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La belle Lisa entra derrière lui dans cette nuit épaisse.

Publié le 15/12/2013

Extrait du document

La belle Lisa entra derrière lui dans cette nuit épaisse. Là, elle le trouva tout à coup au milieu de ses jupes ; elle crut u'elle s'était trop avancée contre lui, elle se recula ; et elle riait, elle disait : -- Si tu t'imagines que je vais les voir, tes bêtes, dans ce four-là. Il ne répondit pas tout de suite ; puis, il balbutia qu'il y avait toujours une bougie dans la resserre. Mais il n'en inissait plus, il ne pouvait trouver le trou de la serrure. Comme elle l'aidait, elle sentit une haleine chaude sur son cou. uand il eut ouvert enfin la porte et allumé la bougie, elle le vit si frissonnant, qu'elle s'écria : -- Grand bêta ! Peut-on se mettre dans un état pareil, parce qu'une porte ne veut pas s'ouvrir ! Tu es une emoiselle, avec tes gros poings. Elle entra dans la resserre. Gavard avait loué deux compartiments, dont il avait fait un seul poulailler, en enlevant la loison. Par terre, dans le fumier, les grosses bêtes, les oies, les dindons, les canards, pataugeaient ; en haut, sur les trois angs des étagères, des boîtes plates à claire-voie contenaient des poules et des lapins. Le grillage de la resserre était tout oussiéreux, tendu de toiles d'araignée, à ce point qu'il semblait garni de stores gris ; l'urine des lapins rongeait les anneaux du bas ; la fiente de la volaille tachait les planches d'éclaboussures blanchâtres. Mais Lisa ne voulut pas désobliger Marjolin, en montrant davantage son dégoût. Elle fourra les doigts entre les barreaux des boîtes, pleurant sur le sort de ces malheureuses poules entassées qui ne pouvaient pas même se tenir debout. Elle caressa un canard accroupi dans un coin, la patte cassée, tandis que le jeune homme lui disait qu'on le tuerait le soir même, de peur qu'il ne mourût pendant la nuit. -- Mais, demanda-t-elle, comment font-ils pour manger ? Alors il lui expliqua que la volaille ne veut pas manger sans lumière. Les marchands sont obligés d'allumer une bougie et d'attendre là, jusqu'à ce que les bêtes aient fini.   -- Ça m'amuse, continua-t-il ; je les éclaire, pendant des heures. Il faut voir les coups de bec qu'ils donnent. Puis, lorsque je cache la bougie avec la main, ils restent tous le cou en l'air, comme si le soleil s'était couché... C'est qu'il est bien défendu de leur laisser la bougie et de s'en aller. Une marchande, la mère Palette, que vous connaissez, a failli tout brûler, l'autre jour ; une poule avait dû faire tomber la lumière dans la paille. -- Eh bien, dit Lisa, elle n'est pas gênée, la volaille, s'il faut lui allumer les lustres à chaque repas ! Cela le fit rire. Elle était sortie de la resserre, s'essuyant les pieds, remontant un peu sa robe, pour la garer des rdures. Lui, souffla la bougie, referma la porte. Elle eut peur de rentrer ainsi dans la nuit, à côté de ce grand garçon ; elle s'en alla en avant, pour ne pas le sentir de nouveau dans ses jupes. Quand il l'eut rejointe : -- Je suis contente tout de même d'avoir vu ça. Il y a, sous ces Halles, des choses qu'on ne soupçonnerait jamais. Je te remercie... Je vais remonter bien vite ; on ne doit plus savoir où je suis passée, à la boutique. Si monsieur Gavard revient, dis-lui que j'ai à lui parler tout de suite. -- Mais, dit Marjolin, il est sans doute aux pierres d'abattage... Nous pouvons voir, si vous voulez. Elle ne répondit pas, oppressée par cet air tiède qui lui chauffait le visage. Elle était toute rose, et son corsage tendu, si mort d'ordinaire, prenait un frisson. Cela l'inquiéta, lui donna un malaise, d'entendre derrière elle le pas pressé de Marjolin, qui lui semblait comme haletant. Elle s'effaça, le laissa passer le premier. Le village, les ruelles noires dormaient toujours. Lisa s'aperçut que son compagnon prenait au plus long. Quand ils débouchèrent en face de la voie ferrée, il lui it qu'il avait voulu lui montrer le chemin de fer ; et ils restèrent là un instant, regardant à travers les gros madriers de la alissade. Il offrit de lui faire visiter la voie. Elle refusa, en disant que ce n'était pas la peine, qu'elle voyait bien ce que 'était. Comme ils revenaient, ils trouvèrent la mère Palette devant sa resserre, ôtant les cordes d'un large panier carré, ans lequel on entendait un bruit furieux d'ailes et de pattes. Lorsqu'elle eut défait le dernier noeud, brusquement, de rands cous d'oie parurent, faisant ressort, soulevant le couvercle. Les oies s'échappèrent, effarouchées, la tête lancée en vant, avec des sifflements, des claquements de bec qui emplirent l'ombre de la cave d'une effroyable musique. Lisa ne ut s'empêcher de rire, malgré les lamentations de la marchande de volailles, désespérée, jurant comme un charretier, amenant par le cou deux oies qu'elle avait réussi à rattraper. Marjolin s'était mis à la poursuite d'une troisième oie. On 'entendit courir le long des rues, dépisté, s'amusant à cette chasse ; puis il y eut un bruit de bataille, tout au fond, et il evint, portant la bête. La mère Palette, une vieille femme jaune, la prit entre ses bras, la garda un moment sur son ventre, dans la pose de la Léda antique. -- Ah ! bien, dit-elle, si tu n'avais pas été là !... L'autre jour, je me suis battue avec une ; j'avais mon couteau, je lui ai coupé le cou. Marjolin était tout essoufflé. Lorsqu'ils arrivèrent aux pierres d'abattage, dans la clarté plus vive du gaz, Lisa le vit en sueur, les yeux luisant d'une flamme qu'elle ne leur connaissait pas. D'ordinaire, il baissait les paupières devant elle, ainsi qu'une fille. Elle le trouva très bel homme comme ça, avec ses larges épaules, sa grande figure rose, dans les boucles de ses cheveux blonds. Elle le regardait si complaisamment, de cet air d'admiration sans danger qu'on peut témoigner aux garçons trop jeunes, qu'une fois encore il redevint timide. -- Tu vois bien que monsieur Gavard n'est pas là, dit-elle. Tu me fais perdre mon temps. Alors, d'une voix rapide, il lui expliqua l'abattage, les cinq énormes bancs de pierre, s'allongeant du côté de la rue Rambuteau, sous la clarté jaune des soupiraux et des becs de gaz. Une femme saignait des poulets, à un bout ; ce qui l'amena à lui faire remarquer que la femme plumait la volaille presque vivante, parce que c'est plus facile. Puis, il voulut qu'elle prît des poignées de plumes sur les bancs de pierre, dans les tas énormes qui traînaient ; il lui disait qu'on les triait et qu'on les vendait, jusqu'à neuf sous la livre, selon la finesse. Elle dut aussi enfoncer la main au fond des grands paniers pleins de duvet. Il tourna ensuite les robinets des fontaines, placées à chaque pilier. Il ne tarissait pas en détails : le sang coulait le long des bancs, faisait des mares sur les dalles ; des cantonniers, toutes les deux heures, lavaient à grande eau, enlevaient avec des brosses rudes les taches rouges. Quand Lisa se pencha au-dessus de la bouche d'égout qui sert à l'écoulement, ce fut encore toute une histoire ; il raconta que, les jours d'orage, l'eau envahissait la cave par cette bouche ; une fois même, elle s'était élevée à trente centimètres, il avait fallu faire réfugier la volaille à l'autre extrémité de la cave, qui va en pente. Il riait encore du vacarme de ces bêtes effarouchées. Cependant, il avait fini, il ne trouvait plus rien, lorsqu'il se rappela le ventilateur. Il la mena tout au fond, lui fit lever les yeux, et elle aperçut l'intérieur d'une des tourelles d'angle, une sorte de large tuyau de dégagement, où l'air nauséabond des resserres montait. Marjolin se tut, dans ce coin empesté par l'afflux des odeurs. C'était une rudesse alcaline de guano. Mais lui, semblait éveillé et fouetté. Ses narines battirent, il respira fortement, comme retrouvant des hardiesses d'appétit. Depuis un quart d'heure qu'il était dans le sous-sol avec la belle Lisa, ce fumet, cette chaleur de bêtes vivantes le grisait. Maintenant, il n'avait plus de timidité, il était plein du rut qui chauffait le fumier des poulaillers, sous la voûte écrasée, noire d'ombre. -- Allons, dit la belle Lisa, tu es un brave enfant, de m'avoir montré tout ça... Quand tu viendras à la charcuterie, je te donnerai quelque chose. Elle lui avait pris le menton, comme elle faisait souvent, sans voir qu'il avait grandi. Elle était un peu émue, à la vérité ; émue par cette promenade sous terre, d'une émotion très douce, qu'elle aimait à goûter, en chose permise et ne tirant pas à conséquence. Elle oublia peut-être sa main un peu plus longtemps que de coutume, sous ce menton d'adolescent, si délicat à toucher. Alors, à cette caresse, lui, cédant à une poussée de l'instinct, s'assurant d'un regard oblique que personne n'était là, se ramassa, se jeta sur la belle Lisa, avec une force de taureau. Il l'avait prise par les épaules. Il la culbuta dans un grand panier de plumes, où elle tomba comme une masse, les jupes aux genoux. Et il allait la prendre à la taille, ainsi qu'il prenait Cadine, d'une brutalité d'animal qui vole et qui s'emplit, lorsque, sans crier, toute pâle de cette attaque brusque, elle sortit du panier d'un bond. Elle leva le bras, comme elle avait vu faire aux abattoirs, serra son poing de belle femme, assomma Marjolin d'un seul coup, entre les deux yeux. Il s'affaissa, sa tête se fendit contre l'angle d'une pierre d'abattage. À ce moment, un chant de coq, rauque et prolongé, monta des ténèbres.   La belle Lisa resta toute froide. Ses lèvres s'étaient pincées, sa gorge avait repris ces rondeurs muettes qui la faisaient essembler à un ventre. Sur sa tête, elle entendait le sourd roulement des Halles. Par les soupiraux de la rue Rambuteau, ans le grand silence étouffé de la cave, tombaient les bruits du trottoir. Et elle pensait que ces gros bras seuls l'avaient sauvée. Elle secoua les quelques plumes collées à ses jupes. Puis, craignant d'être surprise, sans regarder Marjolin, elle 'en alla. Dans l'escalier, quand elle eut passé la grille, la clarté du plein jour lui fut un grand soulagement. Elle rentra à la charcuterie, très calme, un peu pâle. -- Tu as été bien longtemps, dit Quenu. -- Je n'ai pas trouvé Gavard, je l'ai cherché partout, répondit-elle tranquillement. Nous mangerons notre gigot sans lui. Elle fit emplir le pot de saindoux qu'elle trouva vide, coupa des côtelettes pour son amie madame Taboureau, qui lui avait envoyé sa petite bonne. Les coups de couperet qu'elle donna sur l'étau lui rappelèrent Marjolin, en bas, dans la cave. Mais elle ne se reprochait rien. Elle avait agi en femme honnête. Ce n'était pas pour ce gamin qu'elle irait

