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Julien Gracq, La presqu'île

Publié le 28/03/2011

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gracq

Parties du programme abordées: - Le XXe siècle. - Julien Gracq. Conseils pratiques : On s'attachera tout particulièrement à l'étude des effets de style et des champs lexicaux (beaucoup de mots en effet traduisent cet «effacement progressif du monde« dont parle le libellé).  

Dans la nouvelle intitulée «La presqu'île«, Simon passe la journée à attendre l'arrivée d'une femme prévue pour le soir. Il se leva et vint s'accouder au balcon ; machinalement, il se frotta les yeux comme quand on s'éveille : une pente neuve de l'après-midi s'annonçait. Le soleil en face du balcon était encore haut, mais la gaze de brume qui montait de la mer s'était épaissie et commençait à se voiler. La mer avait cessé de grésiller sous la lumière tombant d'aplomb; elle paraissait plus vaste, touchée d'un gris d'ardoise cendreux qui l'élargissait et qui semblait laisser glisser sur elle une pensée triste. Les bateaux de plaisance étaient rentrés. On ne voyait plus dans toute la baie que deux voiles de pêcheurs qui s'éloignaient, creusant l'horizon déjà vague, faisant cailler autour d'elles la brume, traînant le sillage plus lent à se refermer, parce que l'esprit le prolonge, de l'appareillage du soir. Simon regarda un moment les voiles en partance et les baigneurs qui revenaient de la plage, leurs ombres déjà longues tremblant devant eux une à une sur la laisse (1) de sable mouillé. Les mouettes s'abattaient par bancs ondulants sur les glaçures miroitantes. Entre la mer qui se retirait, encapuchonnée de sombre pour la nuit, et le quai où se défaisaient les groupes encore animés des baigneurs, grandissait une zone de délaissement songeuse, repeuplée peu à peu comme un marais perdu par les oiseaux criards. Les promeneurs du quai en s'éloignant s'arrêtaient avant de tourner l'angle des ruelles, et jetaient vers la plage, en se retournant, le coup d'œil distrait qu'on adresse, le spectacle fini, à la scène vide : la journée déjà touchait à ce creux inoccupé, étale, au bout duquel les feux de la côte allaient s'allumer. Julien Gracq, La presqu'île, 1970.

(1) La laisse: espace de mer laissé découvert à chaque marée. Vous ferez de ce texte un commentaire composé; vous pourrez par exemple vous attacher à montrer comment le narrateur suggère l'effacement progressif du monde.   

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