Il le souleva au-dessus du balcon, le balança un instant dans le vide, et le jeta aux pieds de son maître.
Publié le 04/11/2013
Extrait du document
«
entraient
etsortaient descasques, descuirasses, quirenvoyaient enfroids éclairs lesrayons delalune.
LaMole
songea auroi deNavarre commeilavait songé àColigny : c’étaientsesdeux seuls protecteurs.
Ilréunit toutes
ses forces, regarda leciel enfaisant toutbaslevœu d’abjurer s’iléchappait aumassacre, fitperdre parundétour
une trentaine depas àla meute quilepoursuivait, piquadroitversleLouvre, s’élança surlepont pêle-mêle avec
les soldats, reçutunnouveau coupdepoignard quiglissa lelong descôtes, et,malgré lescris de : « Tue ! tue !»
qui retentissaient derrièreluietautour delui, malgré l’attitude offensivequeprenaient lessentinelles, ilse
précipita commeuneflèche danslacour, bondit jusqu’au vestibule, franchitl’escalier, montadeuxétages,
reconnut uneporte ets’y appuya enfrappant despieds etdes mains.
– Qui estlà ?murmura unevoix defemme.
– Oh ! mon Dieu ! monDieu ! murmura LaMole, ilsviennent… jeles entends… lesvoilà… jeles vois… C’est
moi ! …moi ! …
– Qui vous ? repritlavoix.
LaMole serappela lemot d’ordre.
– Navarre ! Navarre !cria-t-il.Aussitôt laporte s’ouvrit.
LaMole, sansvoir, sansremercier Gillonne,fit
irruption dansunvestibule, traversauncorridor, deuxoutrois appartements, etparvint enfindansune
chambre éclairéeparune lampe suspendue auplafond.
Sousdesrideaux develours fleurdelisé d’or,dans unlit
de chêne sculpté, unefemme àmoitié nue,appuyée surson bras, ouvrait desyeux fixesd’épouvante.
LaMole se
précipita verselle.
– Madame ! s’écria-t-il, ontue, onégorge mesfrères ; onveut metuer, onveut m’égorger aussi.Ah !vous
êtes lareine… sauvez-moi.
Et ilse précipita àses pieds, laissant surletapis unelarge trace desang.
En voyant cethomme pâle,défait, agenouillé devantelle,lareine deNavarre sedressa épouvantée, cachant
son visage entresesmains etcriant ausecours.
– Madame, ditLaMole enfaisant uneffort pourserelever, aunom duCiel, n’appelez pas,carsil’on vous
entend, jesuis perdu ! Desassassins mepoursuivent, ilsmontaient lesdegrés derrière moi.Jeles entends… les
voilà ! lesvoilà ! …
– Au secours ! répétalareine deNavarre, horsd’elle, ausecours !
– Ah ! c’est vous quim’avez tué !ditLaMole audésespoir.
Mourirparune sibelle voix, mourir parune si
belle main ! Ah !j’aurais crucela impossible !
Au même instant laporte s’ouvrit etune meute d’hommes haletants,furieux,levisage tachédesang etde
poudre, arquebuses, hallebardesetépées enarrêt, seprécipita danslachambre.
À leur têteétait Coconnas, sescheveux rouxhérissés, sonœilbleu pâledémesurément dilaté,lajoue toute
meurtrie parl’épée deLa Mole, quiavait tracé surleschairs sonsillon sanglant : ainsidéfiguré, lePiémontais
était terrible àvoir.
– Mordi ! cria-t-il, levoilà, levoilà ! Ah !cette fois,nous letenons, enfin !
La Mole chercha autourdelui une arme etn’en trouva point.Iljeta lesyeux surlareine etvit laplus
profonde pitiépeinte surson visage.
Alorsilcomprit qu’elleseulepouvait lesauver, seprécipita verselleet
l’enveloppa danssesbras.
Coconnas fittrois pasenavant, etde lapointe desalongue rapière trouaencore unefoisl’épaule deson
ennemi, etquelques gouttesdesang tiède etvermeil diaprèrent commeunerosée lesdraps blancs etparfumés
de Marguerite.
Marguerite vitcouler lesang, Marguerite sentitfrissonner cecorps enlacé ausien, ellesejeta avec luidans la
ruelle.
Ilétait temps.
LaMole, aubout deses forces, étaitincapable defaire unmouvement nipour fuir,nipour
se défendre.
Ilappuya satête livide surl’épaule delajeune femme, etses doigts crispés secramponnèrent, enla
déchirant, àla fine batiste brodée quicouvrait d’unflotdegaze lecorps deMarguerite.
– Ah ! madame ! murmura-t-il d’unevoixmourante, sauvez-moi !
Ce fut tout cequ’il putdire.
Sonœilvoilé parunnuage pareilàla nuit delamort s’obscurcit ; satête alourdie
retomba enarrière, sesbras sedétendirent, sesreins plièrent etilglissa surleplancher danssonpropre sang,
entraînant lareine aveclui.
En cemoment Coconnas, exaltéparlescris, enivré parl’odeur dusang, exaspéré parlacourse ardente qu’il
venait defaire, allongea lebras versl’alcôve royale.Uninstant encoreetson épée perçait lecœur deLa Mole, et
peut-être enmême tempsceluideMarguerite.
À l’aspect decefer nu, etpeut-être plutôtencore àla vue decette insolence brutale,lafille desrois sereleva
de toute sataille etpoussa uncritellement empreintd’épouvante, d’indignation etde rage, quelePiémontais
demeura pétrifiéparunsentiment inconnu ;ilest vrai que, sicette scène sefût prolongée renfermée entreles
mêmes acteurs, cesentiment allaitsefondre comme neigematinale ausoleil d’avril.
Mais toutàcoup, parune porte cachée danslamuraille s’élançaunjeune homme deseize àdix-sept ans,vêtu
de noir, pâleetles cheveux endésordre.
– Attends, masœur, attends, cria-t-il, mevoilà ! mevoilà !
– François ! François !àmon secours ! ditMarguerite.
– Le duc d’Alençon ! murmuraLaHurière enbaissant sonarquebuse.
– Mordi, unfils deFrance ! grommela Coconnasenreculant d’unpas..
»
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