mon Dieu ! murmura La Mole, ils viennent... je les entends... les voilà... je les vois... C'est moi ! ... moi ! ... - Qui vous ? reprit la voix. La Mole se rappela le mot d'ordre. - Navarre ! Navarre ! cria-t-il. Aussitôt la porte s'ouvrit. La Mole, sans voir, sans remercier Gillonne, fit irruption dans un vestibule, traversa un corridor, deux ou trois appartements, et parvint enfin dans une chambre éclairée par une lampe suspendue au plafond. Sous des rideaux de velours fleurdelisé d'or, dans un lit de chêne sculpté, une femme à moitié nue, appuyée sur son bras, ouvrait des yeux fixes d'épouvante. La Mole se précipita vers elle. - Madame ! s'écria-t-il, on tue, on égorge mes frères ; on veut me tuer, on veut m'égorger aussi. Ah ! vous êtes la reine... sauvez-moi. Et il se précipita à ses pieds, laissant sur le tapis une large trace de sang. En voyant cet homme pâle, défait, agenouillé devant elle, la reine de Navarre se dressa épouvantée, cachant son visage entre ses mains et criant au secours. - Madame, dit La Mole en faisant un effort pour se relever, au nom du Ciel, n'appelez pas, car si l'on vous entend, je suis perdu ! Des assassins me poursuivent, ils montaient les degrés derrière moi. Je les entends... les voilà ! les voilà ! ... - Au secours ! répéta la reine de Navarre, hors d'elle, au secours ! - Ah ! c'est vous qui m'avez tué ! dit La Mole au désespoir. Mourir par une si belle voix, mourir par une si belle main ! Ah ! j'aurais cru cela impossible ! Au même instant la porte s'ouvrit et une meute d'hommes haletants, furieux, le visage taché de sang et de poudre, arquebuses, hallebardes et épées en arrêt, se précipita dans la chambre. À leur tête était Coconnas, ses cheveux roux hérissés, son oeil bleu pâle démesurément dilaté, la joue toute meurtrie par l'épée de La Mole, qui avait tracé sur les chairs son sillon sanglant : ainsi défiguré, le Piémontais était terrible à voir. - Mordi ! cria-t-il, le voilà, le voilà ! Ah ! cette fois, nous le tenons, enfin ! La Mole chercha autour de lui une arme et n'en trouva point. Il jeta les yeux sur la reine et vit la plus profonde pitié peinte sur son visage. Alors il comprit qu'elle seule pouvait le sauver, se précipita vers elle et l'enveloppa dans ses bras. Coconnas fit trois pas en avant, et de la pointe de sa longue rapière troua encore une fois l'épaule de son ennemi, et quelques gouttes de sang tiède et vermeil diaprèrent comme une rosée les draps blancs et parfumés de Marguerite. Marguerite vit couler le sang, Marguerite sentit frissonner ce corps enlacé au sien, elle se jeta avec lui dans la ruelle. Il était temps. La Mole, au bout de ses forces, était incapable de faire un mouvement ni pour fuir, ni pour se défendre. Il appuya sa tête livide sur l'épaule de la jeune femme, et ses doigts crispés se cramponnèrent, en la déchirant, à la fine batiste brodée qui couvrait d'un flot de gaze le corps de Marguerite. - Ah ! madame ! murmura-t-il d'une voix mourante, sauvez-moi ! Ce fut tout ce qu'il put dire. Son oeil voilé par un nuage pareil à la nuit de la mort s'obscurcit ; sa tête alourdie retomba en arrière, ses bras se détendirent, ses reins plièrent et il glissa sur le plancher dans son propre sang, entraînant la reine avec lui. En ce moment Coconnas, exalté par les cris, enivré par l'odeur du sang, exaspéré par la course ardente qu'il venait de faire, allongea le bras vers l'alcôve royale. Un instant encore et son épée perçait le coeur de La Mole, et peut-être en même temps celui de Marguerite. À l'aspect de ce fer nu, et peut-être plutôt encore à la vue de cette insolence brutale, la fille des rois se releva de toute sa taille et poussa un cri tellement empreint d'épouvante, d'indignation et de rage, que le Piémontais demeura pétrifié par un sentiment inconnu ; il est vrai que, si cette scène se fût prolongée renfermée entre les mêmes acteurs, ce sentiment allait se fondre comme neige matinale au soleil d'avril. Mais tout à coup, par une porte cachée dans la muraille s'élança un jeune homme de seize à dix-sept ans, vêtu de noir, pâle et les cheveux en désordre. - Attends, ma soeur, attends, cria-t-il, me voilà ! me voilà ! - François ! François ! à mon secours ! dit Marguerite. - Le duc d'Alençon ! murmura La Hurière en baissant son arquebuse. - Mordi, un fils de France ! grommela Coconnas en reculant d'un pas.

« entraient etsortaient descasques, descuirasses, quirenvoyaient enfroids éclairs lesrayons delalune.

LaMole songea auroi deNavarre commeilavait songé àColigny : c’étaientsesdeux seuls protecteurs.