« Cela lefit rire.

Elleétait sortie delaresserre, s’essuyant lespieds, remontant unpeu sarobe, pourlagarer des ordures.

Lui,souffla labougie, referma laporte.

Elleeutpeur derentrer ainsidans lanuit, àcôté decegrand garçon ; elle s’en allaenavant, pournepas lesentir denouveau danssesjupes.

Quand ill’eut rejointe : — Je suiscontente toutdemême d’avoir vuça.

Ilya, sous cesHalles, deschoses qu’onnesoupçonnerait jamais.Je te remercie… Jevais remonter bienvite ; onnedoit plus savoir oùjesuis passée, àla boutique.

Simonsieur Gavard revient, dis-luiquej’aiàlui parler toutdesuite. — Mais, ditMarjolin, ilest sans doute auxpierres d’abattage… Nouspouvons voir,sivous voulez. Elle nerépondit pas,oppressée parcetairtiède quiluichauffait levisage.

Elleétait toute rose,etson corsage tendu, si mort d’ordinaire, prenaitunfrisson.

Celal’inquiéta, luidonna unmalaise, d’entendre derrièreellelepas pressé de Marjolin, quiluisemblait commehaletant.

Elles’effaça, lelaissa passer lepremier.

Levillage, lesruelles noiresdormaient toujours.

Lisas’aperçut quesoncompagnon prenaitauplus long.

Quand ilsdébouchèrent enface delavoie ferrée, illui dit qu’il avait voulu luimontrer lechemin defer ; etils restèrent làun instant, regardant àtravers lesgros madriers dela palissade.

Iloffrit deluifaire visiter lavoie.

Ellerefusa, endisant quecen’était paslapeine, qu’elle voyaitbienceque c’était.

Comme ilsrevenaient, ilstrouvèrent lamère Palette devantsaresserre, ôtantlescordes d’unlarge panier carré, dans lequel onentendait unbruit furieux d’ailesetde pattes.

Lorsqu’elle eutdéfait ledernier nœud,brusquement, de grands cousd’oie parurent, faisantressort, soulevant lecouvercle.

Lesoies s’échappèrent, effarouchées,latête lancée en avant, avecdessifflements, desclaquements debec quiemplirent l’ombredelacave d’une effroyable musique.Lisane put s’empêcher derire, malgré leslamentations delamarchande devolailles, désespérée, jurantcomme uncharretier, ramenant parlecou deux oiesqu’elle avaitréussi àrattraper.

Marjolins’étaitmisàla poursuite d’unetroisième oie.On l’entendit courirlelong desrues, dépisté, s’amusant àcette chasse ; puisilyeut unbruit debataille, toutaufond, etil revint, portant labête.

