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J. Gracq, La presqu'île.

Publié le 27/04/2011

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gracq

Simon, le héros, goûte, pendant tout un après-midi, à bord de sa voiture, aux charmes d'une promenade à travers la campagne bretonne. Il vient d'arriver au village fortifié de Coatliguen, où il décide de faire halte.    [...] Dès qu'on avait quitté la place et qu'on entrait dans l'ombre des maisons, le soir était assis dans les ruelles, surveillées seulement du coin des seuils par l'œil mi-clos des chats prudents. Le bruit du moteur une fois arrêté, le silence étourdissait un peu Simon : peu de monde à cette heure dans les ruelles pleines de courants d'air, qui, plutôt que pour des passants de chair, paraissaient faites pour des apparitions plus fuyantes; un tourbillon de feuilles sèches, l'éclair d'un linge séchant à l'appui d'une fenêtre, ou la robe voletante d'un prêtre dans l'éloignement. Le bruit de ses pas sur le pavé de la rue retentissait contre le pavé des façades ; au long de ces venelles coudées il lui semblait se promener dans une oreille de pierre. L'exaltation qu'il avait ressentie sur la route était tombée; cette citerne de froid et de silence entre ses margelles de pierre le dégrisait. Le froid, le silence, l'immobilité, la nuit, il les avait toujours aimés, mais parfois, au creux d'une forêt, devant une mare dormante, dans l'accueil figé d'une pièce vide, il les touchait (1) du doigt tout à coup comme une promesse glacée, un état final, dernier, qui une seconde laissait tomber le masque — ses soirées surtout, à la tombée du jour, étaient pleines de ces paniques mal domestiquées. Il sentait distinctement la fraîcheur tomber sur ses épaules ; il frissonna, fâché de sa promenade, rebroussa chemin vers la porte de la ville, que l'ombre des maisons coupait maintenant à mi-hauteur. Au haut de la tour qui la coiffait, le soleil brûlait les touffes de giroflées des corniches et enflammait le cadran de l'horloge. Le cri des corneilles tombait sur la ruelle avec le soir. Plus résonnant, plus prolongé, plus caverneux, on eût dit, entre ces pierres affinées par la vibration des cloches.    J. Gracq, La presqu'île.    Vous ferez un commentaire composé de ce passage. Vous pourriez étudier par exemple comment le romancier, à partir d'une description réaliste, introduit peu à peu le lecteur dans un univers étrange et inquiétant. Mais ces indications ne sont pas contraignantes : vous avez toute latitude pour orienter votre lecture à votre gré.

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