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La bataille. (Le Cid, acte IV, sc. III.) - Corneille

Publié le 21/06/2011

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corneille

DON RODRIGUE Sire, vous avez su qu'en ce danger pressant, Qui jeta dans la ville un effroi si puissant, Une troupe d'amis, chez mon père assemblée, Sollicita mon âme encor toute troublée... Mais, Sire, pardonnez à ma témérité Si j'osai l'employer sans votre autorité : Le péril approchait, leur brigade était prête : Me montrant à la cour, je hasardais ma tête; Et, s'il fallait la perdre, il m'était bien plus doux De sortir de la vie en combattant pour vous.

DON FERNAND J'excuse ta chaleur à venger ton offense, Et l'État défendu me parle en ta défense; Crois que dorénavant Chimène a beau parler, Je ne l'écoute plus que pour la consoler. Mais poursuis.

DON RODRIGUE Sous moi donc cette troupe s'avance Et porte sur le front une mâle assurance. Nous partîmes cinq cents; et par un prompt renfort, Nous nous vîmes trois mille en arrivant au port, Tant, à nous voir marcher avec un tel visage, Les plus épouvantés reprenaient de courage. J'en cache les deux tiers, aussitôt qu'arrivés, Dans le fond des vaisseaux qui lors furent trouvés; Le reste, dont le nombre augmentait à toute heure, Brûlant d'impatience, autour de moi demeure, Se couche contre terre, et, sans faire aucun bruit, Passe une bonne part d'une si belle nuit. Par mon commandement, la garde en fait de même, Et, se tenant cachée, aide à mon stratagème. Et je feins hardiment d'avoir reçu de vous L'ordre qu'on me voit suivre et que je donne à tous. Cette obscure clarté qui tombe des étoiles Enfin avec le flux nous fit voir trente voiles : L'onde s'enfle dessous, et d'un commun effort Les Maures et la mer montent jusques au port. On les laisse passer, tout leur paraît tranquille : Point de soldats au port, point aux murs de la ville. Notre profond silence abusant leurs esprits, Ils n'osent plus douter de nous avoir surpris : Ils abordent sans peur, ils ancrent, ils descendent, Et courent se livrer aux mains qui les attendent. Nous nous levons alors, et tous en même temps Poussons jusques au ciel mille cris éclatants; Les nôtres, à ces cris, de nos vaisseaux répondent : Ils paraissent armés, les Maures se confondent, L'épouvante les prend à demi descendus; Avant que de combattre, ils s'estiment perdus, Ils couraient au pillage et rencontrent la guerre Nous les pressons sur l'eau, nous les pressons sur terre, Et nous faisons courir des ruisseaux de leur sang Avant qu'aucun résiste ou reprenne son rang. Mais bientôt, malgré nous, leurs princes se rallient, Leur courage renaît et leurs terreurs s'oublient La honte de mourir sans avoir combattu Arrête leur désordre et leur rend leur vertu. Contre nous de pied ferme ils tirent leurs alfanges, De notre sang au leur font d'horribles mélanges : Et la terre, et le fleuve, et leur flotte, et le port, Sont des champs de carnage où triomphe la mort. Oh! combien d'actions, combien d'exploits célèbres Sont demeurés sans gloire au milieu des ténèbres, Où chacun, seul témoin des grands coups qu'il donnait, Ne pouvait discerner où le sort inclinait! J'allais de tous côtés encourager les nôtres, Faire avancer les uns et contenir les autres, Ranger ceux qui venaient, les pousser à leur tour : Et ne l'ai pu savoir jusques au point du jour. Mais enfin sa clarté montre notre avantage; Le Maure voit sa perte et perd soudain courage. Et, voyant du renfort qui nous vient secourir, L'ardeur de vaincre cède à la peur de mourir. Ils gagnent leurs vaisseaux, ils en coupent les câbles, Poussent jusques au ciel des cris épouvantables, Font retraite en tumulte et sans considérer Si leurs rois avec eux peuvent se retirer. Pour souffrir ce devoir, leur frayeur est trop forte; Le flux les apporta, le reflux les remporte. Cependant que leurs rois, engagés parmi nous, Et quelque peu des leurs, tout percés de nos coups, Disputent vaillamment et vendent" bien leur vie. A se rendre moi-même en vain je les convie : Le cimeterre au poing, ils ne m'écoutent pas; Mais, voyant à leurs pieds tomber tous leurs soldats, Et que seuls désormais en vain ils se défendent, Ils demandent le chef; je me nomme, ils se rendent. Je vous les envoyai tous deux en même temps : Et le combat cessa faute de combattants.

(Le Cid, acte IV, sc. III.)

QUESTIONS D'EXAMEN

I. — L'ensemble ; — caractère général du morceau. — Un récit; — récit épique de la bataille contre les Maures. — A qui s'adresse Rodrigue? Résumez l'action et indiquez-en les principaux caractères; Aimez-vous à lire ce récit de bataille? Dites pourquoi (insister surtout sur son allure, si rapide, si alerte, — sur l'ardeur de Rodrigue, — sur la beauté du langage); Essayez d'indiquer, d'après ce récit, les traits dominants du caractère de Rodrigue.

II. — L'analyse du morceau. — Les différentes parties du morceau correspondent aux péripéties de l'action : distinguez-les : a) La nouvelle de la surprise que veulent tenter les Maures; b) Rodrigue et ses soldats se rendent au port; c) L'arrivée de la flotte ennemie; d) Le combat; e) La fuite des vaincus; f) L'hommage rendu à la vaillance des chefs. Montrez que ces parties sont étroitement unies; Pourquoi Rodrigue n'avait-il pas sollicité du roi l'autorisation de marcher contre les Maures ? Quelles dispositions avait-il prises avant le combat ? Les Maures se défendirent-ils vaillamment ? Que firent leurs chefs?