Lamère Palette, unevieille femme jaune,laprit entre sesbras, lagarda unmoment surson ventre, danslapose delaLéda antique. — Ah ! bien,dit-elle, situ n’avais pasétélà !… L’autre jour,jeme suis battue avecune ; j’avais moncouteau, jelui ai coupé lecou. Marjolin étaittoutessoufflé.

Lorsqu’ilsarrivèrent auxpierres d’abattage, danslaclarté plusvivedugaz, Lisalevit en sueur, lesyeux luisant d’uneflamme qu’elleneleur connaissait pas.D’ordinaire, ilbaissait lespaupières devantelle,ainsi qu’une fille.Elleletrouva trèsbelhomme commeça,avec seslarges épaules, sagrande figurerose,danslesboucles de ses cheveux blonds.Elleleregardait sicomplaisamment, decet aird’admiration sansdanger qu’onpeuttémoigner aux garçons tropjeunes, qu’unefoisencore ilredevint timide. — Tu voisbien quemonsieur Gavardn’estpaslà,dit-elle.

Tume fais perdre montemps. Alors, d’unevoixrapide, illui expliqua l’abattage, lescinq énormes bancsdepierre, s’allongeant ducôté delarue Rambuteau, souslaclarté jaunedessoupiraux etdes becs degaz.

Une femme saignait despoulets, àun bout ; cequi l’amena àlui faire remarquer quelafemme plumait lavolaille presque vivante,parcequec’est plusfacile.

Puis,ilvoulut qu’elle prîtdespoignées deplumes surlesbancs depierre, danslestas énormes quitraînaient ; illui disait qu’on lestriait et qu’on lesvendait, jusqu’àneufsouslalivre, selon lafinesse.

Elledutaussi enfoncer lamain aufond desgrands paniers pleins deduvet.

Iltourna ensuite lesrobinets desfontaines, placéesàchaque pilier.Ilne tarissait pasendétails : lesang coulait lelong desbancs, faisaitdesmares surlesdalles ; descantonniers, touteslesdeux heures, lavaient àgrande eau, enlevaient avecdesbrosses rudeslestaches rouges.

QuandLisasepencha au-dessus delabouche d’égout quisert à l’écoulement, cefut encore touteunehistoire ; ilraconta que,lesjours d’orage, l’eauenvahissait lacave parcette bouche ; unefoismême, elles’était élevée àtrente centimètres, ilavait fallufaire réfugier lavolaille àl’autre extrémité de lacave, quivaen pente.

Ilriait encore duvacarme deces bêtes effarouchées.

Cependant,ilavait fini,ilne trouvait plus rien, lorsqu’il serappela leventilateur.

Illa mena toutaufond, luifitlever lesyeux, etelle aperçut l’intérieur d’unedes tourelles d’angle,unesorte delarge tuyau dedégagement, oùl’air nauséabond desresserres montait. Marjolin setut, dans cecoin empesté parl’afflux desodeurs.

C’étaitunerudesse alcalinedeguano.

Maislui,semblait éveillé etfouetté.

Sesnarines battirent, ilrespira fortement, commeretrouvant deshardiesses d’appétit.Depuisunquart d’heure qu’ilétait dans lesous-sol aveclabelle Lisa,cefumet, cettechaleur debêtes vivantes legrisait.

Maintenant, il n’avait plusdetimidité, ilétait plein durut qui chauffait lefumier despoulaillers, souslavoûte écrasée, noired’ombre. — Allons, ditlabelle Lisa,tues un brave enfant, dem’avoir montrétoutça…Quand tuviendras àla charcuterie, jete donnerai quelquechose. Elle luiavait prislementon, commeellefaisait souvent, sansvoirqu’il avait grandi.

Elleétait unpeu émue, àla vérité ; émueparcette promenade sousterre, d’une émotion trèsdouce, qu’elle aimaitàgoûter, enchose permise etne tirant pasàconséquence.

Elleoublia peut-être samain unpeu plus longtemps quedecoutume, souscementon d’adolescent, sidélicat àtoucher.

Alors,àcette caresse, lui,cédant àune poussée del’instinct, s’assurant d’unregard oblique quepersonne n’étaitlà,seramassa, sejeta surlabelle Lisa,avec uneforce detaureau.

Ill’avait priseparles épaules.

Illa culbuta dansungrand panier deplumes, oùelle tomba comme unemasse, lesjupes auxgenoux.

Etilallait la prendre àla taille, ainsiqu’ilprenait Cadine, d’unebrutalité d’animal quivole etqui s’emplit, lorsque,sanscrier, toute pâle decette attaque brusque, ellesortit dupanier d’unbond.

Elleleva lebras, comme elleavait vufaire auxabattoirs,. »

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