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Jaurès, « À la veille du congrès de Londres »

Publié le 14/04/2013

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En mai 1896, quelques mois après l’annexion de Madagascar, Jean Jaurès affûte son argumentaire sur la question coloniale en vue du congrès de l’Internationale. Il rejette l’action du colonialisme capitaliste, en soi et parce qu’il asservit les populations colonisées. Mais s’il parle d’affranchir ces dernières, il n’envisage pas leur retour à une complète liberté. Cette position témoigne de la nature de l’anticolonialisme des socialistes à l’époque et, in fine, des limites de leur acception des droits de l’homme : l’attachement au rôle civilisateur de la France et à sa légitimité de grande puissance justifient un néocolonialisme missionnaire, universaliste et intégrationniste.

« À la veille du congrès de Londres «, discours de Jean Jaurès (17 mai 1896)

 

Il ne faudra donc pas, à mon sens, que le socialisme se borne à définir par une formule théorique son sentiment sur la politique coloniale… C’est entendu : nous la réprouvons, parce qu’elle gaspille des richesses et des forces qui devraient être dès maintenant appliquées à l’amélioration du sort du peuple. Nous la réprouvons, parce qu’elle est la conséquence la plus déplorable du régime capitaliste, qui resserre sur place la consommation en ne rémunérant pas tout le travail des travailleurs, et qui est obligé de se créer au loin, par la conquête et la violence, des débouchés nouveaux. Nous la réprouvons, enfin, parce que dans toutes les expéditions coloniales l’injustice capitaliste se complique et s’aggrave d’une exceptionnelle corruption. Tous les instincts de déprédations et de rapines déchaînés au loin par la certitude de l’impunité, et amplifiés par les puissances nouvelles de la spéculation, s’y développent à l’aise : et la férocité sournoise de l’humanité primitive y est merveilleusement mise en œuvre par les plus ingénieux mécanismes de l’engin capitaliste.

 

 

Tout cela, le socialisme international le dira, ou plutôt le redira sans doute à Londres. Et il dira sans doute aussi que la civilisation ne s’interdira pas de rayonner sur les parties obscures de la planète. Ce sera son devoir, au contraire, de procéder, par degrés, à l’unification de la race humaine ; mais ce n’est point l’esprit de rapine qui la guidera à travers le monde : elle s’étendra, non pour exploiter, mais pour affranchir et apaiser.

 

 

Source : Jaurès (Jean), « À la veille du congrès de Londres «, dans la Petite République, 17 mai 1896.

 

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