III. — Le style ; — les expressions. — Essayez de faire ressortir les principales qualités du style, dans ce récit (Style rapide, plein d'élan (Sous moi donc, cette troupe s'avance...; Nous nous levons alors... ; Nous les pressons sur l'eau, nous les pressons sur terre...) ; harmonieux (Cette obscure clarté qui tombe des étoiles... ; point de soldats au port, point aux murs de la ville...); imagé (Le flux les apporta, le reflux les remporte...) ; L'un des vers de ce récit n'est-il pas passé dans la langue usuelle? Lequel? Indiquez le sens de l'expression : cette obscure clarté...; Dans l'expression trente voiles, que désigné le mot voiles? Comment appelle-t-on la figure de style par laquelle on désigne le tout par l'une de ses parties? Indiquez la signification des mots stratagème, flux, reflux.

IV. — La grammaire. — Trouvez quelques mots de la même famille que flux; Quel est le contraire de chacun des mots suivants : témérité, assurance, courage, silence? Distinguez les propositions contenues dans les quatre premiers vers; Nature et fonction de chacun des mots suivants : je vous les envoyai tous deux.

Rédaction. — Commentez ces paroles du roi Don Fernand à Rodrigue : Crois que dorénavant Chimène a beau parler, Je ne l'écoute plus que pour la consoler.   

corneille

« Sont demeurés sans gloire au milieu des ténèbres,Où chacun, seul témoin des grands coups qu'il donnait,Ne pouvait discerner où le sort inclinait!J'allais de tous côtés encourager les nôtres,Faire avancer les uns et contenir les autres,Ranger ceux qui venaient, les pousser à leur tour :Et ne l'ai pu savoir jusques au point du jour.Mais enfin sa clarté montre notre avantage;Le Maure voit sa perte et perd soudain courage.Et, voyant du renfort qui nous vient secourir,L'ardeur de vaincre cède à la peur de mourir.Ils gagnent leurs vaisseaux, ils en coupent les câbles,Poussent jusques au ciel des cris épouvantables,Font retraite en tumulte et sans considérerSi leurs rois avec eux peuvent se retirer.Pour souffrir ce devoir, leur frayeur est trop forte;Le flux les apporta, le reflux les remporte.Cependant que leurs rois, engagés parmi nous,Et quelque peu des leurs, tout percés de nos coups,Disputent vaillamment et vendent" bien leur vie.A se rendre moi-même en vain je les convie :Le cimeterre au poing, ils ne m'écoutent pas;Mais, voyant à leurs pieds tomber tous leurs soldats,Et que seuls désormais en vain ils se défendent,Ils demandent le chef; je me nomme, ils se rendent.Je vous les envoyai tous deux en même temps :Et le combat cessa faute de combattants. (Le Cid, acte IV, sc.

III.) QUESTIONS D'EXAMEN I.

— L'ensemble ; — caractère général du morceau.

— Un récit; — récit épique de la bataille contre les Maures.

— Aqui s'adresse Rodrigue? Résumez l'action et indiquez-en les principaux caractères; Aimez-vous à lire ce récit debataille? Dites pourquoi (insister surtout sur son allure, si rapide, si alerte, — sur l'ardeur de Rodrigue, — sur labeauté du langage); Essayez d'indiquer, d'après ce récit, les traits dominants du caractère de Rodrigue. II.

— L'analyse du morceau.

— Les différentes parties du morceau correspondent aux péripéties de l'action :distinguez-les : a) La nouvelle de la surprise que veulent tenter les Maures; b) Rodrigue et ses soldats se rendentau port; c) L'arrivée de la flotte ennemie; d) Le combat; e) La fuite des vaincus; f) L'hommage rendu à la vaillancedes chefs.

Montrez que ces parties sont étroitement unies; Pourquoi Rodrigue n'avait-il pas sollicité du roil'autorisation de marcher contre les Maures ? Quelles dispositions avait-il prises avant le combat ? Les Maures sedéfendirent-ils vaillamment ? Que firent leurs chefs? III.

— Le style ; — les expressions.

— Essayez de faire ressortir les principales qualités du style, dans ce récit (Stylerapide, plein d'élan (Sous moi donc, cette troupe s'avance...; Nous nous levons alors...

; Nous les pressons surl'eau, nous les pressons sur terre...) ; harmonieux (Cette obscure clarté qui tombe des étoiles...

; point de soldatsau port, point aux murs de la ville...); imagé (Le flux les apporta, le reflux les remporte...) ; L'un des vers de ce récitn'est-il pas passé dans la langue usuelle? Lequel? Indiquez le sens de l'expression : cette obscure clarté...; Dansl'expression trente voiles, que désigné le mot voiles? Comment appelle-t-on la figure de style par laquelle on désignele tout par l'une de ses parties? Indiquez la signification des mots stratagème, flux, reflux. IV.

— La grammaire.

— Trouvez quelques mots de la même famille que flux; Quel est le contraire de chacun desmots suivants : témérité, assurance, courage, silence? Distinguez les propositions contenues dans les quatrepremiers vers; Nature et fonction de chacun des mots suivants : je vous les envoyai tous deux. Rédaction.

— Commentez ces paroles du roi Don Fernand à Rodrigue : Crois que dorénavant Chimène a beau parler,Je ne l'écoute plus que pour la consoler.. »

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