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« Il y a quelque chose, dit-il pour gagner du temps.

Publié le 30/10/2013

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temps
« Il y a quelque chose, dit-il pour gagner du temps. J'essaie de me souvenir. - Souviens-toi. « Sa voix était aiguë, anxieuse. « Eh bien !... « Il avait trouvé. « Je l'ai entendue dire aux flics... Attendez... Elle leur a demandé pourquoi elle ne pouvait pas aller dans le Sud, elle a dit qu'elle avait des parents à San Luis Obispo. « Kate se pencha vers lui. « Oui ? - Et les flics lui ont répondu que c'était trop loin. - Tu as bonne mémoire, Joe. Où vas-tu aller d'abord ? - Watson ville, répondit-il. J'ai un ami à San Luis. Je lui donnerai un coup de fil. Il cherchera pour moi. - Joe, dit-elle sèchement, je ne veux pas que ça s'ébruite. - Pour cinq cents dollars, ce sera fait vite et bien. « Il se sentait content de lui, bien que Kate l'examinât à nouveau, les yeux à demi fermés. Lorsqu'il entendit sa phrase suivante, il eut l'impression que son estomac se décrochait. « Au fait, Joe..., est-ce que le nom de Venuta te dit quelque chose ? « Il essaya de répondre avant que sa gorge fût trop serrée. « Absolument rien. - Reviens aussitôt que tu pourras. Dis à Helen de monter. Elle te remplacera. « Joe fit sa valise, alla à la gare et prit un billet pour Watson ville. À Castroville, première station vers le nord, il descendit du train et attendit pendant quatre heures l'express de San Francisco, le Del Monte, qui s'arrête à Monterey. Là, il prit une chambre à l'hôtel Central, sous le nom de John Vicker, redescendit, mangea un steak chez Pop Ernst, acheta une bouteille de whisky, et remonta dans sa chambre. Il enleva ses chaussures, sa veste, son gilet, son col et sa cravate, et s'allongea sur son lit à barreaux de cuivre, le whisky et un verre à portée de la main sur la table de nuit. La lumière de l'applique, au-dessus de sa tête, ne le gênait pas. Il ne l'avait pas remarquée. Avec méthode, il but d'abord un demi-verre de whisky pour se dégourdir le cerveau, puis il noua les mains derrière la tête, croisa les jambes et se mit à comparer des idées, des impressions et des suppositions. Il avait bien joué et Kate n'avait rien vu. Mais, bon Dieu, comment savait-elle qu'il s'était évadé ? Il eut envie de partir pour Reno, ou peut-être pour Seattle. Un port, c'est plus sûr. On a l'eau devant soi. Mais tout de même... pas si vite. Réfléchir d'abord. Ethel n'avait rien volé. Elle savait quelque chose. Kate avait peur d'Ethel. Cinq cents dollars représentaient beaucoup d'oseille pour aller rechercher une vieille pute. Premièrement, ce qu'Ethel voulait dire au juge était vrai. Deuxièmement, Kate en avait peur. Voilà ce dont il fallait se servir. Merde ! Et le casier ? Joe ne tenait pas du tout à retourner à San Quentin pour faire son année, plus le rab. Ça ne gâtait rien d'y penser. Supposons qu'il y ait à parier quatre ans contre... disons dix mille dollars. L'enjeu en valait-il la peine ? Question inutile. Kate savait depuis longtemps et elle ne l'avait pas dénoncé. Peut-être que, dans le fond, Kate avait confiance en Joe. Peut-être que Ethel représentait une quinte flush. Maintenant... une seconde. Réfléchissons. C'était peut-être la grande chance. Que devait-il faire avec son jeu ? Kate avait de la ressource. Joe se demanda s'il était de taille à jouer contre elle. Devait-il suivre ou relancer ? Il s'assit et remplit son verre. Il éteignit sa lampe de chevet et releva son store. Tout en buvant son whisky, il observa, dans une chambre de l'autre côté de la rue, une petite femme maigre en peignoir de bain qui lavait ses bas dans une cuvette. Joe sentait l'alcool battre à ses tempes. C'était peut-être la chance. Dieu sait que Joe l'attendait depuis longtemps. Dieu sait combien il haïssait cette putain aux petites dents pointues. Mais, prudence. Il ouvrit sa fenêtre sans faire de bruit, prit