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Jacques FAUVET. Difficultés de l'information. (Le Monde)

Publié le 22/03/2011

Extrait du document

Le journaliste est un observateur qui rend compte d'événements dont il n'est pas toujours le témoin direct ; il doit faire confiance à des informateurs : correspondants, agences et lecteurs, qui eux-mêmes ne sont pas toujours les témoins directs de l'événement et dont les versions sont souvent différentes. Du journaliste, on a dit qu'il était l'historien de l'instant. Il y a contradiction dans les termes. L'historien, à la différence du journaliste, dispose de tout le recul nécessaire, dans l'espace et dans le temps. Mais, alors qu'il peut à loisir utiliser témoignages et documents, il peut lui-même se tromper non pas seulement sur l'interprétation des événements mais sur leur déroulement, voire sur leur réalité. Face à cette difficulté qui consiste à établir en quelques heures, ou quelques minutes, la vérité ou la vraisemblance d'un fait, un journal n'est pas dépourvu de moyens ; il peut et doit multiplier les sources d'information, recouper et vérifier les nouvelles, publier plusieurs versions, user, bien sûr, sans trop abuser, du conditionnel, qui n'est pas une clause de style, et enfin, et surtout, compléter ou corriger quand la lacune ou l'erreur est par trop manifeste. [...] Si l'erreur de fait est possible, l'erreur de jugement ne l'est pas moins. Toutes deux peuvent être substantiellement liées. Le jugement du journaliste, de tout journaliste, commence au moment où il apprécie la valeur, la signification, la portée ou simplement la réalité d'un événement. Dès cet instant, il entre inévitablement un élément de subjectivité dans sa décision. S'il n'en était pas ainsi, tous les journaux donneraient la même place et la même importance aux événements, et, dans un même journal, tous les rédacteurs seraient instantanément d'accord à chaque étape de son élaboration : choix, volume, place de l'information. A la limite, on peut faire sienne la formule de çe professeur de journalisme : la nouvelle n'est pas un objet mais le produit d'un jugement. Le journal a un autre moyen de faire face à cette difficulté : publier le plus grand nombre possible d'informations sur le même événement ou sur des événements différents. Le risque

d'erreur ou d'omission (de fait et de jugement) est alors d'autant moins grand. Le lecteur a l'assurance, ou l'espoir, que rien d'important ou de significatif ne lui sera dissimulé. L'objectivité naît ainsi, d'une certaine façon, de l'absence des nouvelles, mais cet effort suppose un volume qui n'est pas permis à tous les journaux. Il est un dernier moyen de faire face aux difficultés quotidiennes de l'information, [...] c'est d'attendre, pour en parler, que l'événement ait pris définitivement tournure, qu'il soit achevé dans sa durée et sa forme. Certes, à trop s'approcher d'un événement chaud, on risque de se brûler les doigts. Mais un journalisme refroidi est-il du journalisme ? Il est plus prudent et plus confortable de se tenir à distance et d'attendre, pour présenter un fait inquiétant, exprimer une vérité cruelle, que l'opinion soit préparée à les recevoir, prête à les accepter... [...] Le journalisme, c'est la vie, la vie mouvante, passionnée, troublante ; les apeurés et les frileux n'ont guère plus de place ou de rôle dans la vie que dans le journalisme. * * * Cet effort d'information plus ou moins bien accompli, un journal a le droit et le devoir d'émettre une opinion. Il y a à cet égard trois sortes de journaux. Ceux qui se disent — ou que l'on dit — d'information et seulement d'information. Mais en est-il un seul qui le soit? Car ne pas avoir d'opinion, c'est encore en avoir une. Ne pas choisir, ou en donner l'impression, entre le vrai, le vraisemblable et le faux, entre ce que l'on croit être le bien ou le mal, entre le significatif et le non-significatif, c'est bien avoir une opinion, le plus souvent conservatrice. Quand un homme ou un pays souffre d'une injustice grave, l'indifférence est une opinion. Quand un crime est commis, individuel ou collectif, fût-ce au nom de la raison d'État, le silence est une opinion. Et le mensonge par omission peut être la pire des opinions. Il y a, à l'opposé, ceux qui, étant au service d'un parti, d'une idéologie, d'une confession et, a fortiori, d'un intérêt, en sont l'expression officielle. Il y a enfin les journaux matériellement et politiquement indépendants, qui expriment librement une opinion mais en présentant auparavant le plus grand nombre possible d'éléments d'information et de réflexion. Se prononcer lorsqu'un choix simple et grave se pose au pays — ratification d'un traité, référendum, élections nationales — mais après avoir publié les documents, fait écho aux débats et aux points de vue les plus différents : s'il fait cet effort, un journal indépendant a le droit d'émettre un jugement qui s'impose d'autant moins au lecteur que celui-ci aura eu tous les éléments de son propre jugement. Il en a le devoir, car le lecteur a le droit, lui, de connaître l'opinion de son journal, ne serait-ce que pour la confronter à la sienne, l'approuver ou la rejeter. Selon votre préférence, résumez le texte en respectant son mouvement, ou bien analysez-fe en en distinguant et ordonnant les thèmes et en vous attachant à rendre compte de leurs rapports. Vous indiquerez, en tête de votre copie, par le mot résumé ou analyse, la nature de votre choix. Après ce résumé ou cette analyse, vous dégagerez du texte un problème auquel vous attachez un intérêt particulier : vous en préciserez les données, vous les discuterez s'il y a lieu et vous exposerez, en les justifiant, vos propres vues sur la question.

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