LA BEAUTE IDEALE. ALFRED DE VIGNY.

Ce poème fut publié par Alfred de Vigny en 1825, dans le Mercure du XIXe siècle. On étudiera comment Vigny définit les caractères de l'idéal, montre son action sur les arts et en indique les origines naturelles.

Où donc est la beauté que rêve le poète ? Aucun d'entre les arts n'est son digne interprète, Et souvent il voudrait, par son rêve égaré, Confondre ce que Dieu pour l'homme a séparé ; Il voudrait ajouter les sons à la peinture. 5 A son gré, si la Muse imitait la nature, Les formes, la pensée et tous les bruits épars Viendraient se rencontrer dans le prisme des arts, Centre où, de l'univers, les beautés réunies Apporteraient au cœur toutes les harmonies, 10 Les bruits et les couleurs de la terre et des cieux, Le charme de l'oreille et le charme des yeux, Le réveil des oiseaux, la chanson virginale, La perle et les rayons de l'aube matinale, La gémissante voix des soupirs de la nuit, 15 Le nuage égaré sur le torrent conduit, L'éclair tombant du ciel et sillonnant l'espace, Comme un glaive de Dieu qui passe et qui repasse, Les cris du voyageur dans la forêt perdu, L'appel de la clochette en pleurant entendu, 20 Les mots d'amour mêlés au vent sifflant sur l'onde, Et des chastes douleurs l'émotion profonde.

ALFRED DE VIGNY.