un porte-plume sur sa table et l'envoya dans les vitres de la fenêtre d'en face. Cela l'amusa de voir l'air affolé de la femme maigre qui, lorsqu'elle eut compris, tira son store d'un coup sec. Au bout du troisième verre, la bouteille était vide. Joe eut envie de descendre dans la rue et d'aller visiter la ville, mais il obéit à la règle qu'il s'était fixée : ne jamais quitter sa chambre quand on a bu. De cette façon, on ne risque pas d'ennuis. Car les ennuis signifiaient les flics, les flics signifiaient un contrôle des papiers, et cela signifiait, raide comme une balle, un petit voyage à San Quentin, et, cette fois, on ne t'enverrait pas travailler sur les routes, pour le récompenser de sa bonne conduite. Il abandonna l'idée d'aller faire un tour. Joe avait une autre joie qu'il gardait pour les moments de solitude, mais il ne savait pas que c'était une joie. Sa chambre d'hôtel était un lieu propice. Allongé sur son lit, il se remémora son enfance malheureuse et son adolescence tourmentée. Pas de chance... l'occasion ne s'était jamais présentée. Ce sont les seigneurs qui ont de la chance. Evidemment, il y avait des broutilles pour lesquelles il n'avait pas été pincé, mais... et la valise de couteaux de poche ? Les flics allèrent droit chez lui et l'embarquèrent. À partir de ce moment-là, il eut un casier et la police l'eut à l'oeil. À Daly City, dès qu'un type volait un carton de framboises dans un camion, c'était Joe qui écopait. Et, à l'école, ça avait continué. Les professeurs étaient contre lui, le principal était contre lui. C'était trop. Joe, l'indésirable, s'était échappé. À force de ressasser tous ces souvenirs d'illusions déçues, une tristesse tiède l'envahit et, lorsqu'il eut projeté tout le film de sa mauvaise chance, des larmes lui montèrent aux yeux, ses lèvres frémirent, et il pleura sur l'enfant perdu qu'il avait été et l'homme qu'il était devenu - regardez-le - un raté, un portier de bordel. D'autres hommes avaient des maisons et des voitures, ils étaient en sûreté chez eux, heureux, et, lorsque la nuit tombait, ils tiraient leurs rideaux, et Joe restait dans la rue. Il pleura doucement jusqu'à ce qu'il s'endormît. Il se leva le lendemain matin à dix heures, et alla prendre un copieux petit déjeuner chez Pop Ernst. Au début de l'après-midi, il prit un car pour Watsonville et fit trois parties de billard avec un ami qu'il avait appelé au téléphone. Joe, après avoir gagné la dernière partie, remit sa queue dans le râtelier et tendit à son adversaire deux coupures de dix dollars. « Inutile, dit son ami. Garde ton argent. - Prends-le, dit Joe. C'est pas comme si je t'avais donné quelque chose. - Au contraire. Tu m'as dit qu'elle n'était pas ici, et si un gars pouvait me renseigner, c'était bien toi. - Tu veux pas me dire pourquoi tu la cherches ? - Wilson, je te l'ai dit au début, et je te le répète, j'en sais rien. Je fais un boulot. - Je ne sais rien de plus. Attends... Je sais qu'il y a ce congrès... de quoi déjà ?... des chirurgiens dentistes, je crois. Je ne sais pas si je l'ai entendu dire, qu'elle y allait, ou si c'est moi qui l'ai imaginé. Je dois perdre la mémoire. Passe un coup de fil à Santa Cruz. Tu connais quelqu'un ? - J'ai des relations, dit Joe. - Va voir H. V. Mahler. Il a une salle de billard, et des jeux derrière. - Merci, dit Joe. - Allons, Joe, garde ton argent. - C'est pas le mien... Paie-toi un cigare. « L'autobus le déposa à deux portes de chez Hal. Il était l'heure de dîner, mais on continuait à jouer. Joe patienta une heure. Enfin, Hal quitta la table pour aller aux cabinets. Joe le suivit. On fait facilement connaissance dans les urinoirs. Hal examina Joe de ses yeux pâles, agrandis par des verres épais. Il reboutonna sa braguette, ajusta ses manchettes d'alpaga noir, et remit d'aplomb sa visière verte.
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« combien ilhaïssait cetteputain auxpetites dentspointues.