Ilréunit toutes ses forces, regarda leciel enfaisant toutbaslevœu d’abjurer s’iléchappait aumassacre, fitperdre parundétour une trentaine depas àla meute quilepoursuivait, piquadroitversleLouvre, s’élança surlepont pêle-mêle avec les soldats, reçutunnouveau coupdepoignard quiglissa lelong descôtes, et,malgré lescris de : « Tue ! tue !» qui retentissaient derrièreluietautour delui, malgré l’attitude offensivequeprenaient lessentinelles, ilse précipita commeuneflèche danslacour, bondit jusqu’au vestibule, franchitl’escalier, montadeuxétages, reconnut uneporte ets’y appuya enfrappant despieds etdes mains. – Qui estlà ?murmura unevoix defemme. – Oh ! mon Dieu ! monDieu ! murmura LaMole, ilsviennent… jeles entends… lesvoilà… jeles vois… C’est moi ! …moi ! … – Qui vous ? repritlavoix.

LaMole serappela lemot d’ordre. – Navarre ! Navarre !cria-t-il.Aussitôt laporte s’ouvrit.

LaMole, sansvoir, sansremercier Gillonne,fit irruption dansunvestibule, traversauncorridor, deuxoutrois appartements, etparvint enfindansune chambre éclairéeparune lampe suspendue auplafond.

Sousdesrideaux develours fleurdelisé d’or,dans unlit de chêne sculpté, unefemme àmoitié nue,appuyée surson bras, ouvrait desyeux fixesd’épouvante.

LaMole se précipita verselle. – Madame ! s’écria-t-il, ontue, onégorge mesfrères ; onveut metuer, onveut m’égorger aussi.Ah !vous êtes lareine… sauvez-moi. Et ilse précipita àses pieds, laissant surletapis unelarge trace desang. En voyant cethomme pâle,défait, agenouillé devantelle,lareine deNavarre sedressa épouvantée, cachant son visage entresesmains etcriant ausecours. – Madame, ditLaMole enfaisant uneffort pourserelever, aunom duCiel, n’appelez pas,carsil’on vous entend, jesuis perdu ! Desassassins mepoursuivent, ilsmontaient lesdegrés derrière moi.Jeles entends… les voilà ! lesvoilà ! … – Au secours ! répétalareine deNavarre, horsd’elle, ausecours ! – Ah ! c’est vous quim’avez tué !ditLaMole audésespoir.

Mourirparune sibelle voix, mourir parune si belle main ! Ah !j’aurais crucela impossible ! Au même instant laporte s’ouvrit etune meute d’hommes haletants,furieux,levisage tachédesang etde poudre, arquebuses, hallebardesetépées enarrêt, seprécipita danslachambre. À leur têteétait Coconnas, sescheveux rouxhérissés, sonœilbleu pâledémesurément dilaté,lajoue toute meurtrie parl’épée deLa Mole, quiavait tracé surleschairs sonsillon sanglant : ainsidéfiguré, lePiémontais était terrible àvoir. – Mordi ! cria-t-il, levoilà, levoilà ! Ah !cette fois,nous letenons, enfin ! La Mole chercha autourdelui une arme etn’en trouva point.Iljeta lesyeux surlareine etvit laplus profonde pitiépeinte surson visage.

Alorsilcomprit qu’elleseulepouvait lesauver, seprécipita verselleet l’enveloppa danssesbras. Coconnas fittrois pasenavant, etde lapointe desalongue rapière trouaencore unefoisl’épaule deson ennemi, etquelques gouttesdesang tiède etvermeil diaprèrent commeunerosée lesdraps blancs etparfumés de Marguerite. Marguerite vitcouler lesang, Marguerite sentitfrissonner cecorps enlacé ausien, ellesejeta avec luidans la ruelle.

Ilétait temps.

LaMole, aubout deses forces, étaitincapable defaire unmouvement nipour fuir,nipour se défendre.

Ilappuya satête livide surl’épaule delajeune femme, etses doigts crispés secramponnèrent, enla déchirant, àla fine batiste brodée quicouvrait d’unflotdegaze lecorps deMarguerite. – Ah ! madame ! murmura-t-il d’unevoixmourante, sauvez-moi ! Ce fut tout cequ’il putdire.

Sonœilvoilé parunnuage pareilàla nuit delamort s’obscurcit ; satête alourdie retomba enarrière, sesbras sedétendirent, sesreins plièrent etilglissa surleplancher danssonpropre sang, entraînant lareine aveclui. En cemoment Coconnas, exaltéparlescris, enivré parl’odeur dusang, exaspéré parlacourse ardente qu’il venait defaire, allongea lebras versl’alcôve royale.Uninstant encoreetson épée perçait lecœur deLa Mole, et peut-être enmême tempsceluideMarguerite. À l’aspect decefer nu, etpeut-être plutôtencore àla vue decette insolence brutale,lafille desrois sereleva de toute sataille etpoussa uncritellement empreintd’épouvante, d’indignation etde rage, quelePiémontais demeura pétrifiéparunsentiment inconnu ;ilest vrai que, sicette scène sefût prolongée renfermée entreles mêmes acteurs, cesentiment allaitsefondre comme neigematinale ausoleil d’avril. Mais toutàcoup, parune porte cachée danslamuraille s’élançaunjeune homme deseize àdix-sept ans,vêtu de noir, pâleetles cheveux endésordre. – Attends, masœur, attends, cria-t-il, mevoilà ! mevoilà ! – François ! François !àmon secours ! ditMarguerite. – Le duc d’Alençon ! murmuraLaHurière enbaissant sonarquebuse. – Mordi, unfils deFrance ! grommela Coconnasenreculant d’unpas.. »

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