Mais,prudence. Il ouvrit safenêtre sansfaire debruit, pritunporte-plume sursatable etl’envoya dans les vitres delafenêtre d’enface.

Celal’amusa devoir l’airaffolé delafemme maigre qui, lorsqu’elle eutcompris, tirason store d’uncoup sec. Au bout dutroisième verre,labouteille étaitvide.

Joeeutenvie dedescendre danslarue et d’aller visiterlaville, maisilobéit àla règle qu’ils’était fixée : nejamais quitter sa chambre quandonabu.

Decette façon, onnerisque pasd’ennuis.

Carlesennuis signifiaient lesflics, lesflics signifiaient uncontrôle despapiers, etcela signifiait, raide comme uneballe, unpetit voyage àSan Quentin, et,cette fois,onnet’enverrait pas travailler surlesroutes, pourlerécompenser desabonne conduite.

Ilabandonna l’idée d’aller faireuntour. Joe avait uneautre joiequ’il gardait pourlesmoments desolitude, maisilne savait pas que c’était unejoie.

Sachambre d’hôtelétaitunlieu propice.

Allongésurson lit,ilse remémora sonenfance malheureuse etson adolescence tourmentée.

Pasdechance… l’occasion nes’était jamais présentée.

Cesont lesseigneurs quiont delachance. Evidemment, ilyavait desbroutilles pourlesquelles iln’avait pasétépincé, mais… etla valise decouteaux depoche ? Lesflics allèrent droitchezluietl’embarquèrent.

Àpartir de cemoment-là, ileut uncasier etlapolice l’eutàl’œil.

ÀDaly City, dèsqu’un type volait uncarton deframboises dansuncamion, c’étaitJoequiécopait.

Et,àl’école, ça avait continué.

Lesprofesseurs étaientcontrelui,leprincipal étaitcontre lui.C’était trop.

Joe,l’indésirable, s’étaitéchappé. À force deressasser touscessouvenirs d’illusions déçues,unetristesse tièdel’envahit et, lorsqu’il eutprojeté toutlefilm desamauvaise chance,deslarmes luimontèrent aux yeux, seslèvres frémirent, etilpleura surl’enfant perduqu’ilavait étéetl’homme qu’il était devenu –regardez-le –un raté, unportier debordel.

D’autres hommes avaientdes maisons etdes voitures, ilsétaient ensûreté chezeux,heureux, et,lorsque lanuit tombait, ilstiraient leursrideaux, etJoe restait danslarue.

Ilpleura doucement jusqu’à ce qu’il s’endormît. Il se leva lelendemain matinàdix heures, etalla prendre uncopieux petitdéjeuner chez Pop Ernst.

Audébut del’après-midi, ilprit uncar pour Watsonville etfit trois parties de billard avecunami qu’il avait appelé autéléphone.

Joe,après avoirgagné ladernière partie, remitsaqueue danslerâtelier ettendit àson adversaire deuxcoupures dedix dollars.

« Inutile, ditson ami.

Garde tonargent. – Prends-le, ditJoe.

C’est pascomme sije t’avais donnéquelque chose. – Au contraire.

Tum’as ditqu’elle n’étaitpasici,etsiun gars pouvait merenseigner, c’était bientoi. – Tu veuxpasmedire pourquoi tulacherches ? – Wilson, jete l’ai ditaudébut, etjete lerépète, j’ensais rien.

Jefais unboulot. – Je nesais rien deplus.

Attends… Jesais qu’il ya ce congrès… dequoi déjà ?… des chirurgiens dentistes,jecrois.

Jene sais passije l’ai entendu dire,qu’elle yallait, ousi c’est moiquil’aiimaginé.

Jedois perdre lamémoire.

Passeuncoup defilàSanta Cruz. Tu connais quelqu’un ? – J’ai desrelations, ditJoe. – Va voirH.V.Mahler.

Ilaune salle debillard, etdes jeux derrière. – Merci, ditJoe. – Allons, Joe,garde tonargent. – C’est paslemien… Paie-toi uncigare. » L’autobus ledéposa àdeux portes dechez Hal.Ilétait l’heure dedîner, maison continuait àjouer.

Joepatienta uneheure.

Enfin,Halquitta latable pouralleraux cabinets.

Joelesuivit.

Onfait facilement connaissance danslesurinoirs.

Halexamina Joe deses yeux pâles, agrandis pardes verres épais.Ilreboutonna sabraguette, ajusta ses manchettes d’alpaganoir,etremit d’aplomb savisière verte.. »

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